8 juin 2013
Un petit retour sur
mon plus gros sujet de préoccupation. Mon passage progressif vers la précarité.
Hé oui, mon tourment
le plus profond n’est pas le cancer qui m’accompagne, il est là et ma seule
force pour le combattre est de le refuser et de tenter de rester optimiste sur
l’avenir et sur la capacité de lutte que pourront avoir mes toubibs demain. J’ai
l’impression qu’il prend parfois le dessus, mais c’est comme dans un match de
boxe, ce n’est pas parce qu’à certains moments l’un des deux est sonné, les
genoux à terre, qu’il va forcément perdre le combat.
J’ai beaucoup lu sur
mon compagnon de voyage plus précisément sur les risques liés au cancer de la
prostate au stade où j’en suis. Je n’ai rien trouvé d’optimiste dans ces lectures,
mais tant que mes toubibs ne m’alerteront pas sur l’échéance fatale, je luterai…
La contrariété est un
sentiment qui est lié à une impossibilité totale d’agir pour contrer les effets
néfastes d’une situation; c’est exactement ce qui se passe avec mon entreprise,
je ne peux que constater les dégâts et n’ai plus les moyens d’agir. Je passe
plus de temps derrière mon bureau que j’en ai jamais passé et chaque jour me
fait douter un peu plus. Je n’arrive plus à me sortir un salaire qui correspond
au minimum vital. Mes collaborateurs font tout ce qui est en leurs pouvoirs
pour m’aider à retrouver de nouveaux marchés, mais je crains que ces derniers n’arrivent
que trop tard, les métastases qui rongent mon entreprise sont trop avancées
pour être éradiquées.
Comment en est-on
arrivé là ?
J’ai développé mon
entreprise il y a dix ans parce que je ne concevais pas de rester au chômage.
Très rapidement mon affaire est devenu rentable au point de faire vivre d’autres
personnes avec. Le chiffre d’affaire à constamment progressé et a fini par permettre
à ma famille de vivre très convenablement de mon travail. L’argent ne fait pas
le bonheur mais il y contribue très largement. J’ai connu des périodes dans ma
courte vie que je ne pensais plus vivre, pourtant le pire est à venir.
Au début de ma
maladie, j’ai contacté très rapidement une assistante sociale du centre de cancérologie
spécialisée dans les problèmes liés à la maladie et ses conséquences sociétales.
Sa réponse à mes questions sur la façon d’anticiper les risques sur ma
situation de travailleur indépendant a été on ne peut plus clair :
« je ne peux rien pour vous, il faut vous débrouiller seul, déléguez vos responsabilités ou vendez votre entreprise »
« je ne peux rien pour vous, il faut vous débrouiller seul, déléguez vos responsabilités ou vendez votre entreprise »
Autrement dit, vu que
je ne pouvais pas déléguer, j’ai été obligé de continuer à travailler, et même
si la chimio m’explosait les neurones et bien plus encore, il fallait que je
garde le cap. J’ai gardé ce cap comme j’ai pu, mais je n’ai pas su passer certaines
vagues trop violentes, et mon chiffre d’affaire est parti avec mes clients.
Fini le partage des bénéfices, fini les collaborateurs qui étaient motivés par
mes propositions, il fallait bien qu’ils vivent et sans l’apport de ce chiffre
d’affaire, ils ont été le cherché ailleurs, c’est naturel et tout à fait normal.
Aujourd’hui, je suis
moins impacté par la maladie qu’au moment des cures de chimio, mais le cancer
est toujours là, bien loin d’être guéri (le mien est incurable dans l’état des
connaissances médicales) et demain reste une grande incertitude sur mes
capacités à résister à tel ou tel traitement.
En France, nous avons
la meilleure couverture sociale qu’il puisse exister, un employé atteint d’un
cancer peut se mettre en longue maladie pour se donner les moyens de lutter
efficacement contre cette saloperie, les assurances prendront le relais pour l’indemniser
et ses revenus ne seront que très peu diminués. Un travailleur indépendant
(qualificatif des petits chefs d’entreprises) va cotiser au moins autant auprès
des assurances, mais lui n’aura droit à rien (19 € par jour), et encore il
faudra qu’il prouve que son affaire ne fait plus de chiffre d’affaire sous
peine d’être accusé de fraude.
Mon épouse au chômage
depuis trop longtemps comme beaucoup de personnes de plus de 50 ans est
indemnisée une misère, si nous arrêtons de manger de la viande et du fromage,
il va falloir que le potager soit sacrément productif pour nous aider à vivre
et pour l’hiver prochain avec le chauffage au minimum il faudra mettre
plusieurs pulls. Bref, sans caricaturer la situation, nous allons vers un
avenir sacrément incertain, nous le savons dès maintenant et rien ne peut
empêcher cette perspective.
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