Carnet de bord d'un voyage que je n'ai pas choisi avec un cancer de la prostate. J’ai 53 ans, pas de gènes urinaires, pas de douleurs, pas d’antécédents familiaux, pas de symptômes de fatigue, pas de perte de poids. Sur les conseils de mon médecin traitant je fais un examen sanguin. Résultat, cancer de la prostate métastasé... Début du voyage avec mon cancer le 25 janvier 2012.
Cancer, la pathologie qui rend junkie
Mon cancer recule
Il y a des jours où finalement on est plutôt content d’avoir vu son toubib. D’abord, il revenait de congé, il était donc plutôt de bonne humeur, souriant (ce qui ne court pas les rues chez les oncologues).
Nous avons commencé par discuter de mon ressenti, de ma fatigue, des derniers événements et de la chimio. Je ne vais pas vous rédiger de nouveau ce qui a déjà été écrit il y a quelques messages en arrière. J’en peste de cette chimio qui me pourrit la vie comme vous avez pu le constater fidèles lecteurs que j’aime. J’en peste et finalement je vais y replonger pour 4 cures de plus si je tiens le coup jusque-là. Evidemment, ça bouscule un peu mes projets de vacances à court terme, et ça va me donner tout le reste de l’été à en baver.
Mais qu’est ce qu’il nous raconte ce con de se réjouir de continuer une chimio et de se pavaner avec son été pourri.
Et bien, figurez-vous que je me réjouis parce que mon compagnon de voyage vient de battre sérieusement en retraite. L’ensemble des métastases osseuses ont tellement diminué qu’elles sont presque imperceptibles sur la scintigraphie. L’ensemble des métastases ganglionnaires ont très largement diminué d’au moins la moitié de leur volumes initiales, et enfin le PSA a chuter de 2/3 par rapport au début de la chimio avec Jevtana. C’est donc avec le sourire que mon onco m’a proposé très sérieusement de continuer ce traitement jusqu’au maximum toléré soit 10 cures au total.
Son analyse est simple, l’affaiblissement du cancer sera tel qu’il faudra logiquement qu’une surveillance de principe pendant un bon moment à la fin du traitement.
C’est un temps énorme de gagner qui va me laisser beaucoup plus de temps pour mes voyages. Ce n’est pas une rémission, dans mon cas ça n’existe pas mais c’est au mieux du temps, beaucoup plus de temps à vivre et à voyager. Le mot de la fin de mon onco a été de me confier qu’il aimerait bien noté une telle amélioration avec bon nombre de ses patients. Je crois que c’est très clair.
Levée de rideaux sur mon Cancer
Lui, il ne va pas être sourd.
Rassurez vous
J'étais tombé au fond des limbes, et me voilà comme un mutant à fond rechargé avec une chimie incertaine.
La norme en nombre par mm3 pour les polynucléaires neutrophiles ( globules blancs ) est entre 2000 et 7500. Au moment de mon coup de mou ils étaient à 30, maintenant ils sont à. 15 650.
Les conséquences de l'oubli du traitement qui devait suivre ma cure de chimio sont particulierement difficile à vivre.
La baisse avait provoquée une énorme fatigue, le débordement a provoqué son lot de douleurs pendant au moins 48 h.
Demain sera un autre jour avec son lot d'incertitude mais toujours avec cette putain envie de vivre et de lutter.
J’aurai tellement voulu vous rassurer.
La nuit fut courte et désagréable. En me couchant hier, je savais que je ne dormirais pas. Trop d’incertitudes sur mon état de santé, trop de prises de tête sur la succession de ma boite, des banquiers qui par leur mépris me cassent une partie de mes rêves.
Hier matin, j’étais encore optimiste, concentré à faire des recherches sur mon futur voyage. Le Pérou, c’était décidé, je ne me retenais plus sur rien, quitte à profiter du temps qui est le mien autant que ce soit à fond. En fin de traitement de chimio, quoiqu’il se passe, mes toubibs vont être dans l’obligation de respecter une période de sevrage avant de me proposer une nouvelle recette.
Hé puis voilà, il y a des journées qui portent leur lot de déceptions. La vente de la boite repoussée, c’est mon budget Pérou qui disparait.
Résultat de cette nuit trop tendue, ce matin j’étais complètement bloqué au niveau du dos avec de fortes douleurs, un mal de crâne comme un lendemain de fête et toutes ces questions qui se bousculent sans trouver de réponses.
