Les non-dits du Cancer

26 septembre 2016

Tout commence à la première annonce. Il y a deux écoles. L’annonce dramatique d’un désastre qui vous tombe dessus, jugé très préoccupant, ou l’avertissement plus laxiste de quelques traces qui nécessitent des examens complémentaires avec une prescription de cures de chimio.

A ce stade, le toubib assis en face de vous ne vous dira jamais qu’il ne sait pas où il et vous allez. Il ne sait pas parce que votre cas n’est pas comparable à d’autres ; les moyens qu’il peut mettre à votre disposition sont identiques pour tous. Vous, vous ne savez pas, vous ne savez plus rien, cette annonce vous a mis dans un état d’esprit dépressif, et la plupart des malades du cancer que vous aviez côtoyés  ne sont plus là pour vous aider à comprendre.
Et puis, dans le meilleur des cas, vous allez réagir positivement à la torture et défier le temps.

Deux, trois, voir, quatre ans après, vous êtes encore là. Fatigué, déconnecté de la société, en marge de votre vie, surement partiellement précarisé, mais survivant.

Vous avez confiance en ces toubibs qui vous ont maintenu en vie, alors que vos propres espérances n’envisageaient pas ce délai supplémentaire.

La science fait de son mieux sur le plan de la recherche avec les moyens dévolus à ce travail. Le budget de la défense en temps de paix reste plus important que celui de la santé. Ils se trompent de guerre et les décisions politiques protègent l’industrie polluante et les marchands de mort qui diffusent pesticides et autres chimies. Le cancer continu donc sa progression…

Il faut continuer à soigner, du moins, essayer de garder en vie des malades en attendant d’avoir des remèdes efficaces.

Là aussi, il y a plusieurs écoles. En Angleterre, les soins sont diffusés en fonction des moyens financiers que l’on veut bien y mettre. Autrement dit, si vous n’avez pas les moyens, passé un certain stade, il faudra vous attendre au pire. En France, c’est plus subtil. Un malade du cancer est pris à 100% sur ses dépenses de santé, alors la stratégie est différente. Après vous avoir fait passer par un certain nombre de traitements, il n’y a plus rien qui puisse vous maintenir raisonnablement. A ce stade, quand vous avez fait le tour de la pharmacie disponible, mais pas avant, on peut vous proposer des essais cliniques si votre état de santé reste à un niveau convenable.

C’est également à ce moment-là, que vous, malade vous repartez avec de l’espoir et même pour les plus optimistes avec des perspectives d’avenir.

Je me suis toujours plaint du fait que les toubibs s’occupaient de la maladie et non des malades. Quand on arrive au stade de proposition d’essai clinique, l’opinion sur vos soignants change. On partage cet espoir et une certaine forme d’exaltation communicative nous aide à relancer la conviction d’une issue.

J’ai été très intrigué par mon oncologue, qui après m’avoir rapidement signifié que je ne pouvais pas être inclus dans l’essai clinique attendu pendant deux longs mois, me demandait pour la première fois depuis quatre ans comment j’occupais mes journées.

Depuis quand mon toubib s’intéresse à ma vie ?

J’aurai certainement du lui répondre que ces derniers temps je capitalisai à fond sur cet espoir d’essai clinique. J’aurai surement du lui dire qu’il est très difficile de garder le moral, suspendu dans le vide sans informations.
Je n’ai rien dis, si ce n’est des conneries du style je passe mon temps au mieux…

Les non-dits ne sont pas que de leurs côtés.

Suite à la brève explication de mon éviction de cet essai clinique, l’oncologue me propose de reprendre des cures de chimio. Mes derniers résultats d’examens sont très moyens. Il revient donc sur le Jevtana qui  avait donné un semblant d’efficacité. Ça a marché une fois, y’a pas de raison que ça ne fonctionne pas une seconde fois. Toutefois le même toubib a besoin de mon approbation. Je lui ai simplement indiqué que je ne pouvais que constater l’impossibilité de choisir une autre voie et de ce fait il a directement rédigé son compte rendu en signifiant mon accord.

Je ne sais plus trop que penser. J’ai perdu une bonne dose d’espoir. Je vais subir une torture qui ne me soignera pas et pour laquelle je n’ai pas donné mon accord formel. Je n’ai en tout cas, aucune explication sur mon devenir ; il faut être patient. Le non-dit reste de mise et je dois bien me démerder avec ça.

