Taxotere, cortisone et morphine au menu

30 mars 2016

Dimanche nous sommes partis faire une ballade à Sète pour admirer la parade des vieux gréements à l’occasion des 350 ans du port de Sète. Une foule compacte se promenait sur les quais, des chansons de marins rythmaient l’ambiance avec des menus moules, frites dans tous les estaminets.

Un coup de canon donna le départ et lentement tous ces vieux bateaux ont pris le large pour de nouveaux voyages. Les voyages, c’est précisément ce que je vais devoir remettre à plus tard une fois de plus. Ma résistance contre des soins systématiques avec mon espoir d’essais cliniques à court terme n’a contribué qu’à aggraver la situation et avec la somme de douleurs apparue et le PSA aux alentours de 300, je ne peux plus me permettre de faire ma forte tête. Début avril nouvelles cures de chimio avec Taxotere.

Mes plus anciens lecteurs doivent se souvenir de mes colères contre ce traitement que j’ai déjà expérimenté il y a 4 ans. Jamais je n’ai connu plus destructeur pour le malade que cette chimio accompagnée de sa cohorte de médicaments pour essayer de contrer les effets secondaires…

Le Taxotere est réputé pour son efficacité sur les tumeurs et, c’est bien le seul bénéfice qu’on peut en tirer.

Pour le reste je vais surement revivre la même chose qu’il y a quelques années déjà, c’est-à-dire, tout perdre. Les cheveux bien sûr, les nuits de sommeil, ma ligne svelte ou du moins raisonnable et mon poids modéré ; la cortisone se chargera de détruire ce que la chimio laissera intact. C’est de l’être dont je parle pas de la maladie. Figurez-vous que même malade, j’ai un minimum de considération pour ma personne et là, je sais par expérience que je vais en prendre un sacré coup.

Il est important pour un malade du cancer de développer un certain confort autour de son quotidien. Ça passe par de petites choses qui agrémentent les loisirs ou qui font du bien comme une bonne table par exemple. Pour ce qui est des loisirs il va falloir creuser bien profond pour trouver des occupations que le corps et l’esprit voudront bien effectuer, quant à la nourriture il faut la gérer avec un strict minimum de sel pour ne pas laisser la cortisone prendre le dessus. La dernière fois j’avais pris 10 kilos et deux tailles de tour de ceinture. Je vais donc travailler en cuisine pour remplacer ce sel par des épices et m’imposer une ballade quotidienne. Pour les douleurs, il y aura la morphine. Au début du traitement, les effets secondaire restent bénins, une constipation, des nausées qu’il faut prévenir systématiquement et qui souvent par le médoc d’anticipation créé l’inverse. Puis vient le temps des vomissements, de la confusion mentale, et potentiellement, une baisse du rythme cardiaque…

Après 1 à 2 semaines : une dépendance physique et psychique peut apparaître ainsi qu’un syndrome de sevrage (sueur, larmoiement, bâillements puis dans les 12 heures agitation, sensation de froid, mydriase, myalgies, douleurs osseuses, anxiété, insomnie, tachycardie), bref un super cocktail qui vient compléter cette saloperie de chimio. Quelques rares effets secondaires ne m’ont pas touché aux premières cures de Taxotere mais pour le reste, j’ai des souvenirs encore bien présents.

Dans quelques semaines, entre deux passages aux toilettes, ma confusion mentale me permettra peut-être de vous faire vivre cette expérience avec une pointe d’humour et de dérision.

Premier petits conseils de cuisine pour les impatients

Apprendre à vouloir vivre avec un cancer

21 mars 2016

Les récents événements consécutifs à mon refus de chimio m’ont bousculé au point de perdre un peu cette notion de combativité que beaucoup de mes lecteurs ressentent en consultant ce blog.

L’hyper-sensibilité qui se développe chez chaque personne atteinte d’un cancer avec traitement hormonal n’y est pas pour rien.

Je suis arrivé au bout de la pharmacie et c’est un passage un peu délicat. J’ai eu le sentiment que tout se passait comme si j’étais exproprié de mon propre corps. La colère contre la maladie, qui se répercute contre les soignants, la confusion entre la réalité de la maladie et le fantasme d’une guérison.

Mon locataire, serait-il devenu propriétaire de mon corps et complice des laboratoires.
J’ai toujours eu l’impression que les toubibs se concentraient sur la maladie tout en gardant l’espoir qu’ils ne perdaient pas de vue mon confort et mes douleurs. Il y avait toujours un nouveau produit pour me maintenir à flot. Mes nombreuses recherches me tenaient informé de l’avancée de ces molécules avant même que les médecins ne me les proposent, et tout naturellement quand j’obtenais ce traitement je me disais que j’y avais un peu contribué.

