Larguer les amarres




Le voyage commença en janvier 2012 avec un petit papier portant la mention « PSA ». S’en suivit une expédition de plus de 5 ans en territoire inamical où les vagues portaient des noms dénués de poésie tel que Biopsie, Scintigraphie, Scanner, Traitement hormonal, Radiothérapie ou encore Chimiothérapie.

Comme tout bon aventurier qui se respecte, le voyageur a tenu le cap contre vents et marées. Les vagues ne venant jamais seules, le navigateur intrépide fit face à des tempêtes, la pire de toutes s’appela Douleur : elle était de celles qui déchirent les voiles et fendent les coques des esquifs trop audacieux. Mais le voyageur se montra toujours entêté, et malgré les grimaces, ria au nez des typhons et surmonta les vagues.

Clémente, la mer lui offrit des horizons nouveaux et chaleureux : Belle Île, l’Espagne, le Tarn, la Sicile… De plus il n’était pas seul. Il croisa de nombreux navigateurs dans son sillage, se réchauffant à leur rencontre. Et il y avait les escales au Foyer où des visages familiers et accueillants l’encourageaient dans son aventure. A tous, il apportait lui-même du réconfort et du soutien dans les moments difficiles. Ainsi revigoré, le cœur chargé de courage, le navigateur reprenait son fastidieux voyage.

En 5 ans, le bateau devint de plus en plus frêle et le voyageur de plus en plus fatigué. Il maintint le cap jusqu’à toucher terre. La sournoise Douleur tenta de l’atteindre une ultime fois mais il se réfugia dans les bras de son Aimée et la rêverie prit le dessus sur la souffrance.

La nuit dernière, les Perséides illuminaient le ciel, le navigateur s’accrocha à une étoile filante et appareilla.

La mer laissa place à la Voie lactée pour le plus serein des voyages.

Avec tout notre amour.


~ ~ ~

Jean-Marc nous a quitté le 12 août 2017 vers 21h40, entouré de son épouse et de ses enfants. 
Il ne souffrait plus et s’est éteint dans un souffle.

Merci à tous d’avoir suivi son voyage, merci pour vos commentaires et vos messages, il les appréciait énormément.


Le catalogue des douleurs.

26 Juillet 2017

Hill en traduction intégrale signifie colline, alors, du haut de mon Hill Rom, nom du lit sur lequel je passe le plus clair de mon temps en ce moment je vais essayer de vous expliquer certaines notions de douleurs qui pour les médecins dans leur interprétation sont importante.

C’est un peu comme dans la fameuse pièce avec Louis Jouvet qui interprétait le rôle du Dr. Knock et avait une réplique qui disait : "ça vous gratouille ou ça vous chatouille".

La précision du ressenti de la douleur a ça d’important que, selon un détail insignifiant, elle va permettre au médecin de définir la molécule précise qui soulagera vos souffrances.

Si je ressors de ce séjour d’hospitalisation vers la fin de semaine, ce sera au moins avec le bénéfice de la compréhension de cette notion.

Je suis rentré ici en gémissant sur ma douleur et en disant à l’interne de service : "j’ai mal".
Avec une telle précision, je ne m’étonne pas après réflexion de l’imprécision de son intervention. J’ai conservé cette douleur tout le week-end, jusqu’au moment où une autre interne a bien voulu passer le temps qu’il fallait pour structurer mes propos.

J’ai parlé brièvement hier de mes différentes douleurs que j’avais classé en trois catégories, et qui vous le lirez plus loin peuvent se diviser en quatre. Là, vous êtes gâté, parce que deux articles en deux jours après un mois de silence relève de l’exploit.

Nous avons donc identifié quatre types de douleurs.

La douleur pathologique, elle est dite chronique, lorsque la sensation douloureuse excède trois mois et devient récurrente. C’est par définition, la douleur créée par votre maladie. Dans notre cas ce sont les douleurs liées aux métastases osseuses qui s’estompent par des injections de Morphine à plus ou moins forte dose. La solution à un stade très avancé comme le mien est la pompe à morphine qui permet au médecin de régler un dosage récurent et permet au patient d’ajouter des injections supplémentaires en fonction de ses besoins et de son ressenti. Sur le principe, il ne faut pas attendre que la douleur s’installe pour lancer une dose de plus (appelé Bolus), il faut anticiper cette douleur et lancer l’injection le plus tôt.

