La bête finira par ne plus résister



29 novembre 2012

La grosse journée est passée avec son lot d’examens et l’entretien avec l’Oncologue pour faire le point et définir la suite des réjouissances.

Je ne sais pas si je dois me réjouir ou m’inquiéter.

Après six cures de chimio, nous arrêtons la chimio pour la simple raison que le PSA est stable. Ne sautez pas au plafond à cette nouvelle, j’ai dis stable, pas normal. C’est là qu’est toute la différence. Si je remonte sur les grandes étapes de ce voyage, en janvier 2012, PSA 97, Déballage du grand Bazar avec biopsie, IRM, Scanner…
diagnostique du cancer avec métastases et mise en place du traitement hormonale.
C’est un peu dans le désordre, mais fallait lire avant pour vous documenter.
Six mois après constatation d’échec, je suis hormono-résistant, j’ai toujours été résistant et revêche, taux de PSA 430.
Après conciliabules des médecins, début août, première cure de chimio le taux de PSA est retombé à 198. Au bout de trois mois de prise en charge par une équipe de muets, je change d’équipe médicale pour Val d’Aurelle. Au début de cette prise en charge, le taux de PSA était de 104 il est donc décidé comme le taux baisse régulièrement de continuer la chimio encore pendant trois cures. Aujourd’hui après ces trois cures, le taux de PSA est à 91.

L’interprétation de l’oncologue est claire, il y a trois mois 104 et aujourd’hui 91, signifie que c’est stable, autrement dit, ça ne descend plus. Donc on arrête tout, plus de chimio, plus rien sauf des contrôles sanguins toutes les six semaines.
De toute façon, on ne sait jamais ce qu’il faut faire dans ce cas, dixit le toubib.

Ça va faire un an que je suis gravement atteint par ce cancer, après ces traitements, j’en suis au même point.
Début janvier, en dehors des seuils d’alerte qui étaient hors normes, je n’avais rien ; après être passé entre les mains de l’urologue et de sa biopsie, la situation c’est considérablement aggravée, ce qui a justifié la chimiothérapie avec toutes ses conséquences. Maintenant je suis revenu au même point qu’au départ, mais on ne fait plus rien, on attend patiemment que les choses s’aggravent pour agir dans l’urgence de nouveau, et comme ça de saut de puce en saut de puce, la bête finira par ne plus résister.

Le seul problème dans ce scénario, c’est que la bête, c’est moi.

J’allais oublier, la cerise sur le gâteau, mon œdème. De ce coté là, tout va bien pour la sécu, je vais contribuer modestement à baisser le déficit,  je n’ai plus besoin de séance de kiné.

Ben pourquoi, me direz vous, puisque tu es toujours embêté avec cette jambe qui reste très enflée, avec cette cheville qui n’a plus d’articulation, c’est complètement handicapant, tu ne peux même pas faire de sport, tu te prends les pieds partout, bordure de trottoir, escaliers…

Je n’ai plus besoin de kiné d’après l’oncologue, parce que ça ne sert à rien, ça ne change rien et de toute façon il faut bien que je m’y fasse puisque ça ne reviendra jamais, c’est mort, je suis condamné à garder ma jambe sous œdème à vie.

Vie de merde !

28 novembre 2012

Le titre ne prête pas à rire, mais à bien y réfléchir, ma situation n'est pas très joyeuse non plus.
Prenons les choses dans le désordre pour être plus explicite.

Sur le plan professionnel, ça ne pourrait pas être pire, je perds tous les marchés auxquels je postule. Je ne sais plus pourquoi je travaille.

Sur le plan des projets, je travaillais depuis des mois sur la création d'une association pour formaliser des valeurs auxquelles je crois et qui me sont très chères. Ça ne se fera pas, ou du moins pas dans des conditions optimales.

Sur le plan privé, personne n'a envie d'aller trop vite, nous sommes tous en attente d'informations sur l'évolution potentielle de la maladie avec un optimisme très modéré.

Hé ben nous y sommes, c'est demain le premier gros bilan, et je ne suis pas tranquille dans mes pantoufles.
Pour bien comprendre mon point de vue sur la situation, il faudrait imaginer ce que tous les malades du cancer vivent. Vous avez beau être très bien entouré et très bien soutenu, ça ne change rien, vous êtes seul avec votre maladie qui vous ronge de l’intérieur.  Ce n’est pas tant le corps qui souffre, c’est le mental qui subit.

Nous vivons en permanence, nuits et jours, avec une menace et des contraintes. Vous ne pouvez pas vous imaginer, comment nous nous comprenons à travers les échanges de regards dans la salle d'attente de chimio. Les informations de demain, sauf miracle, ne vont rien changer si ce n'est la posologie chimique des médicaments. Le cancer de la prostate ne se guérit pas, on peut le juguler, le limiter, l'empêcher au mieux de se propager, mais il est là et il restera une menace permanente.

Il est bientôt minuit, il me reste quelques heures à patienter pour vous en dire plus...

J’ai pris ma dose !



20 novembre 2012

Aujourd’hui, sixième cure de chimio avec le taxotère, cet élixir qui devrait anéantir mes métastases. Je dis qui devrait car nous en seront plus dans environ une semaine après un scanner de contrôle.

Pour le moment ce n’est que des constatations qui ne veulent pas dire grand-chose tant qu’on ne les rattache pas à ce fameux bilan.

Ma jambe gauche reste à son stade d’œdème, un stade de gonflement modéré qui n’alerte pas les toubibs mais qui me gène énormément dans ma mobilité. Essayez de vous déplacer avec une jambe complètement ankylosée, avec une cheville qui n’a plus sa flexibilité et qui vous joue des tours dans les escaliers ou devant les bordures de trottoir.