Jusqu’à maintenant j’étais passé d’un traitement à l’autre en étant certain de participer aux analyses, aux consultations. Pour la première fois on me proposait de continuer le voyage en montant dans une barque qui prenait l’eau et qui me donnait l’impression d’un déjà vécu.

Mon passage à l’IGR et l’entretien avec l’oncologue m’a incité à voir les choses bien différemment. Un dialogue humain peut tout changer. L’ensemble des médications que j’ai eu depuis 4 ans ne font que m’aider à gagner du temps et du temps, compte tenu de mon état, j’en ai encore. C’est ce que je retire en bonus de mon passage sur Villejuif.

Malgré les difficultés, malgré le stade très avancé de mon cancer, je suis en "bonne santé". Je vais me concentrer sur moi-même, comme un sportif qui sait qu’au jugé des bookmakers il restera un outsider, mais qui est convaincu de ne pas jouer perdant.

Du temps, je peux encore en gagner, je peux encore en laisser à la recherche pour me permettre d’avancer encore plus loin.

Des coups, je peux en prendre, ils me feront surement de belles cicatrices mais ne me ferons pas plier.

Le parcours du combattant

19 mars 2016

L’eau ruisselle à l’horizontal sur les baies vitrées de ce TGV qui nous emmène sur Paris. Nous quittons notre Sud pluvieux pour la capitale ensoleillée. Marc mon frère de combat, notre hôte et notre guide dans cette étape nous attendra gare de Lyon. J’ai enfin obtenu un rendez-vous de consultation sur Villejuif à L’institut Gustave Roussy. Accompagné de ma moitié, nous ne sommes pas seuls dans ce périple. Depuis l’annonce de ce rendez-vous sur l’IGR dans un dernier post, les messages privés de soutien et d’encouragement ne cessent de tomber. C‘est la plus grande satisfaction que je tire de ce blog, le bonheur de partager les bons et les mauvais moments, la force de ces relations virtuelles qui pour certaines sont devenues concrètes.

Il y a bien longtemps que je ne suis monté dans un train. Du temps de mon activité professionnelle, c’était avion ou voiture. Le train a son avantage qui est d’arrêter le temps et de laisser la rêverie vagabonder au gré des paysages. Nous passons à près de 300 km/h de la pluie à la neige pour retrouver 5 minutes plus tard une campagne verdoyante sous le soleil. Les voyages en train me rappellent mon enfance et les départs en vacances. Nous étions huit voyageurs dans un compartiment à scruter les paysages en noir et blanc qui se trouvaient encadrés sur les cloisons. Le paysage, le vrai, défilais lentement derrière la vitre où il ne fallait pas se pencher. Nous faisions le même voyage tous les ans et il n’y avait pas beaucoup de surprises ou de changements.

Les douleurs aigues dans le bassin et la poitrine me rappellent que ce trajet n’a pas vocation touristique. La densité des habitations annonce l’arrivée prochaine sur la capitale. Nous changeons d’univers pour nous retrouver dans une fourmilière qui nous donne le vertige. Marc nous accueille au pied de la gare, nous passons par le studio qu’il nous a préparé pour notre séjour, une pause repas et nous partons de suite pour l’IGR de Villejuif. Ici chaque membre du personnel soignant ou non est volontaire et ce petit détail change tout sur la qualité de l’accueil. Plan Vigipirate renforcé, la sécurité est de rigueur et le contrôle de nos sacs est effectué avant de pénétrer dans le hall. Les formalités administratives se font rapidement avec le sourire des intervenants, Marc, notre guide particulier qui en connait tous les recoins joue son rôle d’accompagnateur avec une grande maîtrise. Nous avons bien 1 heure d’avance sur le rendez-vous au moment où nous entrons dans l’espace d’attente et à notre grande surprise, à peine 5 minutes après notre arrivée, un homme en blouse blanche appelle mon nom et vient nous saluer. C’est le médecin qui se déplace pour venir chercher ses patients et les guider jusqu’à son lieu de consultation.

L’accueil est chaleureux, d’un simple échange de regard avec ma moitié, nous avons compris qu’ici la maladie, le malade et son univers font partie prenante des entretiens avec l’équipe médicale. Nous sommes entre humains. Le médecin commence par me faire un point sur mon dossier, et me demandes quelques informations personnelles sur mon ressenti et mon vécu de chaque étape que j’ai traversé. Le Professeur Fizazi responsable du service urologie a également étudié de façon approfondie mon cas et c’est en concertation avec mon interlocuteur qu’ils ont décidé de ne pas m’intégrer de suite sur un essai clinique.