La douleur musculaire, ou myalgie est une souffrance physique désagréable et pénible située au niveau des muscles striés. Dans le cas d’un cancer à un stade avancé, il y a très souvent un phénomène de perte de masse musculaire. Le muscle est un organe qui assure les mouvements de chaque partie de notre corps. Les muscles striés ou squelettiques qui s’insèrent sur les os et la peau, sont ceux qui vont créer ce type de douleur, à cause de leur dégradation, ils ne pourront assurer les mouvements quotidiens sans forcer au point de générer des douleurs (crampes et courbatures). Les médicaments antalgiques, ibuprofène, na proxène ou le paracétamol peuvent être efficace. Ici, ils utilisent la molécule thiocolchicoside qui est un dérivé semi-synthétique de la colchicine, il est utilisé comme médicament myorelaxant, sous les noms commerciaux Coltramyl et Miorel, par exemple.

Les douleurs inflammatoires, qui recouvrent toutes les douleurs associées aux phénomènes d’inflammation (il s’agit souvent de douleurs articulaires). Les mécanismes de ces douleurs sont encore mal connus. La molécule la plus efficace pour lutter contre ces douleurs est le kétoprophène. Cette molécule est particulièrement agressive pour les troubles digestifs (ulcères, hémorragies, surtout chez les personnes âgées), maux de ventre, nausées, vomissements, diarrhées, gaz, constipation, exacerbation de pathologies telles que la maladie de Crohn ou la rectocolite hémorragique. Il est donc primordial d’associer la prise de ces médicament à de l'oméprazole qui est une substance de la famille des inhibiteurs de la pompe à protons qui réduit la sécrétion acide de l'estomac.

Les douleurs neuropathiques (ou encore appelées douleurs neurogènes) sont considérées comme des douleurs chroniques. Elles sont provoquées par la lésion ou l'irritation d'une structure nerveuse centrale ou périphérique, ou un dysfonctionnement. La douleur est épuisante... mais elle empêche également de se reposer. Dans le cas présent ceux sont les douleurs que génèrent mes œdèmes, douleurs qui vont des picotements jusqu’aux sensations de brulures. Quand les pieds sont enflés au maximum de la tension de l’épiderme, la perception de marcher sur des braises est assez proche de la réalité.

Voilà un petit résumé du cocktail de douleurs qui m’accompagne ou plutôt qui m’ont accompagné avant la prise en charge par l’ICM.

Tout n’est pas réglé de façon optimale, il faut se donner du temps pour définir les posologies. Personne ne réagira de la même façon et bien évidement il ne faut pas négliger les effets secondaires.

La morphine ne résout pas tous les maux.

25 Juillet 2017

Dans les précédents messages, j’exprimai au travers de mon parcours de soins palliatifs, la gestion de la douleur en m’appuyant essentiellement sur les douleurs pathologiques liées à la maladie et plus particulièrement aux métastases qui à ce stade sont bien présentes.

La pompe à morphine est d’un grand confort et permet, au fur et à mesure que la souffrance devient plus intrusive et fréquente, d’ajuster les dosages et donc de répondre rapidement à ce besoin de confort.

Au bout de quelques semaines, je me suis rendu compte que certaines douleurs persistaient, même avec une forte dose de morphine. En effet, il y a plusieurs origines de douleurs dont un grand nombre ne sont pas résolues avec de la morphine.

Pour faire court, j’ai identifié 3 types de douleurs. La douleur pathologique, liée à la maladie, la douleur neuropathique et enfin l’inflammatoire. A chaque douleur sa molécule.

Cette constatation s’est faite comme par hasard un vendredi soir, lors d’une crise qui m’obligea à contacter l’hôpital pour une prise en charge. Et avec un peu de chance sur la disponibilité des lits, nous voilà reparti pour un petit séjour au sein de l’établissement de lutte contre le cancer de Montpellier.
J'ai eu des pics de douleurs à cause des œdèmes aux jambes qui aux dires des médecins ne sont pas dans la liste des problèmes que l’on peut résoudre. Enfin pour ce que j’ai compris, il faut faire avec…

Pris en charge par une interne qui m'a changé de molécules et donc arrêté la pca avec la morphine.
J'ai mis un bout de temps à comprendre que ce changement n'apportait rien en amélioration de douleurs

En insistant un peu, j'ai obtenu qu'on me remette la pca avec la morphine et que les autres douleurs neuropathiques ou inflammatoires soient traités de façon ciblé.

Pour le moment je reste hospitalisé en observation pour stabiliser tout ça. Je reprends ma position de patient dans tous les sens du terme. C’est un point particulièrement sensible que ce statut de patient qui entraine avec lui tous les accompagnants dans cette situation.

