22 avril 2017
Avant de développer ce récit, je tiens à préciser certains points. J’ai passé un bon bout de temps à essayer de calibrer mes doses de morphine associées au paracétamol pour enrayer les douleurs qui d’après les professionnels de santé s’étant penchés sur mon petit corps, provenaient de l’irradiation de métastases sur des vertèbres, et plus précisément sur une cervicale et sur une lombaire.
A ce moment, je ne savais pas que je n’étais qu’au début d’une semaine de merde comme on en a peu dans sa vie.
J’ai effectué des vas et viens en VSL entre mon domicile et le centre ICM de radiothérapie toute la semaine du 10 au 14 pour des rendez-vous en fin de journée, rarement avant 18 :00. Un des chauffeurs, Christian pour ne pas le nommer m’a été d’une aide morale hors du commun. Il y a des femmes et des hommes autours de chacun d’entre nous qui donnent tout ce qu’ils ont et même ce qu’ils n’ont pas pour le bien être des autres, celui-là fait partie de ces personnes qui spontanément ne pensent qu’à la qualité des échanges entre les êtres humains.
Le sujet principal hors mis les anecdotes, est la conséquence dramatique d’un manque de communication entre les différents services d’un centre anti cancer. Je ne remets pas en cause la compétence de chacun des intervenants, mais leur méthode peut-être un peu trop mécanique et cloisonnée d’aborder la maladie sans vraiment prendre en compte le patient et les accompagnants qui de fait ne sont que rarement écoutés.
Je suis rentré en urgence douleur le vendredi 14 vers 23h. C’est un choix que nous avons fait seuls, puisque en dehors du Samu, il n’y a plus de service à domicile avec nos pauvres médecins tant débordés par leurs clients, heu… pardon leurs patients.
Les relations que mon médecin référent qui suit la famille depuis son installation, il a trente ans, sont au point mort. Il reçoit par courrier tous les comptes rendus des différents intervenants spécialistes, les archive dans son ordi, et basta…
Pas un coup de fil, rien de rien. Il apprendra surement ma fin dans la revue nécro du journal du coin.
L’impact de la morphine en cachet sur la douleur est indéniable mais les effets secondaires sur une forme de paralysie intestinale ne le sont pas moins. Ce sont ces derniers qui agissaient sur l’ensemble de mon bas ventre et qui irradiaient l’ensemble du bassin. Un grand nombre de toubibs après les explications désordonnées et bousculées par ses souffrances de patients vont très rapidement interpréter "une constipation" comme une conséquence du traitement des douleurs dorsales. Ces douleurs seront donc traitées en priorité, par une augmentation de la posologie associée à des antis inflammatoires, qui ne vont pas accentuer la constipation et devrait diminuer la douleur.
C’est sur ce principe de soins adaptés à un jugement partial que je viens de passer le weekend de Pâques aux urgences douleurs, plié en deux à hurler et sans le moindre moment de récupération qu’aurait pu m’octroyer un instant de sommeil. Je m’étais pourtant bien briffé sur le fait de ne jamais avoir de crises quel quelles soient un jour férié ou un week-end, alors les deux réunis…
Aux centre hospitalier, je suis rapidement pris en charge et les fioles de couleurs diverses se multiplient sur le pied à sérum avec toute la plomberie composée par les perfuseurs, les régulateurs, les réglettes et j’en passe. Les doses de morphines toujours plus importantes. Jusqu’à lundi soir pour gagner du temps. Le week-end il n’y a pas d’imagerie médicale. Lundi de Pâques dans l’après-midi, une interne a bien voulu prendre le temps d’écouter ma version de patient, celle d’un malade qui s’entraine depuis 5 ans à dialoguer avec ses cellules et sait grâce à ces années de recul, que ses intestins posent problèmes. A notre grande surprise, cette jeune femme m’a rapidement proposé de traiter au mieux cette gêne pour l’éliminer.
A ce moment, j’étais en pleine occlusion intestinale, victime des suites liées à cette panne de transit. Mon appétit était faible, voir, inexistant, ce qui n’empêchait pas l’hôpital de me procurer un plateau complet à chaque heure de repas. La solution proposée par l’interne n’est pas des plus cool mais la perspective de diminuer les douleurs est particulièrement motivée. Il faut commencer par poser une sonde naso gastrique qui permettra d’évacuer rapidement le trop-plein de l’estomac et d’éviter ainsi d’en ajouter sur ce ventre si endolori. Le tout avec une bonne diète et des perfusions pour compenser. La surcharge intestinale disparait au rythme ou la poche de la sonde se rempli ; le scanner du lendemain permettra d’y voir plus clair. Et puis, pour un super-héros, le fait d’avoir un tuyau qui sort de la narine, passant derrière l’oreille, en évacuant un liquide vert presque fluo s’écoulant dans une poche n’est qu’un détail de finition de l’atelier design.