Un petit coup de fil au toubib pour une consultation en urgence et me voilà sorti de mon salon où je croupissais dans ma quarantaine, pour me mettre en quarantaine dans mon véhicule avant de retarder une nouvelle quarantaine dans la salle d’attente du médecin.
Son diagnostic est simple et direct, il veut me faire ingurgiter des anxiolytiques. Mon mal de dos est la conséquence de ma tête qui déconne, qui ne supporte plus ce poids, qui ne veut plus entendre le banquier, les assurances. La baisse immunitaire aura eu au moins du bon, elle aura fait émerger cette faiblesse.
Mais pourquoi ils ne m’ont pas hospitalisé ces cons. Une petite cure de quelques jours loin de tout et de tous. Au lieu de ça, je me fais mes piqures moi-même parce que l’infirmière est injoignable pour remonter mes globules, et j’ai dans ma poche une boite d’anxiolytiques que je ne veux pas toucher.
Agranulocytose
Non, ce n’est pas le patronyme d’une plante endémique d’Amérique du sud, c’est le nom que l’on donne à ma chute vertigineuse de globules blancs.
Je viens de lire cette information dans un message d’une amie très chère (Suisse), Michèle je t’embrasse. Michèle est correspondante du blog, elle a accompagné Didier, l’homme de sa vie dans sa lutte contre le cancer de la prostate jusqu’à la fin, 6 mois après son agranulocytose.
Je veux simplement attirer votre attention sur la différence de prise en charge d’un patient d’un pays à l’autre qui est sidérante.
En France, comme je le décris dans mon dernier message, c’est tout autrement. Confinement à la maison avec interdiction de recevoir, antibios pour limiter les problèmes gastrique et injection de Zarzio, piqure journalière pouvant remonter cette déficience. Zarzio du fait de la fête nationale ne sera pas disponible avant demain.
Ha ! J’allais oublier, je dois surveiller ma température et si ça ne va pas, me démerder avec les urgences pour une prise en charge.
Neutrophiles à 2%
Cancer de la prostate, le long chemin de la perte de l'intime
Devant moi, l'ombre des herbes sauvages que nous n'avons pas eu le courage de couper cette année. En plus de trente ans dans notre paradis de garrigue, c’est la première fois que nous nous laissons envahir par la végétation. C'est la première fois que nous sommes occupés au point de ne plus savoir si les doutes et les douleurs vont l'emporter sur l'équilibre du couple et jusqu’où ira l'impact destructeur de ce cancer sur la vie privée.
Aujourd'hui, j'ai été voir un des rares copains qui n'a pas eu peur du mot cancer le jour où je l'ai annoncé et qui continue à garder son naturel dans nos échanges, trois heures de plaisirs dans une semaine de merde, merci Julien. Demain ce sera de nouveau le toubib et les labos en urgence pour juguler cette invasion de bactéries.
Je n'ai plus de patience pour certaines choses
Je viens de lire un très beau texte de Meryl Streep et je préfére le partager que le commenter longuement même si ses propos résume assez bien mon état d'esprit.
"Je n'ai plus de patience pour certaines choses, non pas parce que je suis devenue arrogante, mais tout simplement parce que je suis arrivée à un point de ma vie où je ne veux pas perdre plus de temps avec ce qui me blesse ou avec ce qui me déplaît.
Je n'ai aucune patience pour le cynisme, la critique excessive ni pour les exigences d'une nature quelconque. J'ai perdu la volonté de plaire à celui qui n'aime pas, d'aimer à celui qui ne m'aime pas et à sourire à celui qui ne veut pas me sourire. Je ne dédie plus une seule minute à celui qui ment ou à celui qui veut manipuler. J'ai décidé de ne plus vivre avec la prétention, l'hypocrisie, la malhonnêteté et l'éloge pas chére...
Je n'arrive pas à tolérer l'érudition sélective et l'arrogance académique. Je n'ai pas à m'adapter plus avec les affaires du voisinage ou avec le commérage. Je déteste les conflits et les comparaisons. Je crois à un monde de contraires et c'est pour ça que j'évite des gens ayant un caractère rigide et inflexible.
En amitié, je n'aime pas le manque de loyauté ni la trahison.
Je ne m'entends pas bien avec ceux qui ne savent pas donner un compliment et qui ne savent pas encourager. Les exagérations m'ennuient et j'ai du mal à accepter ceux qui n'aiment pas les animaux. Et pour couronner le tout, je n'ai aucune patience pour ceux qui ne méritent pas ma patience..."
- Meryl Streep -