Je passe le plus clair de mon temps à répondre "je ne sais pas", à chaque interlocuteur qui prend de mes nouvelles ou veut simplement des informations, pour savoir, pour ne plus douter de ces non-dits, pour garder cette confiance envers ces toubibs qui ont plus de regards incertains que de réponses fermes.

Il est possible aussi de pousser cette patience jusqu’à faire abstraction des non-dits, et s’en tenir à espérer que ce qui a été dit soit tenu. Je devrais avoir des séances de kiné, je n’en entends plus parler et n’ai vu personne. Je devrais bénéficier de séance d’hypnose avec une personne que j’ai croisé une fois au sein de l’hôpital et qui pour le moment a disparu. Il faudrait peut-être que je note ou que j’enregistre tout ce que me proposent ces internes pour exiger ensuite de les obtenir.

C’est peut-être la colère qui s’exprime, mais force est de constater que tout fonctionne avec un manque cruel de synchronisation et une réactivité qui ne colle pas aux définitions que j’attache à ces mots.

Je reste convaincu que la médecine peut encore m’aider à améliorer le confort quotidien et me prolonger un peu cette vie que je sens de plus en plus incertaine avec leur façon de faire qui est celle de personnes qui baissent les bras.

La pompe à morphine, le boulet du galérien.

21 juin 2017

Cette journée du 21 juin, fête de la musique devrait être un symbole de bonheur et de convivialité, pour ce qui me concerne, c’est plutôt mes premiers coups de rames dans cette galère qu’est le quotidien d’une pompe à morphine.

Fini la liberté. C’est entravé par des fers que je dois avancer dans ce voyage qui a pris une direction que j’espérais ne jamais avoir à vous décrire sur ce blog.

Il aura fallu passer par des jours d’hospitalisation et des tests progressifs pour déterminer la concentration des injections automatiques et des bolus (injections volontaires). Ce premier cap franchi, les douleurs sont très atténuées voir, inexistantes. C’est un luxe énorme d’effacer comme avec une baguette magique les souffrances qui rendent la vie impossible, développent des fatigues inimaginables et détruisent toutes maitrises de son corps, de son esprit et de ses espoirs.

Le luxe va s’arrêter avec ce confort, parce que rien ne sera plus comme avant. Pour le reste, chacun aura surement sa perception plus ou moins tolérante vis-à-vis du quotidien avec une pompe.
Une pompe à morphine est un ordinateur d’environ 1kg et d’un volume comparable à un paquet promo de 4 tablettes de chocolat à cuisiner. Si j’avais eu le choix, j’aurai pris le chocolat, même sans la promo.

Cette pompe est programmée pour doser de façon optimale la morphine avec une marge contrôlée que chaque patient va s’injecter lui-même en fonction de ses douleurs. Cette programmation ne peut être modifiée que par le corps médical, de sorte qu’aucune overdose ne soit possible.

La connexion entre la pompe et votre petit corps de malade, se fait par intraveineuse, de préférence directement sur le Portacath. L’entretien de la pompe, les changements de pansements, d’aiguille et de tubulures doivent se faire au minimum sur une base hebdomadaire.

Là, pour être clair, c’est l’hôpital qui s’installe chez vous. Une armoire verticale de 5 tiroirs qui contient l’ensemble des costumes stériles, des désinfectants, des aiguilles, des produits pour effectuer les mélanges de recharge de la pompe, tout ce qu’il faut pour intervenir rapidement 24/24 en cas de problèmes d’infections ou simplement de changement de cartouche.

Oubliez vos projets de voyage, vous ne partirez pas quel que soit la destination avec votre meuble à tiroirs et ne trouverez pas nécessairement sur place une infirmière agréée pour ce type d’intervention 24/24. Parce qu’en dehors d’une programmation hebdomadaire des interventions, il y a aussi bien entendu tous les imprévus. Ça fait maintenant 24h que je suis rentré au domicile avec cette pompe et j’en suis déjà à deux interventions dont une urgente qui a nécessité le changement complet des connexions.

J’insiste sur ce 24/24, ce qui signifie qu’une panne ou une casse matériel peut survenir à chaque instant. Les liaisons entre les tubulures peuvent subir des détériorations ou simplement une occlusion qui demandera l’intervention d’une infirmière rapidement.