Les explications sont argumentées et claires. Il y a encore peu de temps les essais cliniques en phase 1 (juste après les tests sur les animaux) pouvaient être proposés sur condition de compatibilité et d’état de santé du patient et en fonction du nombre de place attribués à cet essai. Sans plus approfondir, les résultats favorables étaient de l’ordre de 10 à 15 %. Les conditions d’attribution sont aujourd’hui beaucoup plus drastiques et le pourcentage de réussite sur ces médicaments innovants sont maintenant de l’ordre de 70 %. Je ne rentre pas pour le moment dans cette possibilité d’attribution et comme me l’avait précisé l’oncologue de Montpellier, seul les médicaments que j’ai déjà côtoyé sur ces 4 années peuvent encore me porter plus loin. Il n’est pourtant pas obligatoire de reprendre une chimio que j’ai interrompu il y a 4 mois. L’oncologue de l’IGR préconise de reprendre le traitement par voie orale avec du Xtandi sur une période de trois mois ; suite à quoi il sera toujours possible de reprendre une chimio si mon état de santé le nécessite.

D’ici trois mois ou peut-être un peu plus les molécules des médicaments utilisés en immunothérapie pour le cancer de la prostate auront évolué et étant enregistré sur l’IGR de Villejuif je pourrai en bénéficier. D’après mon hôte médical, il n’est d’ailleurs pas impossible que ce traitement soit disponible également sur Montpellier avec qui ils ont l’intention de collaborer sur cet essai thérapeutique très prometteur.

Un résumé de cet entretien et des propositions de traitements va être communiqué à mon oncologue de Montpellier ainsi qu’à mon médecin traitant. La consultation est terminée, nous nous saluons avec la certitude de se revoir dans quelques mois. Avant de me lâcher la main, le médecin me précise que je suis « en bonne santé » pour ce que j’ai.
J’apprécie à sa juste valeur cet encouragement à continuer cette lutte.

En sollicitant cette rencontre, je voulais simplement avoir un autre avis à un moment charnière de ma maladie et je m’attendais bien entendu à la confirmation de traitement du fait que j’ai épuisé la pharmacie. Mais la cerise sur le gâteau est quand même la liberté que je vais gagner sur trois mois sans chimio et bien entendu ce qui me donne des ailes, l’espoir de priorité sur une immunothérapie.

C’est tout sourire que nous avons quitté l’institut Gustave Roussy. La soirée chez Marc fut conviviale et décontracté et il y a bien longtemps que je n’avais pas aussi bien dormi.

Avec ma moitié nous avons réservé notre lendemain pour une vraie journée de tourisme et notre dernière soirée en sortie Paris by Night


Nouveau départ à l'IGR

15 mars 2016

Les billets de train sont réservés, départ de Montpellier jeudi 17 à 9h20 et rendez-vous avec l’oncologue sur Gustave Roussy vers 17h00.

Je vais rédiger un résumé de mon parcours pour permettre à l’équipe de Villejuif de cerner rapidement le problème. Le Dossier médical a été transmis, mais ça reste le dossier médical avec ses tiroirs et rien n’est sûr quant aux détails qui y figurent. Comparer ma version et celle de mes toubibs de Montpellier permettra surement de gagner du temps et de préciser mes ressentis.

Cette consultation est un peu ma bouée de sauvetage pour continuer à effectuer ce voyage avec la bête dans des conditions acceptables. Nous étions arrivés au bout de la pharmacie sur Montpellier et il n’y avait pas d’essais cliniques en cours. L’IGR Gustave Roussy a l’avantage d’être la référence en ce domaine et même si l’avis qui va ressortir de cette entrevue me conduit à la même proposition que m’avait fait l’oncologue de Montpellier, c’est par un autre point de vue moins contraint par cette limite de pharmacie que le résultat sera prononcé.

Hors mis les possibilités liées aux traitements, il y a également le relationnel et la communication avec le médecin qui ne peut pas être pire qu’à Montpellier où seule la maladie était considérée.

Je ne cherche pas de compassion, loin de là mes propos. Je veux simplement que l’ensemble des composantes de la maladie soient prise en compte. En premier lieu le ressenti, consécutif aux différents traitements subis, les causes et effets du psychique, les conditions éprouvées par mes accompagnants et bien entendue, l’expression de mes douleurs. Avec la condition vitale de cette maladie, il y a un malade et des proches. Nous avons besoin de construire un avenir, même si ce dernier a des limites.
Maintenant j'ai un jocker.

