Le bout du chemin

24 mai 2017

Ce titre n’a pas vocation à vous faire pleurer, c’est simplement une étape de plus dans ce long processus qu’est, ce que l’on nomme le palliatif. La première fois que j’ai utilisé ce mot pour parler de mes soins remonte à août 2013. Ce que je n’avais pas compris à cette époque-là, ou tout simplement dénié, c’est que le traitement palliatif avait commencé dès le premier diagnostic suite au contrôle PSA, un an plus tôt.

Quand on est diagnostiqué pour un cancer de la prostate, métastasé avec un score de Gleason de 9, la traduction intégrale est que l’agressivité du cancer est telle que le compte à rebours est déjà lancé. Un seul petit chiffre, fait la différence, le score de Gleason.

Ensuite selon la résistance de chacun, les choses vont aller plus ou moins rapidement. Mon moral, vos soutiens, la qualité des soins ont fait que 5 années se sont passées. En 5 ans nous finissons par oublier le diagnostic initial, ou là encore à le dénier.

La médecine dans ce domaine comme dans bien d’autres, a malheureusement ses limites et vient le jour où le corps résiste moins, fatigué par l’agressivité des traitements qui ne sont surement pas dans tous les cas le plus adaptés et qui par effet d’accumulation finissent d’affaiblir le malade. Le corps ne réagit plus aux traitements et là, on ressort le terme palliatif, qui dans ce contexte précis, prend toute sa signification.

La dose de fatigue est telle, que la réflexion et l’analyse ne s’amorce plus, le sang affiche des déséquilibres qui vont engendrer rapidement des anémies et des faiblesses immunitaires. Le foie est à la limite de la grève, le pancréas reste solidaire du foie et l’ensemble de la carcasse est sur le point de s’écrouler.

Toutes les journées sont bercées par des hauts et des bas au rythme de la morphine. Je mange, je dors, je ris, je pleure, je n’ai plus de douleurs, je m’évapore…

Ce qui ne tue pas ne rend pas plus fort

5 mai 2017

Ce titre est la base même de l’étude sociologique qu’a rédigé Ruwen Ogien Dans son dernier livre, "Mes Milles et Une Nuits". Ce livre sera également son dernier message, celui qu’il nous a livré avant de nous quitter hier le 4 mai 2017.

Nous étions  devant le petit écran, à regarder l’émission "la grande librairie" qui quelques semaines auparavant nous avait fait découvrir ce Philosophe, défenseur d’une conception "Minimaliste" de l’éthique, quand l’animateur de l’émission nous a annoncé sa mort.

Comme beaucoup de malade je passe un temps incroyable dans la lecture, et comme beaucoup d’accompagnants, ma moitié n’est pas en reste sur ce type d’exercice. Il y a l’évasion avec de bons romans, il y a la recherche avec la documentation scientifique de plus en plus abordable pour des néophytes, et il y a les essais philosophiques ou sociologiques, directement liés à son statut de malade qui aident à comprendre et souvent à accepter l’inacceptable.

Je me suis terriblement reconnu dans le parcours de cet homme et dans ses relations avec la médecine. Le livre m’a tant ouvert l’esprit sur cette relation ambigüe entre soignants et très patients. Mes réactions épidermiques, voir mon intolérance avec ces toubibs sont en fait tout à fait naturelles et justifiées. Ma lutte effrénée pour ne plus entendre les réflexions du type "Bon Courage", "il faut être fort" l’est également…

Tout redevient normal et clair. La maladie comme drame et comme comédie. Nous sommes dans l’inacceptable depuis 5 ans et il est particulièrement important de pouvoir partager car heureusement ou malheureusement il nous arrive de rester optimiste.