Cancer, la pathologie qui rend junkie

25 juillet 2015

Chaque malade garde tant bien que mal sa capacité d'analyse et peut prendre la responsabilité du refus d'un traitement. Le médecin en tant qu'expert, à un certain stade "avancé", se positionne comme un conseillé qui accompagne son patient. Il y a néanmoins des conseils qui sont bien appuyés et qu'il faut savoir prendre sans trop réfléchir.

Le choix du patient reste pourtant un droit et libre à chacun de refuser une chimio ou un autre traitement qui la plupart du temps ne vont pas améliorer le confort du malade. Si le confort préconisé par le médecin se résume à la longévité, il prend rarement en compte la cohorte d'effets secondaires qui pourrissent la vie quotidienne. Le malade va, lui, chercher à améliorer sur le court terme son confort, qui passe par la diminution des douleurs et un semblant de vie normale.

De mon point de vue, si le gain en longévité passe par la diminution de l'être, ce n'est pas un choix pertinent. 

J'ai pourtant accepté qu'on me donne de nouveau cette dose régulière de chimie qui ne parle que sur le papier de résultat optimal. J'ai accepté de continuer à me prendre de plein fouet ces effets secondaires qui m’empêchent de vivre au quotidien. Comme un junkie qui cherche par tout les moyens à s'injecter sa part de rêves alors qu'il sait pertinemment qu'il est entrain de se détruire.

Il est vrai que les derniers résultats vont dans le sens d'une promesse de répits, mais les promesses sont ce qu'elles sont et les résultats ne sont pas toujours en adéquation.

Je ne fais pas la fine bouche, je veux simplement vous exprimer mon optimisme modéré. Je le répète, il n'y aura jamais de rémission, la sentence reste la même et je ne vais pas me remettre à courir comme un lapin, à retrouver ma forme physique et ma capacité intellectuelle. Ce qui a disparu ne reviendra pas.

Mon cancer recule

23 juillet 2015

Il y a des jours où finalement on est plutôt content d’avoir vu son toubib. D’abord, il revenait de congé, il était donc plutôt de bonne humeur, souriant (ce qui ne court pas les rues chez les oncologues).

Nous avons commencé par discuter de mon ressenti, de ma fatigue, des derniers événements et de la chimio. Je ne vais pas vous rédiger de nouveau ce qui a déjà été écrit il y a quelques messages en arrière. J’en peste de cette chimio qui me pourrit la vie comme vous avez pu le constater fidèles lecteurs que j’aime. J’en peste et finalement je vais y replonger pour 4 cures de plus si je tiens le coup jusque-là. Evidemment, ça bouscule un peu mes projets de vacances à court terme, et ça va me donner tout le reste de l’été à en baver.

Mais qu’est ce qu’il nous raconte ce con de se réjouir de continuer une chimio et de se pavaner avec son été pourri.

Et bien, figurez-vous que je me réjouis parce que mon compagnon de voyage vient de battre sérieusement en retraite. L’ensemble des métastases osseuses ont tellement diminué qu’elles sont presque imperceptibles sur la scintigraphie. L’ensemble des métastases ganglionnaires ont très largement diminué d’au moins la moitié de leur volumes initiales, et enfin le PSA a chuter de 2/3 par rapport au début de la chimio avec Jevtana. C’est donc avec le sourire que mon onco m’a proposé très sérieusement de continuer ce traitement jusqu’au maximum toléré soit 10 cures au total.

Son analyse est simple, l’affaiblissement du cancer sera tel qu’il faudra  logiquement qu’une surveillance de principe pendant un bon moment à la fin du traitement.

C’est un temps énorme de gagner qui va me laisser beaucoup plus de temps pour mes voyages. Ce n’est pas une rémission, dans mon cas ça n’existe pas mais c’est au mieux du temps, beaucoup plus de temps à vivre et à voyager. Le mot de la fin de mon onco a été de me confier qu’il aimerait bien noté une telle amélioration avec bon nombre de ses patients. Je crois que c’est très clair.

Levée de rideaux sur mon Cancer

22 juillet 2015

Demain, journée de bilan après 6 cures de chimio bien destructrices.

Ça fait trois ans que je me suis mis à rediger ce blog pour partager mes ressentiments sur ce voyageur clandestin dans la vie de mon couple et dans ma vie simplement. 

Demain je vais me prêter aux différents soignants au scanner, à la scintiraphie et ensuite, discution avec mon onco...

Lui, il ne va pas être sourd.
Toubib, si tu lis ce blog, prevois large pour le rendez vous, je n'ai pas l'intention de te lâcher.
Le bilan sanguin affiche 50 de psa après ces mois de douleurs. Toubib, tu vas t'en réjouir et au mieux me proposer trois cures de plus ;  de toutes façons t'as rien d'autre. Poutant, tu pourrais simplement me foutre la paix et comme moi attendre mieux et me permettre de partir en voyage, me laisser le temps de vivre...

N'oublie pas que derrière la maladie il y a un patient et des êtres autour qui retiennent tous leur souffle et qui fatiguent de ce mutisme et de cette satisfaction de théâtre.