Dernier point et il n’est pas des moindres, il va falloir vivre au quotidien avec votre pompe, vous déplacer dans le domicile, trouver un moyen de porter cette pompe sur vous, en bandoulière, autour de la ceinture, sur l’épaule…

Cette notion peut vous paraitre ridicule par rapport au confort apporté par la perte de douleur, mais elle n’est pas simple à gérer. Où allez-vous mettre la pompe près de vous pour dormir, arriverez-vous à dormir sans trop vous retourner. Comment gérer ces pansements qui se décollent à cause de vos suées nocturnes. Il y a des interdits à ne pas contourner, vous ne pouvez plus soulever au-delà d’un certain poids des objets, vous ne pouvez faire aucun effort avec vos bras au-dessus de vos épaules. Toutes ces recommandations sont en place pour éviter des problèmes avec l’aiguille connectée sur votre implant et, éviter des infections dues aux pansements qui se décollerait.

Nous venons de passer un nouveau cap, qu’il faut digérer, et ce n’est pas simple du tout. Nous portons tous nos espoirs sur l’hypothétique possibilité d’intégrer un essai clinique rapidement.

Ça fait mal de mourir.

15 juin 2017

Ce billet est en épisodes, il est actualisé tous les jours le temps de mon hospitalisation.

L’arrivée dans ce monde est douloureuse. Une douleur qui génère des joies, des pleurs, une souffrance qui donne la vie avec pour certaines femmes des déchirures qu’elles garderont toute leur vie. Au moment de mourir, ces petits êtres qui avaient subi leurs parts de douleurs en quittant ce liquide chaud et réconfortant pour gonfler leurs petits poumons avec cet oxygène brulant retrouvent quel que soit leur âge cette douleur plus ou moins longue, plus ou moins acceptée ou soudaine, annonciatrice d’une fin proche.

Dans le cas des "longues maladies", la douleur est évaluée, catégorisée, et dans les meilleurs cas, prise en compte par une équipe médicale. L’analyse, passe par des phases d’ajustements, de réglages qui ne peuvent pas se résumer à l’expression de cette évaluation de 1 à 10 sur une échelle fictive qui en fait, compte bien plus de barreaux que la médecine veut en utiliser.

L’homme ne sait pas anticiper la douleur et le médecin ne prévient en général que trop tard des effets pervers de certains traitements. Alors, un jour, le plus naturellement du monde vient cette douleurs, d’abord à peine perceptible et souvent interprété comme une gêne dû aux traitements. C’est à ce moment-là qu’il faut agir et demander de suite l’intervention de spécialistes. Personne ne le fait, personne n’ose déranger le corps médical pour "un petit bobo". Ce petit bobo va très vite s’installer, prendre ses aises et vous pourrir la vie au point que lorsque vous chercherez à exprimer avec votre langage ces maux, vous ne serez plus les décrire correctement en oubliant en plus certains détails qui n’en sont plus.

J’ai déjà fait preuve de ce manque de jugement et, bien entendue, comme il n’y a pas de limites à la connerie, je me retrouve pour la troisième fois en quelques semaines dans une chambre d’hôpital, à regarder non sans perplexité le support de perfusions qui me sont destinées pour les quelques jours à venir.

J’ai comme à mon habitude usé de ma force de persuasion pour faire comprendre aux toubibs qui faisait tout pour me soulager, la semaine dernière, qu’un traitement par voie orale serait plus aisé pour moi, vu que je bouge encore pas mal quand justement je n’ai pas mal. Bref, après m’être bien concerté, j’avais tenté d’éviter la mise en place d’une pompe à morphine pour garder de la liberté de mouvement. J’ai été suffisamment présomptueux pour croire qu’avec ce nouveau dosage, tout allait se passer au mieux pour moi et mes douleurs.

Aujourd’hui, je sais que je ne peux plus échapper à une pompe à morphine et que de plus il est peut être envisageable d’utiliser une autre molécule avec la morphine, molécule qui aurait moins d’effets dévastateurs sur la gestion de mes tripes.

Trois jours, c’est le délai que me propose l’algologue pour synchroniser tout ça sur la base d’une pompe à morphine individuelle. Je vais essayer de vous faire vivre cette expérience au travers de mes petits billets que vous pourrez lire au fil du temps qui passe si lentement ici.

Augmenter la douleur pour moins souffrir.

16 juin 2017

La première nuit s’est passée comme toutes les premières nuits que j’ai vécu ici. J’en suis à la troisième tentative et à chaque fois je revis ce même cauchemar. Inlassablement, je reprends tout à zéro le descriptif de mes douleurs et de mon ressenti. Inlassablement, mais néanmoins de plus en plus fatigué, je parle de ma perception des antalgiques et des anti-inflammatoires. J’essaye de faire comprendre ma détermination à bien distinguer les deux et, à travailler sur l’origine de la douleur en différenciant les causes et les effets.