Cancer et régimes ou nourriture

13 Mars 2016

"Tu ne manges pas ? Tu es malade ? " Tel est le premier reflex d’une mère attentionnée pour son chérubin, voir son compagnon qu’elle infantilise un peu par amour.
Puis un peu plus tard, après que la toison devienne argentée, c’est le toubib qui va s’inquiéter de votre appétit parce que ça va être le seul rempart qui va vous maintenir avec un minimum d’apport en vitamine.
Enfin, il y a les nutritionnistes qui vont vous sortir toutes les théories des aliments régénérants anti cancer.

Depuis 4 ans que je suis accompagné par cette foutue saloperie, j’ai eu largement le temps de réfléchir et d’expérimenter ce qui se lit sur Internet à ce sujet. La seule affirmation que je puisse dire est que, ni le jus de grenade ni le curcuma et surement encore moins les tomates ou les framboises ne guérissent du cancer.
Didier, un compagnon de douleur m’a conseillé la nourriture sans polyamines pour favoriser une bonne digestion et, pourquoi pas, aider l’action de certains traitements. Mais à lire la liste des aliments à éviter, je trouve également des contradictions par rapport à la liste des aliments " anti cancer ".

Le choix de ses aliments sur le plan qualitatif en se basant sur leurs bienfaits à condition que ce soit du Bio doit se faire en amont, et là, personne ne démarre dans la vie sur un plan d’égalité. La nourriture bio est un concept qui s’est décliné vers une certaine forme de snobisme et qui n’est pas abordable pour tout un chacun du fait de sa production limitée. Le lobbying des multinationales responsables de la mal bouffe a gagné depuis bien longtemps.

Mes parents de condition très modeste ont tout fait pour nous apporter une nourriture de qualité en favorisant les produits du marché et la diversité. Je n’ai jamais eu de carence alimentaire et dès mon adolescence, j’étais déjà passionné par la cuisine et ses saveurs.
Adepte du bien vivre, je n’ai jamais reculé devant une bonne table bien arrosée. Un peu d’exercice m’a permis de garder la ligne et je n’ai pas  eu de problème de cholestérol ou d’autres inconvénients propres aux bons vivants.

Mon cancer de la prostate qui n’est pas d’origine héréditaire ne peut être causé que par des modifications cellulaires provenant en partie de la nourriture et en partie des conséquences liées aux pesticides et autres chimies des biotechnologies agricoles. La proximité des vignes traitées régulièrement avec ces produits, les adjuvants et antibiotiques présents dans nos légumes, fruits et viandes, bref, l’amalgame de ces composants qui font que le nombre de cancers est en croissance démesurée ont suffi à permettre à mon compagnon de voyage de s’installer avec des réserves.

Aujourd’hui, acheter ses fruits et légumes sur le marché ne garantit plus la qualité nutritionnelle. Les abricots sont devenus gros comme des pêches et les fraises comme des tomates avec un sérieux gout de concombre, les aubergines n’ont plus d’amertume et les salades se gardent largement plus de huit jours. Je ne vous parle pas de tout ce que vous achetez en hyper. Nous ne contrôlons plus ce que nous ingurgitons et je crois que nous sommes à la veille de très mauvaises surprises.

Il est de la responsabilité de chacun de refuser ce dictat des industries agroalimentaires et puisque les personnes que vous avez élu, et qui nous coutes très cher, sont complices de ces industries en répondant favorablement à leurs lobbyings, virons les…

Mon cancer au quotidien

11 mars 2016

Je me lève ou plutôt, j’ai l’impression de me relever, comme si j’avais été agressé, un coup de matraque derrière la nuque. C’est mon ressenti chaque matin après mes trois heures de sommeil lourd, consécutifs à une nuit passée dans la contemplation du plafond de la chambre à ruminer les secondes qui s’étirent.

Il est presque dix heures et le soleil est déjà bien haut. Je n’ai pas été réveillé par les bruits discrets de la vie quotidienne de ceux qui m’entourent. Nous ne sommes pas sur le même fuseau horaire et nos insomnies ne se chevauchent pas.

Un rapide passage dans la salle d’eau, devant le miroir qui me confirme une fois de plus que je ne suis plus moi-même. Entre le ressenti et le réel, chaque jour creuse l’écart. Il y a quatre ans le cancer commençait à m’accompagner, aujourd’hui, c’est moi qui l’accompagne. Jamais plus rien ne sera comme avant et mes désirs d’évasion restent en suspens au bon vouloir des traitements.