La diminution de la pression intestinale a permis à plusieurs reprises dans la nuit de se soulager comme on dit poliment chez les pètes en l’air. Le besoin en morphine est donc plus faible et comme par miracle je me sens beaucoup moins enclin à bougonner. Dans ce service, les infirmières et leurs collaborateurs au sens plus large ne sont pas en reste sur l’empathie et la plaisanterie, il est plutôt agréable de jouer des mots pour passer le temps. Figurez-vous que chaque journée fait largement plus de 24h, que chaque minute est une éternité pour un malade et que la souffrance augmente considérablement ce temps.
Bref, mardi matin, les résultats sont là et l’interne a si bien réussi son coup, qu’à la vue des résultats du scanner et de mon état, les autres internes, nutritionnistes ou spécialistes en tous genres ont défilés les uns après les autres pour me donner leur point de vue avant que la chef de service n’organise dans ma chambre une réunion plénière avec pas moins de huit personnes sans me compter
A L’heure où je rédige ces lignes, la suite du programme complet ne m’a pas été communiquée. Sur le principe, ils me gardent jusqu’à la fin de semaine. Je vais surement avoir l’installation définitive d’une pompe à morphine mobile, afin de gérer au mieux les douleurs. La base de calcul de la posologie prescrite étant calculée sur l’expérience de cette semaine.
Je ne vous cache pas la joie de me retrouver avec un nouveau morceau qui dépasse de mon corps. Electronique cette fois-ci, avec de petits voyants lumineux, mais pour le moins pas très naturel. Le design commence à sérieusement se dégrader. Si ça continue, mon histoire, nous serons plus proches d’une version de Mad Max que d’un épisode de super-héros
C’est con à dire comme ça, mais il vaut mieux prévoir un travail soigné au départ qu’une retouche à la vas comme j’te pousse en retard. Je suis légèrement maniaque et j’ai toujours été très attaché à mon confort. Je crois que je suis un petit bourgeois dans l’âme, j’adore mon bien-être.
Je tiens à vous préciser que ces écrits sont effectués sous morphine et il est peut-être difficile vu de l’extérieur d’en retirer une certaine logique, voir, même d’y mettre un soupçon de cohésion. Pourtant il y a plein d’informations qui, une fois triées, seront la base d’un bon petit message sur différents sujets. Le passage par les urgences dans le cas d’une "longue maladie" est toujours traumatisant pour l’ensemble des personnes qui côtoient le patient et bien entendu pour le malade lui-même. Rédiger au fil de mes aventures et de ce voyage mes impressions me permet de passer plus facilement cette étape et au final il n’est pas impossible que je vous livre ce texte brut de fonderie.
Ce matin, dès l’arrivée des internes, l’accord de ces derniers pour retirer la sonde naso gastrique a été validé. Il y a des fois, de petits détails qui vous illuminent la journée, un miracle, un rayon de soleil, un de ces trucs hors norme qui passait par la narine pour se loger au fond de l’estomac et qui d’un coup disparait en laissant la voie respiratoire reprendre ses fonctions naturelles. Rapidement suite à cette intervention, une nutritionniste est passée me voir pour mon programme alimentaire sur les jours à venir de façon à lier confort et pathologie ou l’inverse. Nous arrivons aujourd’hui à des résultats surprenants grâce à la maitrise de l’alimentation. Bon, ok, je vous l’accorde, dans le cas présent, le tous est un peu "liquide" et bouillit. Bienvenue dans l’univers de la purée et de la compote.
Une visite en enchaine une autre. Dans ce couloir, quand vous en sortez sur vos jambes, vous faites presque partie des stars du service. J’exagère un peu et suis légèrement de mauvaise foi, mais à quoi ça sert de retrouver la forme s’il faut rester en permanence convenable. Cette fois ci, c’est l’infirmière Algologue, la spécialiste en douleur qui vient pour faire le point sur mes prises de médicaments et aussi me proposer des séances d’hypnose pour faciliter et anticiper les "pics" de douleur où très souvent la dose de morphine ne va plus agir. Nous avons réussi à différencier les maux entre l’estomac et les lombaires, nous n’allons pas céder devant la facilité que nous offre les antalgiques. Il y a des solutions alternatives ou du moins complémentaires qui permettent de ne pas surcharger un corps de molécules chimiques ou toxiques.