Tout comme la chimio agit globalement sur les cellules cancéreuses, la morphine agit globalement sur la douleur. Les causes de cette douleur dans mon cas précis ne sont pas prises en compte et forcent donc l’utilisation massive de morphine sans apporter de confort optimal sur la gestion quotidienne de cette douleur. Nous reviendrons plus tard sur cette méthode "globale" de la gestion de la douleur.
Afin de régler au plus juste la pompe à morphine, il faut dans un premier temps traduire le dosage qui était administré en cachets et dosage par injection intraveineuse. Ça, ce sont les explications des douleurs de la nuit précédente. Pour ajuster la posologie, il est impératif de commencer au niveau le plus faible pour le remonter graduellement. Ensuite, il faudra faire de même entre le minuteur du pied à perfusion  et la pompe miniaturisée.

La pompe à morphine a été installée en début d’après-midi avec quelques sommaires explications sur son fonctionnement. J’ai eu finalement la visite du staff de l’algologie avec laquelle je "travaille" depuis un moment et nous avons tout naturellement abordé le sujet des anti-inflammatoires, de leurs dosages et de leurs limites.

La pompe effectue une distribution régulière de morphine et permet de gérer des "Bolus" pour ajuster le traitement en cas de forte douleur. En médecine et en pharmacie, le terme "Bolus" ou bol désigne une dose de médicament ou de produit de contraste que l'on doit administrer au complet d'un seul coup. La pompe est bloquée pour ne pas faire de mauvaises manipulations mais permet de gérer ces  "Bolus" au mieux pour le confort. La dose maxi est une fois toute les 20 minutes.

En accompagnement il y a tous les matins une bonne dose de cortisone, du paracétamol  et de l’ibuprofène (anti inflammatoire non stéroïdien). Le tout est cumulable et permet à chaque patient d’ajuster en fonction de ses besoins tout en étant maitrisé par l’équipe médicale.

Bien géré, c’est la porte ouverte vers de futurs projets.

Oui, je sais, entre deux douleurs je me vois déjà pousser des ailes. Il faut vivre la douleur pour se rendre compte de l’impact que ça peut avoir sur le moral. C’est un peu comme Dr. Jekyll et M. Hide, le passage entre les deux se nomme douleur.

 Maitrise de la douleur, le Pass de la liberté.

17 juin 2017


Ça n’est que le début d’une longue collaboration entre ma pompe à Morphine et moi, patient discipliné, du moins je l’espère. Il va falloir s’apprivoiser et respecter les exigences de l’autre. Ne pas abuser de produits sans une réflexion sur les conditions de son utilisation. La zapette qui me distribue la morphine n’est pas la solution à tous les problèmes.

C’est toute la subtilité des réglages de concentration sur le produit qui se trouve en réserve dans la cuve de la pompe. Pour l’installation définitive de la pompe à Morphine il faudra choisir la méthode de connexion avec mon petit corps. Deux solutions s’offrent à moi : la connexion directe via la chambre implantée pour les chimio (Portacath) ou, une connexion via un cathéter en sous cutanée dans la cuisse ou le gras du bide. Les deux ont leurs avantages et leurs inconvénients.
Elles doivent être changées toutes les semaines avec l’intervention d’une infirmière. La version avec la chambre a de gros risques d’infections de par la manipulation fréquente du changement d’aiguilles. La version sous cutanée, présente des risques de douleurs lors des injections de Bolus selon la concentration du produit.

Il est donc très important de prendre le temps de réflexion pour démarrer sereinement le suivi au domicile. Une fois bien réglée, la pompe apporte un confort et une autonomie que j’imaginai plus contraignante, nous vous le confirmerons j’espère avec le temps. J’ai bien l’intention de tester la capacité d’autonomie en bougeant suffisamment pour me faire plaisir et en continuant à monter des projets de voyages avec ma moitié.

La maitrise de la douleur est là pour améliorer le confort du malade et qui dit confort, dit mobilité. Ça ne va rien changer sur ma survie par rapport à cette échéance incertaine, mais ça va me donner les ailes que je ne pouvais plus déployer pour continuer mes rêves. Et puis j’en reste convaincu, ça va contribuer très largement à l’épanouissement et donc au moral, kérosène de la résistance dans mon cas.

