Le club des vivants

28 octobre 2015

Trop de mes lecteurs sont des malades ou des accompagnants rongés par la peur et tétanisés par la fin qu’ils croient proche.

En m’appuyant sur les écrits de David Servan-Schreiber je vais essayer de vous inciter à adopter une attitude positive qui devrait vous permettre de lutter plus efficacement contre ce cancer.

David Servan-Schreiber était chercheur en neurosciences. A l’âge de 31 ans on lui découvre une tumeur au cerveau. Il a vécu avec son cancer pendant 20 ans, défiant tous les pronostics médicaux. Il est l’auteur de « Guérir », de « Anticancer » et de « On peut se dire au revoir plusieurs fois ». Bien entendu, je vous recommande très chaudement ces lectures et particulièrement le dernier, qui m’a également été conseillé par Michèle ma Suissesse préférée (Bizz). Vous n'en serez que plus motivé pour lire les premiers.

La lecture de cet ouvrage m’a profondément bousculé et c'est tout naturellement que j'ai eu envie de vous transmettre cette rage de vivre qui m’anime et que je partage avec d’autres malades, Marc, Jean-Pierre, Roger, Patrice, Roland, Christian, Jean-Michel… Le club des vivants, ils se reconnaitront, je les embrasse.
Tous, se projettent vers l’avenir avec optimisme, même si parfois ils traversent des moments de doute, quelques passages à vide.

Je partage une part de l’expérience de David Servan-Schreiber dans le sens où je ne me suis jamais senti aussi vivant que depuis que ma mort prochaine m’est été annoncée il y a déjà trois ans. Bien sûr, il a fallu passer par des étapes, et lors du pronostic, je n’étais pas très fier. Dans ces moments, l’aspect affectif est primordial, le malade se sent seul, plus la maladie prend le dessus, plus l’isolement risque de s’installer. J’ai la chance d’avoir un entourage de proches, famille et amis qui donnent envie de vivre.

Passé le cap de la brutalité du diagnostic, j’ai procédé par étape pour mettre en place un art de vivre qui rompait avec mon quotidien. J’étais une bête de travail, j’ai fini par vendre mon entreprise, ce qui a surement été ma plus grande douleur. J’étais un hyper actif, je suis devenu plus sage et plus contemplatif. Je me suis même surpris en train de discuter avec mes cellules. N’allez pas y voir un début de sénilité, je considère simplement mon cancer comme une personne à part entière, qui n’est certes pas des plus cohérent avec la gestion de mes cellules, mais qui fait partie de mon corps et de notre couple pour le moment.

Je fais sans rentrer dans la caricature attention à ce que je mange. J’essaye de vivre un peu plus en accord avec la nature. L’actualité nous livre régulièrement des alertes sur les produits que nous ingérons et l’utilisation intensive des pesticides est surement une des premières causes de la prolifération des cancers. Alors sélectionner ses aliments me semble le minimum.

Je n’ai pas encore fait d’expérience de méditation, mais j’y pense très sérieusement. L’important est d’arriver à un stade où l’on se sent libéré de sa propre tyrannie, reposé et en paix. La situation de stress ne peut qu’aggraver les maux. A l’inverse, une attitude positive et combative va renforcer le système immunitaire, ce sera le meilleur allié de votre oncologue.

Bien sûr, je pense à la mort mais n’en ai pas peur. J’ai peur de souffrir moralement ou plutôt peur de faire souffrir mes proches, j’ai peur de ma propre déchéance physique. De penser à ce moment me fragilise et dans ce cas je verse facilement mes larmes. J’ai la même fragilité que tout être. Pour le reste, dans le pire des cas c’est l’enfer, on est tous à poil et le lieu est plutôt bien chauffé ; dans le meilleur, c’est le paradis dans un univers baigné de lumière, enfin c’est ce qui est écrit…

Aujourd’hui je dirai que je suis en pleine forme comme on peut l’être au lendemain d’une série de cures de chimio qui finalement aura été bénéfique quant aux résultat des derniers examens qui mettent en évidence un certain ralentissement de l’agressivité du cancer.

Mon optimisme n’en est que décuplé et mon envie de vivre se transforme déjà en envie de construire et de partager des projets d’avenir. La maladie m’a fait percevoir ce besoin de vivre encore plus intensément avec mes proches. J’ai envie de rire, de voyager, de discuter et de refaire le monde. Je ne peux pas baisser les bras alors qu’il me reste tant de choses à faire, à partager et à découvrir.