Petit à petit la vie reprend son cours. Les doigts courent de plus en plus vite sur le clavier et les idées fusent. Je me surprends de nouveau à reprendre ma voie claire et déterminée dans les échanges en confrontation ou au téléphone. Cette fameuse dynamique qui fait que personne ne me prend réellement au sérieux quand j’annonce mon état de santé. Mon intolérance et mon despotisme gagnent du terrain nous sommes en bonne voie.
Je vous réserve un futur chapitre dédié à l’impact de la morphine sur les rêves et sur une forme de schizophrénie somnolente. Depuis que nous sommes hospitalisé dans ce service sous pompe à morphine, isolés dans une chambre individuelle avec comme seule vue les carrés du faux plafond, l’alarme incendie et le trapèze de force pour m’aider à propulser mon corps en position verticale. Je ne suis pas seul, non, non, vous avez bien lu, dans cette chambre individuelle, je ne suis pas seul. Je viens de passer tous ces jours avec ma bien aimée aux petits soins sous notre tente de toile rouge qui ondule au gré du vent que je ressens comme une douce caresse sur ma peau. Mais en fait, quand je me retourne vers elle, ma moitié n’est plus là, je suis dans la chambre, seul cette fois, et comme je l’ai déjà précisé plus haut Je ne supporte pas le manque de confort, alors de là à coucher sous une tentes dans une chambre en dur, il faut un peu de persévérance dans le délire. Nous reviendrons sur ces moments un peu plus tard. Je vous jure que j’ai échangé des propos avec ma moitié sous la tente, et heureusement qu’elle était présente pour m’apaiser.
Nous sommes maintenant le jeudi 20 avril, j’entame depuis hier ma soixantième année. Je vais avoir un cadeau auquel je ne m’attendais pas. Exit la pompe à morphine, trop lourd à gérer à mon stade et même si la dose prescrite pour limiter mes souffrances est énorme, il y a d’autres solutions. Je vais être traité par patch de 100 mg d’une durée de 72 heures. Je pourrais compléter selon les besoins en cachets, baptisés ici "Bonus". Je vais pouvoir gérer mes déplacements et mon petit confort au mieux. Les effets secondaires seront les mêmes mais, j’ai eu une sérieuse formation sur la gestion de mon transit.
Un seul cadeau pour un anniversaire si lourdement négocié ne suffisait pas, en début d’après-midi, la spécialiste antidouleur vient me rencontrer et me proposer, si j’ai le temps, de commencer nos premières expériences d’hypnose antidouleur. Du temps, je n’ai que ça en magasin, il suffit de se servir de suite et ni une ni deux nous voilà parti pour une expérience très enrichissante qui méritera également un chapitre minimum pour vous faire partager ce que j’en ai retiré.
Je sais, c’est un peu cruel de lancer un sujet et de le couper au moment où le dénouement allait prendre le dessus, mais mon texte est déjà trop long.
Enfin, pour finir sur une note optimiste puisque nous sommes dans ce registre depuis quelques phrases, il ne reste plus qu’à ajuster la permutation du début de gestion par patch avec la fin d’intraveineuses de morphine. J’ai contacté mon oncologue par mail, un étage plus bas du même centre hospitalier et la synchronisation des services s’est mise en route sans cahots. Une petite visite de ce dernier avec ses ordonnances pour la suite du voyage me donne le ticket de sortie rapide. Il n’est pas impossible que je me pose chez moi dès samedi.
Le voyage continu, beaucoup plus dépendant d’une rigueur de gestion du quotidien, mais il continu et je ne suis pas attaché à un fil. Un peu de temps pour reprendre du tonus et nous pourrons surement faire aboutir des projets qui de plus en plus ne ressemblaient qu’à de simples cartes postales. Libre dès ce week-end, je voterai pour une révolution citoyenne de partage de tolérance et de solidarité.
Carnet de bord d'un voyage que je n'ai pas choisi avec un cancer de la prostate. J’ai 53 ans, pas de gènes urinaires, pas de douleurs, pas d’antécédents familiaux, pas de symptômes de fatigue, pas de perte de poids. Sur les conseils de mon médecin traitant je fais un examen sanguin. Résultat, cancer de la prostate métastasé... Début du voyage avec mon cancer le 25 janvier 2012.
Inscription à :
Publier les commentaires
(
Atom
)
Alors avec un peu de retard...Joyeux anniversaire et bon dimanche :-)
RépondreSupprimer