Parce que je le vaux bien.

27 décembre 2016

Puisque les résultats vont dans le bon sens, nous allons continuer cette cure de chimio encore pendant 6 séances jusqu’en avril.

Heu…

Vous y voyez un inconvénient, parce que moi je suis content du résultat sur ces 4 premières injections.

Ben …

Ok, c’est d’accord, donc prochaine injection le 5/01. De toute façon je reste en lien avec le médecin de l’hospitalisation de jour qui vous suit avant chaque injection. Nous vous donnerons du Zarzio pour remonter votre déficience immunitaire après chaque chimio et ce qu’il faut pour contrer vos effets secondaires qui sont nombreux si je lis bien le compte rendu. Je vais contacter le professeur X de la fac dentaire pour un RDV stomato au sujet de cette poussée osseuse dans votre mâchoire inférieure, il faut intervenir rapidement.

Mais, je suis très fat…

Merci, allez, bon courage, on se revoit dans 4 mois.

Meeeeuh, grrrrrrr, ça y est, je suis dans l’arène de nouveau mais ce n’est pas moi qui ai les picadors…
La corrida m’a toujours fait chier. Dire qu’il y en a qui classe cette boucherie comme culture.

C’est pas facile de prendre le rôle du taureau qui doit se plier au bon vouloir du petit con en habit doré, tout en luttant grâce à ses testostérones surdéveloppées aux hormones, aux amphètes, à l’herbe épurée aux pesticides et à mon aspect new wave grâce aux perturbateurs endocriniens de mon déo .

Bon, s’il est satisfait de ma résistance, je dois donc me réjouir avec lui et en même temps, je connais quoi, moi, au bienfondé des traitements. Toujours à se plaindre, je ne peux pas voyager par ci, je ne peux pas bricoler par là. T’as tout ton temps pour te reposer depuis que t’as vendu ta boite pour te la couler douce avec tes médocs, toujours à gémir.

Le fait est que j’ai tendance à exprimer quelques mécontentements sur ma condition. Je suis en permanence à la disposition de mes toubibs et ensuite le peu de temps qu’il me reste de libre se partage entre douleur et fatigue avec des baisses d’énergie qui font frémir. La masse musculaire fond et du coup je perds du poids, mes douleurs articulaires s’accentuent. Mon plus gros problème est la résistance de ces métastases qui m’obligent à ne jamais lâcher un traitement. En 5 ans, de chimio en cachetons, et de cachetons en chimio, je n’ai pas eu beaucoup de temps de sevrage. Le corps a ses limites et le mien commence sérieusement à se rebeller de cet enchainement de poisons en tout genre. La petite ouverture vers un essai clinique est déjà un lointain regret et pour le moment l’horizon n’est pas très clair.

Les résultats sur mes analyses sanguins sont souvent écrit en gras, puisque hors normes. Mais les normes que l’on m’applique et que chaque malade du cancer prend sur le compte de sa résistance ne sont pas les mêmes en terme de normalité. Nous avons le privilège d’être des êtres à part, des mutants blindés comme des camions de transport de fonds qui ne doivent jamais s’arrêter.

Alors, j’avance parce que si vous montrez le moindre point faible vous risquez d’être sorti du jeu, hors circuit. Tous les points que j’ai émis depuis des mois et ce matin lors de ma rencontre avec l’oncologue n’ont fait vibré qu’un cil de ce toubib qui n’en a pas acté cas. Fatigue chronique intense, douleur au dos, nausées, vomissements, perte du sommeil, brulures d’estomac, perte de poids, dessèchement de la peau, bouffées de chaleurs, diarrhée, les allergies, les aphtes. Sans compter les effets secondaires des médocs contre les effets secondaires. La morphine qui constipe grave,  l’Xgeva avec les poussées osseuses dans la mâchoire, les pertes de mémoire et défauts de concentration…

Mon plus gros problème est ma capacité à me rebeller, dès que j’exprime un mot sur mon cas je suis tellement tonique que plus personne ne me prend pour un malade. Je ne sais plus comment formuler mon mal être pour qu’il soit pris en compte, pour que mes toubibs m’en disent plus. Toujours ce silence d’ignorance qui fait peur. J’ai dépassé la moyenne de survie d’une personne dans mon cas qui est évaluée à 5 ans. A mon premier diagnostic, le toubib de l’époque ne me donnait même pas de temps, seulement son n° de tel perso si j’avais des questions…

Alors, le but d’un toubib s’arrête là ?