Il y a quelques temps j’avais écrit que je me sentais bloqué sur un quai de gare sans qu’aucuns trains ne passent. J’ai eu le temps de prendre du recul. Maintenant, le train est bien en route et je suis confortablement installé dans cette dynamique de changement avec ma moitié, bien décidé à profiter du beau et du mauvais temps.



Je ne parierai pas sur vous à 5 ans

15 octobre 2015

Il est bientôt 19 :00 et je viens à peine de rentrer de ma journée d’examens à l’institut du cancer de Montpellier. Scintigraphie osseuse, scanner TAP, et entretien avec l’oncologue.

Je n’avais pas besoin de ces analyses pour savoir que ça allait mieux depuis un moment. En trois ans de traitements avec 2 chimios et 2 médications par voie orale, si je ne suis pas à l’article de la mort, c’est que j’en ai quand même tiré un minimum de bienfaits.

Par contre la diminution de l’agressivité de ce putain de cancer n’est pas totalement en adéquation avec ce qu’espérait l’onco. Ses paroles optimistes quant au fait de ne plus prendre de traitement et de se voir 1 fois par trimestre pour contrôle ne sont plus d’actualité. Suite au dernier entretien que j’avais eu avec lui il y a trois mois, le PSA a stagné au lieu de continuer de diminuer.

Pour le moment, après les 10 cures de chimio, je suis en repos thérapeutique pendant trois mois, mais passé ce délai, selon ce qu’il y aura dans la pharmacie à ce moment, il faudra surement repartir avec un traitement et peut être avec un ancien traitement du genre Xtandi..

Avec ma moitié, je partageai déjà dans la tête nos projets et un poil enthousiaste, je n’ai pas hésité à en parler avec lui. Ces projets que j’exposerai surement une autre fois devraient amener un changement de vie au quotidien et demandent un minimum de pérennité. Pour le changement de vie, tant que je suis à proximité d’un hôpital, ça ne lui pose pas de problème. Pour la pérennité, sa réponse a été particulièrement directe « Je ne parierai pas sur vous à 5 ans »

Dit comme ça, c’est un peu brutal, mais ça a le mérite d’être clair et pour une fois qu’un toubib répond à mes questions, je ne vais pas me plaindre. En même temps ça n’est pas complètement fermé, si les parieurs gagnaient à chaque fois, le monde entier jouerait au tiercé. Personne n’entamera mon optimisme et même si je me dois de réduire la voilure de nos projets, j’ai bien l’intention de lui en reparler dans 10 ans.

Et si je rate de nouveau mes examens

13 octobre 2015

Depuis l'adolescence j'ai toujours mis en avant ma révolte et me suis toujours positionné comme une victime de la société qui n'était pas celle que je voulais.
Que ce soit les luttes d'opinions ou d'autres  environnementales.
Après ces années de combats contre cette merde je suis devenu le mouton que je ne voulais pas incarner.
J'ai docilement pris tous les traitements que l'on m'a présenté. Maintenant, j'attends tout autant gentiment les bienfaits.
Je ne vous cache pas mes doutes et ma peur.

Dans deux jours le bilan

13 octobre 2015

Demain matin prise de sang avec PSA, après demain scintigraphie osseuse et scanner TAP. Tous ces examens ont pour but de faire un bilan de l’impact de ces dix cures de chimio avec l’oncologue.

Les conséquences de ce rendez-vous sont de la plus grande importance pour mon choix de vie. Depuis trois ans nous luttons pour obtenir des résultats qui nous permettraient de voir à moyen et peut être long terme. Une esquisse de cette vie future est en route. Selon les résultats il n’est pas impossible d’envisager un avenir tout en prévoyant un suivi régulier.

Aux derniers résultats, l’oncologue m’a laissé entrevoir cet espoir. La diminution de l’agressivité du cancer et de ses métastases pourrait me permettre de vivre presque normalement en attendant que la bête se réveille. Elle se réveillera mais personne ne peut prévoir quand.

Ce que nous allons vérifier, c’est qu’elle se soit bien endormie.

Bol d’air en Bretagne

04 octobre 2015

Déjà 3 semaines que j’ai encaissé la neuvième cure de chimio dans les veines et je viens tout juste de recevoir la dixième. Mon sang n’est plus, mes veines drainent une chimie qui petit à petit me ruine le quotidien.

Il y a 21 jours de ça, le mal être avait pris le dessus sur l’être. Plus ça allait, moins ça allait. La fatigue développe des sentiments de frustration, des rancœurs et une irritabilité à fleur de peau.

L’oncologue est très satisfait des derniers résultats et très optimiste sur le ralentissement de la propagation du cancer. Visiblement pour une fois la bête recule et finalement je ne suis pas condamné à rater mes examens, mais au fond de moi je ne ressens pas la même dynamique. La fatigue est telle que j’ai du mal simplement à réfléchir et les effets secondaires n’ont jamais été aussi perturbants.