La douleur des souvenirs

18 juin 2017

Aujourd’hui, dimanche ordinaire dans les couloirs de l’hôpital. Un silence assourdissant qui laisse planer quelques râles de douleurs derrière des portes anonymes. Ce jour, c’est également la fête des pères qui a, avant tout, une grosse connotation commerciale. Quand on est derrière une de ces portes, il n’y a plus de connotations commerciales qui prennent le dessus, mais surtout une belle crise de manque pour ceux qui n’auront pas de visites et de nostalgie pour les autres.

Dans une chambre d’hôpital c’est un euphémisme de dire que le temps est suspendu et que cette distorsion des minutes prête à réflexion qui, dans le cas d’un malade du cancer hospitalisé, sont rarement optimistes. Alors la petite tête fabrique le pire de ces pensées.

La mort accompagne systématiquement les réflexions des malades. Qui dit réflexion, dit nostalgie et le prétexte de la fête des pères peut induire la peur de la séparation. J’en suis presque à ma trentième fête des pères et ce n’est pas le cendrier en plâtre avec sa déco personnalisé qui vont me manquer, mais bien ces secondes furtives que mes deux Stroumphs me réservent pour moi seul.

Voilà, c’était la séquence nostalgie. Ici le dimanche il ne se passe rien, je n’ai plus de douleurs ou si peu qu’elles sont rapidement maitrisées. Je devrais savoir dans le tout début de semaine, à quel moment je pourrais sortir. C’est le médecin qui décide en fonction de l’état général. Je suis rentré dans ce service pour un problème de disfonctionnement de la maitrise de la douleur, mais même une fois corrigé ce problème, une simple colique pourrait retarder ce départ. Je suis à la lette près les recommandations des médecins et infirmières, mais ne peux savoir ce qu’il y a dans leurs critères d’analyse. L’information passe peu dans ce service, par exemple je ne connais pas les résultats d’examens sanguin pratiqués à mon arrivé…

Avec beaucoup de patience, j’attends ce feu vert qui déclenchera la mise en place de la pompe définitive du prestataire extérieur et du suivi au domicile.

La douleur de voir les autres souffrir

19 juin 2017

Journée d’annonce de liberté. Le transfert de la gestion des prises de morphine se sont bien passé. Demain matin une collaboratrice du prestataire de la pompe à morphine va venir me changer la pompe actuelle par une toute neuve avec la formation de la gestion à mon niveau. Cela signifie que la sortie est programmée pour demain en début d’après-midi. Dès la seconde moitié de journée, un rendez-vous est organisé à mon domicile avec mon interlocutrice du prestataire, ma propre infirmière à domicile et moi-même évidement. Le but de cette réunion et de faire le transfert de compétence et l’accréditation de mon infirmière pour la gestion hebdomadaire de cette version d’antidouleur.

Ici la douleur est le commun de chaque chambre et je n’ai pas le monopole de la souffrance, loin de là. J’ai pu bénéficier de la chambre double en y résidant en solo pendant 48h après le départ de mon voisin de chambre précédent. Ce dernier souffrait d’une annonce un peu brutale qu’on venait de lui apprendre deux ou trois jours auparavant. Je suis toujours très perplexe sur cette annonce et mon expérience personnelle n’est pas plus délicate que celle qu’il m’a raconté. Ce pauvre jeune grand-père, souffrait d’un cancer aux intestins qui n’avait pas pu être correctement soigné à cause d’un cancer aux poumons dont il venait de se remettre après une opération. Suite à quelques examens complémentaire qui avaient pour but de donner le feu vert pour l’intervention sur les intestins, le projet avait été abandonné à cause de l’énorme tumeur au foie qu’il venait de découvrir. Je ne vais pas plus loin sur ce sujet ce soir, si ce n’est la promesse d’un futur billet lié à cette rencontre et à la façon dont elle a été traité lors de mon partage de chambre par un personnel débordé qui par manque de synchronisation, laisse parfois les couloirs vides avec des patients qui attendent  1 heure avant d’être pris en charge.

Ce soir un nouveau voisin de chambre vient de prendre possession des lieux, et là encore, il y a déjà de quoi en faire un billet à part entière. Dans un service de soins palliatifs, il est déjà hors normes de voir des chambre doubles, mais quand on voit un homme fatigué par une intervention chirurgicale, épuisé et en fin de vie, demander la possibilité de résider en chambre seule et se voir refusé cet "avantage", on a le droit d’être très en colère.