Rassurez vous

J'étais tombé au fond des limbes, et me voilà comme un mutant à fond rechargé avec une chimie incertaine.

La norme en nombre par mm3 pour les polynucléaires neutrophiles ( globules blancs ) est entre 2000 et 7500. Au moment de mon coup de mou ils étaient à 30, maintenant ils sont à. 15 650.

Les conséquences de l'oubli du traitement qui devait suivre ma cure de chimio sont particulierement difficile à vivre.

La baisse avait provoquée une énorme fatigue, le débordement a provoqué son lot de douleurs pendant au moins 48 h.

Demain sera un autre jour avec son lot d'incertitude mais toujours avec cette putain envie de vivre et de lutter.

J’aurai tellement voulu vous rassurer.

16 juillet 2015

La nuit fut courte et désagréable. En me couchant hier, je savais que je ne dormirais pas. Trop d’incertitudes sur mon état de santé, trop de prises de tête sur la succession de ma boite, des banquiers qui par leur mépris me cassent une partie de mes rêves.

Hier matin, j’étais encore optimiste, concentré à faire des recherches sur mon futur voyage. Le Pérou, c’était décidé, je ne me retenais plus sur rien, quitte à profiter du temps qui est le mien autant que ce soit à fond. En fin de traitement de chimio, quoiqu’il se passe, mes toubibs vont être dans l’obligation de respecter une période de sevrage avant de me proposer une nouvelle recette.

Hé puis voilà, il y a des journées qui portent leur lot de déceptions. La vente de la boite repoussée, c’est mon budget Pérou qui disparait.

Résultat de cette nuit trop tendue, ce matin j’étais complètement bloqué au niveau du dos avec de fortes douleurs, un mal de crâne comme un lendemain de fête et toutes ces questions qui se bousculent sans trouver de réponses.
Un petit coup de fil au toubib pour une consultation en urgence et me voilà sorti de mon salon où je croupissais dans ma quarantaine, pour me mettre en quarantaine dans mon véhicule avant de retarder une nouvelle quarantaine dans la salle d’attente du médecin.

Son diagnostic est simple et direct, il veut me faire ingurgiter des anxiolytiques. Mon mal de dos est la conséquence de ma tête qui déconne, qui ne supporte plus ce poids, qui ne veut plus entendre le banquier, les assurances. La baisse immunitaire aura eu au moins du bon, elle aura fait émerger cette faiblesse.

Mais pourquoi ils ne m’ont pas hospitalisé ces cons. Une petite cure de quelques jours loin de tout et de tous. Au lieu de ça, je me fais mes piqures moi-même parce que l’infirmière est injoignable pour remonter mes globules, et j’ai dans ma poche une boite d’anxiolytiques que je ne veux pas toucher.

Un spectre qui en apparence fait bonne figure alors qu'une fois le rideau tiré, tout se replace dans l'angoisse. 

Agranulocytose

14 juillet 2015

Non, ce n’est pas le patronyme d’une plante endémique d’Amérique du sud, c’est le nom que l’on donne à ma chute vertigineuse de globules blancs.

Je viens de lire cette information dans un message d’une amie très chère (Suisse), Michèle je t’embrasse. Michèle est correspondante du blog, elle a accompagné Didier, l’homme de sa vie dans sa lutte contre le cancer de la prostate jusqu’à la fin, 6 mois après son agranulocytose.
Je ne me base pas sur cet exemple pour vous donner un compte à rebours, Didier était déjà très faible avant cette baisse de l'immunité.

Je veux simplement attirer votre attention sur la différence de prise en charge d’un patient d’un pays à l’autre qui est sidérante.

En Suisse, c'est hospitalisation immédiate pour quelques jours, en chambre "stérile" (les visiteurs portent masques et blouses protectrices), et perfusion massive d'antibios et de produits réhydratants et nourrissants. Didier a connu ça en décembre 2013 (6 jours à l'hosto et retour à la maison en bien meilleure forme)

En France, comme je le décris dans mon dernier message, c’est tout autrement. Confinement à la maison avec interdiction de recevoir, antibios pour limiter les problèmes gastrique et injection de Zarzio, piqure journalière pouvant remonter cette déficience. Zarzio du fait de la fête nationale ne sera pas disponible avant demain.

Ha ! J’allais oublier, je dois surveiller ma température et si ça ne va pas, me démerder avec les urgences pour une prise en charge.

La France, vous savez, le petit pays qui donne des leçons aux autres, celui où l'on va supprimer des postes dans les hopitaux, celui qui est toujours le dernier à valider la mise sur le marché de médicaments si importants pour nous, les malades.

Neutrophiles à 2%

13 juillet 2015

Samedi matin, de nouveau des problèmes de dysenterie et une grosse fatigue. Je me lève et me bouscule, comme d’habitude et décide de rendre visite à mon médecin traitant pour lui soutirer une bonne recette afin de me soulager de ces maux.

Au récit de mes aventures il décide de m’envoyer directement au labo du coin pour des examens complémentaires. Et là comme un plafond sur la tête, j’apprends qu’il ne me reste que 2% d’immunité. Autrement dit, les batteries sont à plat et si on éternue à proximité de mon humble personne, je risque une pneumonie foudroyante.