Le problème risque de perdurer. L’œdème est la conséquence d’un mauvais drainage lymphatique, qui lui est dû à un ganglion qui ne fait plus son boulot, ce dernier ne le faisant plus parce qu’il était atteint par les métastases, qui ont été attaquée par les cures de chimio, du coup, plus de métastases (du moins je l’espère) mais en même temps plus de ganglion fainéant. Un ganglion mort ne faisant pas plus qu’un ganglion malade, c’est un moteur de moins sur le circuit Lymphatique, et à la fin du compte un œdème qui s’installe durablement…

Les mots ne tuent pas



19 novembre 2012

Cancer, le mot qui tue ? C’est souvent la première réaction de mes interlocuteurs, quand je rencontre des connaissances qui n’étaient pas au courant de ma maladie et me voient avec ma belle Tête de Turc.
Mais qu’est ce qui t’arrive ?
Ben, comme tu vois, ce n’est pas un rhume, c’est un cancer.
Ho, merde, j’espère que tu vas t’en sortir.
Oui, merci, moi aussi ;+))

C’est la peur qui guide mes interlocuteurs à répondre de façon si instinctive. Tout le monde a peur d’avoir le cancer, toutes les personnes que vous croisez dans la rue savent qu’il y a une recrudescence de cancer depuis quelques années. L’information sur le cancer en général est très diffuse, dans l’esprit d’un grand nombre, la chimio est l’étape qui précède le décès, alors que coté malade, on sait que ce n’est pas du tout le cas.

Je ne vous fais pas un excès d’optimisme, je constate simplement que l’information de tout à chacun est minimale.

Pour ma part, les choses sont claires, j’ai un cancer, particulièrement agressif qui néanmoins peut se soigner. Je pourrai me prendre la tête, m’écrouler par terre, pleurer à longueur de journées, ça ne changerai rien. Donc, je ne modifierai rien à ma vie de tous les jours. Mon dynamisme me permet d’être plus fort contre la maladie, viendront sûrement des moments plus pénibles, comme ceux que j’ai déjà vécu depuis le début du traitement, mais la maladie ne prendra pas le dessus.
Je ne fais pas partie des spectateurs, je suis acteur, mon cancer est sur scène avec moi, nous nous donnons la réplique. Plus j’avance dans ce voyage, plus je perçois ses forces et ses déficiences. J’ai également des faiblesses qu’il peut utiliser mais à aucun moment je ne lui laisserai le champ libre sans répliquer.

Ça pourrait être pire, je pourrai attraper la grippe, Vous saviez que l’on peut mourir de la grippe ?

La schizophrénie du travail



14 novembre 2012

Je n’ai pas communiqué depuis une semaine pour cause d’intense réflexion pour trouver une solution à la perte de concentration qui depuis plus d’un mois pénalise gravement mon entreprise. Je crois avoir trouvé une piste qui n’est sûrement pas la plus confortable, mais qui m’a permis de constater une amélioration très sensible.

Depuis quelque temps pour limiter les coups de fatigue, je prenais un peu de recul par rapport à mon travail et de fait, quand je remontais à la surface, à l’identique d’un plongeur, j’étais obligé de respecter des paliers de décompression, faute de quoi j’étais un peu étourdi. Ces temps de recul ne m’ont pas apporté le repos que j’escomptais, l’angoisse de perdre la main sur mon travail m’empêchait de dormir.

Je suis un malade de la besogne, un intoxiqué du boulot, un schizophrène du travail, je ne peux pas m’en passer, c’est comme une crise de manque. Sans aucun doute, il faudra que je me soigne un jour, mais pour le moment la drogue est encore douce. Quand je garde le rythme habituel à travailler sur des dossiers à longueur de journée, je n’ai que très peu de perte de concentration et je retrouve assez facilement mes réflexes.

Travailler sur une multitude de projet me fait tenir. C’est en restant conscient de ma maladie tout en ne changeant rien à mon ordinaire que je vis le mieux ce voyage que je n’ai pas choisi.

Le prix de la douleur



7 novembre 2012

Le temps entre deux messages devient de plus en plus long et j’en suis désolé. Il y a une semaine j’ai eu ma cinquième injection et comme d’habitude rien n’a été comme auparavant. Avec l’équipe de Val d’Aurelle nous anticipons les réactions à la douleur en prenant avant, pendant et après l’injection une dose de corticoïde.

Les effets des corticoïdes sur l’état général sont très percutants. Je suis de nature un peu nerveuse voir légèrement irritable quand les choses ne vont pas dans mon sens. Là, ce n’est plus de l’irritabilité, c’est proche de la névrose. Quand je suis sous l’emprise de ces cachets, je ne contrôle plus mes nerfs, j’ai l’impression d’être branché sur le secteur en permanence, du coup, c’est mon entourage qui se prend la tempête en essayant de passer les vagues avec le moins de dommages possible.

La dernière fois que j’avais suivi ce traitement, j’avais ressenti une légère tension nerveuse que j’avais jugulé avec une suractivité débordante en attaquant les travaux de la cuisine mais au moins, les douleurs n’étaient plus pressantes. Cette fois avec le même traitement, les douleurs étaient estompées mais présentes avec en plus ce mal être nerveux.

Pour le reste de l’état général de la bête, je ne sais quoi dire, des douleurs diffuses réapparaissent au niveau des ganglions inguinaux qui sont sensés être un peu hors course après les séances de chimio. La jambe gauche est toujours gonflée, le manque de concentration toujours plus présent. Le moral est bon, l’ambiance à la maison y est pour beaucoup, nous n’avons pas perdu notre sens de l’humour et continuons à bien rire ensemble.