Je ne lâche pas cette exaspération sur les soignants qui font ce qu’ils peuvent avec les moyens qu’on leur donne. Je suis outré par cette gestion de la maladie et de l’humain. Alors, certes, il y a régulièrement en chambre, soignants de tous poils à la disposition de ce pauvre homme et ils font le maximum pour juguler ses douleurs et essayer de lui faire passer une bonne nuit. Je crains que ce ne soit pas le cas.

J’échange la douleur contre un boulet à trainer à vie
 
20 juin 2017

Il est programmé que cette journée soit la dernière de mon séjour au sein du service palliatif contre la douleur de l’ICM.

Comme chaque matin, le réveil vers 7h30 est brutal avec la porte qui s’ouvre sur le brouhaha du couloir et une femme de service qui d’une voix stridente et tonique nous propose le petit déj. A peine le plateau servi sur la table à roulette, un aide-soignant rentre sans plus de ménagement pour prendre la tension et la température de chaque patient. Le tout est accompagné par une série de questions sur le degré de douleur et sur la qualité du sommeil. A ce stade, si vous n’êtes pas réveillé, c’est qu’il y a un gros problème puisque même un paresseux partirait en courant pour échapper à cette agression matinale.
Ensuite, c’est la routine quotidienne, petit déj accompagné des infos à la télé, toilette et ablutions matinale, en sortant de la salle de bain prise des médocs sous la surveillance de l’infirmière avec en arrière-plan la femme de ménage qui s’occupe de votre lit. C’est la salle des pas perdus de la gare St Lazare cette chambre.

Le silence et le calme reviennent à la même vitesse que le capharnaüm qui l’a précédé nous avait agressé. Chaque patient va recevoir les soins qui correspondent à sa pathologie. Pour ma part j’attends la visite de l’intervenante pour me brancher la pompe à morphine.

L’intervenante extérieure est très efficace, la pompe a été rapidement installée et là, c’est le début du désespoir, vivre avec ce boulet le restant de mes jours me parait à l’avance une galère. La liberté a un prix et cette fois ci il est particulièrement lourd.

Au-delà du sacrifice de ce poids à trainer en bandoulière 24 heures sur 24 il y a aussi pour mon cas l’obligation de branchement sur la chambre implanté avec tous les risques d’infection que ça comporte mais également cette tuyauterie plastique installée directement sur le thorax.

Voilà, fin des épisodes sur cette hospitalisation, la suite fera l’objet de billets séparés et affichés à la une du blog.

Ajouter du temps de vie

05 juin 2017

Tous les malades qui se retrouvent en phase terminale ne pensent qu’à deux choses : diminuer, voir faire disparaitre la douleur et gagner du temps pour repousser le plus loin possible l’inacceptable.

S’occuper de la qualité de vie des patients n’est souvent pris en compte qu’au moment de l’entrée de ce dernier dans le stade palliatif. C’est seulement la plupart du temps à ce moment là que la prise en compte des souffrances physiques et psychiques est gérée par une équipe de spécialistes qui en relation avec le patient est sensée: user de pédagogie pour inciter le malade à auto gérer ses pics de douleurs, et d’autre part ajuster les traitements selon la progression du cancer.

Avant ce stade, la maladie est traitée de façon ponctuelle et chaque spécialiste traite son sujet sans trop se pencher sur les dommages collatéraux. Au bout de 5 ans de traitements divers, je me retrouve avec des dérèglements fonctionnels qui ne facilitent pas la vie au quotidien. Le foie et le pancréas sont complètement saturés et maintenant il faut remettre en ordre tous ces maux pour agir efficacement contre la douleur. La médecine fonctionnelle est bien trop marginalisée dès le départ des traitements. Dans les soins palliatifs qui me sont dispensés, il y a le Kiné qui travaille également en ostéopathie et qui lui, prend en compte ces relations fonctionnelles.

Un petit exemple bien concret : J’ai eu de fortes douleurs lombaires au point de ne plus pouvoir me coucher sur le dos sans avoir l’impression d’être sur une planche de fakir. La médecine traditionnelle m’a proposé des anti-inflammatoires qui  ont déplacé ces douleurs sur de nouveaux problèmes gastriques. Je n’avais plus mal au dos, mais bon…

La médecine fonctionnelle va chercher la raison du mon mal de dos qui provient des dérèglements cumulés de 5 ans de chimio sur les intestins qui par voie de conséquence ont saturé les filtres que sont le pancréas et le foie. Nous allons donc purger ce pancréas qui empêche le foie de faire son travail de filtre correctement et qui de fait va générer de l’acidité dans les intestins qui eux même par effet de saturation vont créer des douleurs lombaires. C’est une démarche plus longue, qui passe par des massages et pas ou peu de médicaments, mais qui est d’une efficacité redoutable.