Ma moitié depuis trois ans supporte tout sans sourciller. Taraudée  par ses propres problèmes, sa vie quotidienne est bousculée par les déboires de proximité et son temps est rythmé par les allers-retours à l’hôpital, les chimios, et ces fameux effets secondaires que je partage assez facilement avec mon entourage. Depuis quelque temps, nos relations commençaient à devenir de plus en plus tendues et sa nervosité croissante avait rendu certaines fins de journées un peu électriques.

Nous avions ensemble émis des désirs de changements et commencé à faire certains projets, alors que jusqu’à maintenant nous étions immobile, tétanisés par l’incertitude, en attente, sur un quai de gare sans qu’aucuns trains ne passent… Dans ces conditions de tension extrême, ne pouvant construire un devenir avec un tel état d’esprit, j’ai préféré prendre le large et j’ai volontairement et peut être un peu brutalement créé une distance pour permettre à chacun, avec un peu de recul de recharger ses batteries.

Retour en arrière :
Il y a trois semaines, sans concertation j’ai donc annoncé mon intention de partir en Bretagne une semaine. A peine trois jours après, je suis sur le départ. La route est longue et permet déjà de lancer cette réflexion. 850 km à essayer de trier le pour et le contre de ma décision. En fin d’après-midi j’arrive à bon port, quartier le vieux passage à Plouhinec au bord de la Ria d’Etel, le paradis.

Mes hôtes m’accueillent comme ils l’ont toujours fait depuis maintenant presque quarante ans. Pas de questions, juste le plaisir de se revoir et de passer quelques jours ensemble. Ca va faire 40 ans qu’on se connait et nos échange sont depuis bien longtemps des moments de partage qui rempliront un peu plus notre malle aux trésors. Nous passons nos journées à bavarder, préparer les repas, glander dans les fauteuils, se promener aux environs au gré des caprices de la météo. Nous refaisons le monde et comblons les silences par nos souvenirs à grand coups de rire.

J’ai pour ainsi dire réussi à oublier que j’étais malade, je dors comme un bébé et me réveille au beau milieu de la matinée. Ce matin nous avons parlé voyages. Ces voyages qui sont le cœur de mes préoccupations, mes rêves de gosse, ils en ont fait une grande partie mes potes bretons. En croisant leurs souvenirs et mes envies nous finissons par trouver des désirs communs de découvertes et pourquoi ne pas se lancer ensemble sur ces projets. Renouer avec nos vacances et nos souvenirs collectifs. Dès mon retour il faudra se concentrer sur l’aboutissement de ces projets, les transformer en intentions et les intégrer à nos désirs de changements comme un engagement mutuel sur l’avenir.

Depuis que mon cancer a pris sur mon autonomie et m’a tuer mon travail, je ne vis plus trop au présent. Le fait d’envisager un avenir me donne des forces et me positionne par rapport à mon entourage.

Ici, je ne peux quasiment pas me servir de mon tel pour piocher ma dose d’info ou pour communiquer simplement du futile au plus important. En d’autres temps, c’est une crise de manque qui aurait pris le dessus alors qu’aujourd’hui je me sens comme détaché de cette téléphomaniaquerie. Le peu que je capte me permet de lire les messages que ma moitié a passé, quelques heures auparavant. Je n’éprouve pas le besoin de lui répondre.  Je garde sa présence au plus profond de moi mais n’ai pas envie de parler pour parler. Ce n’est pas au travers de ce type de moyen de communication et des mots qu’on y colle que nous résoudrons nos incompréhensions ou nos différents. Cette période de recul a vocation à nous donner la force de consolider notre quotidien et de bâtir notre avenir en ne faisant qu’un, sans qu’aucun ne cherche à dominer l’autre.

Retour dans le sud.
Une dizaine de jours après mon départ, je suis de retour. Après cette semaine de réflexion, nous nous sommes progressivement ré apprivoisé mutuellement, et sans concertation, avons chacun corrigé notre approche de l’autre.

L’injection de la dixième cure est terminée. Je suis dans un état de somnolence, mes jambes me portent à peine. Je sais que la nuit prochaine sera longue et que dès demain cette putain de chimio va me transformer, me bousculer. Le paradoxe est qu’après l’épuisement vient toujours un temps de suractivité. Je suis aux commandes d’un engin que je ne contrôle plus vraiment. Le kérosène ne convient pas pour une mobylette. Dans quelques jours, tout va se calmer et nous pourrons reprendre la route pour, ensemble, vivre avec l’avenir et nos projets.