Quatre années à passer de chimio en traitements hormonal pour repasser par la chimio avec ses effets secondaires qui ont ruiné ma défense immunitaire. La fatigue est devenue une norme, les bouffées de chaleur un détail, le dessèchement de la peau une simple constatation, la coiffure est en vrac et les dents qui me lâchent ne font que compléter un tableau qui devient de plus en plus terne. Je ne peux plus rien avaler sans avoir de problèmes de digestion, mes déplacements sont limités au bon vouloir de mes œdèmes, ma capacité intellectuelle et ma concentration ne tiennent plus qu’à un fil. La seule maitrise qu’il me reste, est la patience et de préférence en silence pour ne brusquer personne.

Les journées sont aussi longues que les nuits. Midi et l’heure du repas à deux arrive facilement sans attendre, avec mon épouse nos horaires reprennent un chemin cohérent. Un bref regard vers les actualités pour rester collé à ce monde et ensuite vient le moment de la recherche d’activité sans gout aucun pour un choix déterminé. Sortir dehors avec le froid qui est encore présent ne me motive pas vraiment. Je suis devenu très sensible aux basses températures. Il est bien loin le temps où je pratiquai l’escalade hivernale sur les hauteurs de Chamonix. Le refuge à cette incapacité à se trouver une occupation est le plus souvent la lecture quand j’ai suffisamment de concentration disponible, autrement c’est devant un écran que je me vautre sur le canapé pour regarder un film dont je serai totalement incapable de raconter l’histoire 5 minutes après la fin.

Doucement, très doucement l’après-midi s’efface pour laisser place à la fin de journée. C’est peut-être là que je me retrouve encore le mieux. Je plonge dans les réserves pour trouver une recette à concocter, des restes à accommoder ou simplement une sauce à élaborer pour ne pas laisser les pâtes ou le riz seuls dans l’assiette. J’éprouve un plaisir indéniable à arranger des mets et à dresser des plats aussi bons que beaux.

Passé ce moment de plaisir autour de la table, la soirée est déjà bien avancée et je reprends le rythme alterné entre le bouquin et l’écran en essayant de maitriser mes problèmes digestifs. Un dernier tour par la salle de bain sans regarder celui qui me fait face et je me couche sans conviction. Je suis fatigué mais le sommeil vient rarement. Une fois de plus, le téléphone n’aura pas sonné de la journée, les mails se font rares et dans l’attente je patiente en silence.

Assumer son refus de chimio.

9 mars 2016

Après trois mois de répit, début février, je rencontrai mon oncologue pour relancer un traitement suite à un échec de chimio au bout de 10 cures. Comme je l’ai précisé dans un des derniers messages, sa proposition consistait à reprendre des cures de la même chimio en précisant que "des fois ça marche"…

J’ai déjà entendu plus convainquant comme argument pour m’inciter à répondre favorablement.

J’ai refusé cette nouvelle série de chimio en me basant sur ma propre expérience avec ce produit destructeur. Entre l’abandon de cette proposition et la prise en charge par une autre équipe et un autre traitement il y a obligatoirement un temps d’attente. Cet entr’acte s’avère particulièrement pénible et j’en perçois très nettement les difficultés pour assumer mon choix.

Lors de la prise en charge régulière d’un malade du cancer, tout s’enchaine sans trop de problèmes et le patient est souvent contraint malgré lui d’accepter de suivre des thérapies qui ne sont pas de son choix et qui n’améliore pas son confort quotidien. Le fait d’avoir osé refuser la proposition de mon oncologue, remet les compteurs à zéro et me classe comme un numéro dans une longue liste d’attente.

Le nombre de cancers est en augmentation constante mais les journées ne font que 24 heures et les équipes médicales font le maximum avec les moyens et ressources humaines mis à leurs dispositions.

Pendant ce temps la maladie progresse. Après avoir échappé à la chimio, la tumeur et ses métastases se sentent encore plus fortes et gagnent du terrain. C’est exactement comme sur un champ de bataille.

De nouvelles douleurs apparaissent et l’angoisse d’une erreur de jugement qui pourrait provoquer des dégâts irréversibles me hante. Je suis le seul responsable de cette décision et je sens déjà des prémices de reproches consécutifs à cette peur qui sont largement partagées par mes proches.

Quand le doute s’installe dans les troupes, le désordre prend le dessus et même la réflexion perd le nord. Il n’y a plus de stratégie, plus de renfort à proximité. Seul sur le sommet de ma colline je dois résister, ne pas faiblir et guetter des alliés potentiels pour reprendre le combat.

Le Monde est beau

Mon copain Julien, auteur, compositeur, interprète vient de sortir 6 titres sur CD. Alors en petite pause thérapeutique je vous offre une vidéo et vous conseille de vous procurer ce belle objet :
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