Tout ceci pourrait être anticipé, et ces douleurs lombaires ne devraient en fait jamais apparaitre. C’est dans cet esprit d’anticipation que depuis le début de ce voyage je vous ai souvent parlé de dialogue avec mes cellules et d’écoute de son corps pour bien exprimer auprès des soignants les besoins. Mais celui qui croit donner le bon conseil ne les applique pas à la lettre pour lui-même.

Une fois de plus je me suis fait prendre à mon propre piège. A force de patienter en se disant ce n’est qu’une alerte, il suffit d’attendre le prochain rendez-vous dans une semaine pour demander conseil.
Je m’étais juré de ne plus tester les urgences en week-end prolongé, j’ai donné à pâques, et je viens de réitérer à la pentecôte. Je suis de nouveau hospitalisé depuis hier pour une mauvaise gestion de mes antidouleurs.

Depuis une bonne semaine, je sentais bien ce corps me torturer doucement. Dimanche, impossible de tenir plus longtemps, c’est plié en deux que ma moitié m’a déposé à l’hôpital pour ajuster mes doses d’antalgiques. Avant d’agir concrètement, l'interne de garde à l’écoute de mon récit a décidé d’approfondir les examens, et là, ce n’était plus qu’un ajustement de morphine à envisager. Le bilan sanguin a fait ressortir une belle anémie avec obligation de transfusion sanguine dès ce matin pour commencer. Demain échographie et Doppler pour vérifier qu’une phlébite n’est pas en préparation.

Pour la suite, c’est mon oncologue qui me donnera le programme. Des ganglions sont apparus sur le crane et autours de l’oreille côté gauche. Toujours côté gauche, le ganglion inguinale qui était présent au premier diagnostic il y a 5 ans est particulièrement enflé et bloque le drainage de la jambe gauche.

Les troubles du quotidien sont tout sauf anecdotiques, ils ont un retentissement sur la qualité de vie des patients et bien plus encore. Je ne cesserai de le répéter, faites intervenir au plus vite un médecin au moindre signe de faiblesse. Ce temps gagné sur la douleur sera autant de temps gagné sur la durée de vie et le confort du malade. Il ne faut jamais laisser la douleur s’installer.

Gâteau Choco-Noisette || Chocolate-hazelnut cake (VEGAN)

Il n'y a pas de mal à se faire du bien.

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Pour commencer, rien de tel qu'un bon gâteau au chocolat.


Le bout du chemin

24 mai 2017

Ce titre n’a pas vocation à vous faire pleurer, c’est simplement une étape de plus dans ce long processus qu’est, ce que l’on nomme le palliatif. La première fois que j’ai utilisé ce mot pour parler de mes soins remonte à août 2013. Ce que je n’avais pas compris à cette époque-là, ou tout simplement dénié, c’est que le traitement palliatif avait commencé dès le premier diagnostic suite au contrôle PSA, un an plus tôt.

Quand on est diagnostiqué pour un cancer de la prostate, métastasé avec un score de Gleason de 9, la traduction intégrale est que l’agressivité du cancer est telle que le compte à rebours est déjà lancé. Un seul petit chiffre, fait la différence, le score de Gleason.

Ensuite selon la résistance de chacun, les choses vont aller plus ou moins rapidement. Mon moral, vos soutiens, la qualité des soins ont fait que 5 années se sont passées. En 5 ans nous finissons par oublier le diagnostic initial, ou là encore à le dénier.

La médecine dans ce domaine comme dans bien d’autres, a malheureusement ses limites et vient le jour où le corps résiste moins, fatigué par l’agressivité des traitements qui ne sont surement pas dans tous les cas le plus adaptés et qui par effet d’accumulation finissent d’affaiblir le malade. Le corps ne réagit plus aux traitements et là, on ressort le terme palliatif, qui dans ce contexte précis, prend toute sa signification.

La dose de fatigue est telle, que la réflexion et l’analyse ne s’amorce plus, le sang affiche des déséquilibres qui vont engendrer rapidement des anémies et des faiblesses immunitaires. Le foie est à la limite de la grève, le pancréas reste solidaire du foie et l’ensemble de la carcasse est sur le point de s’écrouler.

Toutes les journées sont bercées par des hauts et des bas au rythme de la morphine. Je mange, je dors, je ris, je pleure, je n’ai plus de douleurs, je m’évapore…