Cancer de la prostate et essais cliniques

22 septembre 2016

En temps normal, je suis plutôt de la catégorie qui ne se lève pas trop tôt. Mes nuits sont courtes et entrecoupées de moment à méditer en analysant le plafond. Ce matin ne dormant plus depuis déjà une bonne paire d’heure, je me suis levé avant le soleil. Il est vrai que cette lumière je l’attendais depuis bien des jours après un rendez-vous repoussé. C’est le jour où je vais avoir le résultat de ma biopsie avec l’analyse moléculaire pour me confirmer l’inclusion dans un essai clinique.

J’ai droit à 5 réarrangements potentiels de gènes sur 20 000 gènes qui me constituent. Autant dire que la porte est à peine entrouverte comme je le disais dans mon précédent message. C’est un peu comme si je voulais descendre l’escalier pour aller en haut.

Je ne suis pas passé par cet entrebâillement. Je ne pourrais pas bénéficier de cet essai clinique et je vais directement repartir à la case torture avec la chimio. Le temps s’est écoulé pendant trois mois, entre le sevrage de la dernière chimio, la biopsie et les analyses. Pendant ce temps mon compagnon (putain de voyageur clandestin) a gagné du terrain et le PSA a doublé et se retrouve vers 650.

Le plus difficile est de retomber sur terre. Même si les chances étaient minimes, elles étaient envisageables et bien entendu, j’y ai cru au point de me convaincre. Maintenant je vois l’autre facette, celle qui va me cantonner dans ma bulle.

J’habite au nord de Montpellier, près du Pic Saint Loup en pleine garrigue, aux portes des Cévennes entre vignes et olivettes. Je vous concède qu’il y a pire comme bulle. Cette bulle qui ressemble au paradis pour certains est ma prison avec tout qui me ramène à mon cancer. La solution incontournable des cures de chimio va me détruire un bon tiers de mon temps de libre et m’empêcher de profiter de quelques déplacements que je n’ose même plus appeler voyages. Quand je suis en « voyage » je suis dans un monde parallèle et dans ce monde, je ne suis plus malade.

Ma maladie ici, c’est mon boulot qui n’existe plus, c’est l’organisation du temps de chacun en fonction de mes problèmes, c’est la monotonie du temps qui passe à répondre à mes voisin « oui, merci ça va… », alors que non, ça ne va pas. Je m’emmerde à cent sous de l’heure, je n’ai plus goût à me bouger et je ne dis plus rien sur mes douleurs pour ne pas obliger d’autres à perdre une part de leur liberté.

On va continuer à sourire. La recherche avance très vite et peut-être qu’il y aura une autre porte entrebâillée dans peu de temps.

Cancer et génétique

12 Septembre 2016

Chaque humain possède 23 paires de chromosomes, eux même divisés en un certain nombre de gènes selon les chromosomes. On estime le nombre de gènes codant une protéine chez l'Homme à environ 20 000.

Mon compagnon de voyage a été diagnostiqué dans un type de cancer pouvant être causé par une anomalie de mon ADN. J’ai subi une biopsie de la tumeur pour vérifier quel gène porte cette anomalie, afin de pouvoir être inclus dans un essai clinique en phase 2. J’ai droit à 5 réarrangements potentiels de gènes. Autant dire que la porte est à peine entrouverte.

Demain mardi 13/09 je vais rencontrer mon oncologue qui doit me communiquer les résultats des analyses moléculaires pratiqués par le laboratoire de San-Diego qui dirige cet essai clinique. J’ai effectué un bilan sanguin aujourd’hui et ce dernier confirme la propagation de la tumeur et des métastases. Je mets beaucoup d’espoir sur ce résultat n’ayant plus de traitements efficace de disponible.

Dans l’attente des résultats, je n’ai pas grand-chose à communiquer. Le blog est d’ailleurs un peu en stand-by. Je n’arrive pas à dormir, alors je pianote sur mon clavier en espérant qu’une idée lumineuse entretiendra mon moral et m’aidera à patienter calmement.

Je devrais être rodé à cet exercice. Depuis 4 ans j’en ai passé du temps à attendre des résultats. Malheureusement la plus part d’entre eux ne m’ont pas fait sourire. J’aimerai tant pouvoir m’accrocher sur une perspective à plus long terme. Les années de traitements de cheval endurés précédemment ont installé une fatigue chronique qui n’aide pas toujours à positiver et qui en fin de compte ne permet pas de vivre normalement. Le cancer est présent en permanence.

PS :
Quand on parle de patience, il n'y a pas de limite pour le malade. Le rendez-vous vient d'être repoussé au 22/09, les résultats ne sont pas arrivés et le médecin part en congé. Moi j’attends et je dois rester disponible...