Maintenir le patient et attendre ?

Je n’ai pas la même analyse sur mon avenir. Avec mes plus proches nous sommes bien les seuls à y croire. Notre vie ne veut pas s’arrêter à mon rôle de patient ou de mutant. Nous avons envie et besoin de construire. La façon dont les toubibs abordent la maladie est dépassée et ne prend pas en charge le patient. La méthode est de se concentrer sur la maladie avec des règles stéréotypées, dictées par les grands labos pharmaceutiques où le seul ajustement est la dose prescrite, pour le reste c’est la même chimio pour tous, le même traitement hormonal pour chaque malade, pas de remise en cause du rythme de vie, de l’alimentation ou de la proximité de pesticides ou de perturbateurs endocriniens. Toutes ces futilités sont justes bonnes pour les infos. La peur fait oublier le chômage et la précarité.

Tiens, un taureau vient de planter un toréador.

TigerShark, merci Xgeva

8 décembre 2016



Une petite image pour illustrer ma mutation. Je suis resté depuis très longtemps dans l'anonymat mais aujourd'hui, grâce à Xgeva et à ses effets secondaires, je peux rentrer dans le monde de Marvel et des super héros. Une nouvelle rangée de dents sous forme d’os me pousse dans la mâchoire inférieure. Pour le moment il n’y a que l’équivalent de deux grosses molaires, mais je ne désespère pas.

TigerShark, littéralement le requin tigre me convient très bien. J’ai toujours aimé les chats et si mes connaissances sont à jour, le requin est un animal qui n’est pas sensible ou victime de cancer. Pour le reste ce qui me connaissent, reconnaitront très vite ma stature de grand nageur et mon corps, particulièrement mis à son avantage sur cette photo.

Y’a pas à dire, la chimio et les médocs associés ont du bon.

Demain, 22 éme séance de chimio en 5 ans.

7 décembre 2016

Depuis 5 ans mes toubibs m’ont injecté environ 11 litres de leur poison dans les veines. Grace ou à cause de ça, je suis encore de ce monde. Mon PSA a triplé, j’ai perdu mon entreprise, je passe mon temps hors du temps à griffonner sur mon clavier d’ordi l’histoire de ma vie, je n’ai plus de liens sociaux en dehors des échanges sur mon cancer, ma vie de famille et ma vie privée est devenue un compromis, j’ai vieilli de 20 ans, la lecture me pique les yeux, l’écriture manque d’inspiration et d’originalité, les programmes télé sont pire que jamais, j’ai un clou à planter dans le mur depuis plusieurs mois et je n’arrive pas à me décider et malgré tous ces avantages quelques fois je suis de mauvaise humeur.

Quelle ingratitude…

Mon sang n’est plus du sang, du moins dans les résultats d’analyses, parce que dans la vie, celle de tous les jours, il coule encore, bien rouge et bien fluide, comme lundi avec un saignement de nez qui ressemblait à une hémorragie si l’on dénombrait le nombre de sopalins utilisés pour juguler cet écoulement.

Je suis de plus en plus fatigué en même temps que je n’arrive presque plus à dormir à cause des brulures d’estomac, des fourmillements dans les jambes, de l’impossibilité de se concentrer sur ces putains de moutons. Des os se sont mis à pousser au travers de ma mâchoire inférieure comme pour entamer une nouvelle rangée de dents à la perpendiculaire des autres. Je ne suis pas très sûr de leur utilité dans le processus de mastication.

Nous n’allons tout de même pas commencer à discuter des effets secondaires…

Il y a des tas de symptômes que je ne peux même plus décrire tellement ils sont devenus mon quotidien. Mais pourquoi chercher à polémiquer. Je ne tente pas votre compassion, surtout pas, je suis vivant alors que je viens de dépasser la moyenne de survie des personnes atteintes du cancer de la prostate métastasé.

Le quotidien est parfois compliqué mais je suis vivant.

Il faut que je travaille sur une réappropriation de mon temps de vie libre en opposition au temps voué à la chimio qui sauf miracle de la recherche va me poursuivre encore longtemps. Comme la majorité des personnes dans mon cas, aujourd’hui, il n’y a pas d’alternative et même si le tableau que je viens de dresser est peu envieux, il reste le meilleur que l’on puisse proposer pour le moment.

Demain, en rentrant de l’hospitalisation de jour où j’aurai eu mon poison, il faut que je plante ce clou.