Interdiction de sortir de chez moi, interdiction d’ouvrir ma porte à qui que ce soit, surveillance accrue de la température trois à quatre fois par jour. A la moindre alerte (plus de 38°) je dois contacter d’urgence l’interne de garde à l’ICM. Pour me remonter sans me vider je n’ai pas droit aux fruits et légumes, même pas une fois par jour. Il faut que je me remonte en puisant les vitamines dans les pâtes, le riz et les patates.

Aujourd’hui, lundi, confirmation de la chute de l’immunité et décision est prise de m’injecter du Zarzio qui aurait dû être prescrit au lendemain de ma dernière cure de chimio pour éviter cette chute.

Le produit n’est pas disponible en pharmacie, il faut le commander. La livraison ne pourra se faire avant mercredi fin d’après-midi. Demain nous sommes le 14 juillet et c’est férié, tout est fermé, y compris la pharmacie de l’hôpital. Une fois de plus il faudra que le patient fasse preuve de patience.

Cancer de la prostate, le long chemin de la perte de l'intime

10 juillet 2015

Qui peut accepter de perdre ses copains, son équilibre dans le couple, son travail, sa capacité à maitriser son humeur, sa vie sexuelle, son propre discernement. 

Qui peut accepter de ne plus contrôler sa vessie, de vivre avec des douleurs et une dysenterie en permanence. 

Qui peut accepter de ne plus pouvoir se plier pour bricoler et de se surprendre à ne plus pouvoir soulever une bouteille de gaz pour la remplacer.

Qui peut accepter de cumuler tous ces symptômes et de rester avec des questions parce que les toubibs qui le suive ne diront pas qu'ils ne savent pas ou tout simplement qu'ils savent trop où l'on va.

Cette liste trop longue et à la fois incomplète est le quotidien d'un malade du cancer de la prostate avec métastases, le mien.

Il est bientôt minuit, je suis le cul sur la terrasse, les doigts de pieds dans le romarin.
Devant moi, l'ombre des herbes sauvages que nous n'avons pas eu le courage de couper cette année. En plus de trente ans dans notre paradis de garrigue, c’est la première fois que nous nous laissons envahir par la végétation. C'est la première fois que nous sommes occupés au point de ne plus savoir si les doutes et les douleurs vont l'emporter sur l'équilibre du couple et jusqu’où ira l'impact destructeur de ce cancer sur la vie privée.

Le cancer va beaucoup plus loin qu'on peut l'imaginer. Je suis détruit par deux chimio en trois ans, intercalé par des traitement qui avaient aussi leurs lots d'effets destructeurs, plein d'incertitudes sur la suite après avoir épuisé la pharmacie disponible aujourd'hui.
Je ne suis plus moi même, la fatigue est tellement intense que j'ai de plus en plus de mal à dormir.

Aujourd'hui, j'ai été voir un des rares copains qui n'a pas eu peur du mot cancer le jour où je l'ai annoncé et qui continue à garder son naturel dans nos échanges, trois heures de plaisirs dans une semaine de merde, merci Julien. Demain ce sera de nouveau le toubib et les labos en urgence pour juguler cette invasion de bactéries.

Je vis dans le sud de la france, nous sommes en plein été, je n'ai plus le droit de manger des fruits et légumes, je n'ai plus le droit de m'exposer au soleil...

Qu'est ce qu'il me reste pour entretenir mon moral ?

Je n'ai plus de patience pour certaines choses

3 juillet 2015

Je viens de lire un très beau texte de Meryl Streep et je préfére le partager que le commenter longuement même si ses propos résume assez bien mon état d'esprit.

"Je n'ai plus de patience pour certaines choses, non pas parce que je suis devenue arrogante, mais tout simplement parce que je suis arrivée à un point de ma vie où je ne veux pas perdre plus de temps avec ce qui me blesse ou avec ce qui me déplaît.

Je n'ai aucune patience pour le cynisme, la critique excessive ni pour les exigences d'une nature quelconque. J'ai perdu la volonté de plaire à celui qui n'aime pas, d'aimer à celui qui ne m'aime pas et à sourire à celui qui ne veut pas me sourire. Je ne dédie plus une seule minute à celui qui ment ou à celui qui veut manipuler. J'ai décidé de ne plus vivre avec la prétention, l'hypocrisie, la malhonnêteté et l'éloge pas chére...

Je n'arrive pas à tolérer l'érudition sélective et l'arrogance académique. Je n'ai pas à m'adapter plus avec les affaires du voisinage ou avec le commérage. Je déteste les conflits et les comparaisons. Je crois à un monde de contraires et c'est pour ça que j'évite des gens ayant un caractère rigide et inflexible.

En amitié, je n'aime pas le manque de loyauté ni la trahison.

Je ne m'entends pas bien avec ceux qui ne savent pas donner un compliment et qui ne savent pas encourager. Les exagérations m'ennuient et j'ai du mal à accepter ceux qui n'aiment pas les animaux. Et pour couronner le tout, je n'ai aucune patience pour ceux qui ne méritent pas ma patience..."

- Meryl Streep -