25 janvier 2017
Le 25 janvier 2012 je prenais connaissance de mon taux de PSA à 95 suivi ensuite de mon taux de Gleason de 9 m’annonçant un cancer de la prostate agressif, métastasé aux ganglions et aux os (T4 N1 M1).
Mon premier reflex après avoir consulté différents médecins a été de foncer sur Internet pour faire mes propres recherches, vu que je n’avais, déjà à l’époque, pas eu de réponses à mes questions.
Gérant mon entreprise dans le domaine de la création de sites Internet et dans la prestation du référencement naturel, j’étais à même d’utiliser les techniques que je maitrisais pour mes clients à des fins personnelles. La recherche étant directement liée à la pertinence des mots clés et les sites de qualité utilisant les techniques de rédactionnel web, du moins je l’espérais, je n’imaginais pas à quel point j’allais tomber sur cette masse de renseignements tous les plus fantaisistes les uns que les autres. En moins d’une semaine de recherche, j’étais convaincu de ma proche disparition et d’un avenir florissant pour les personnes exerçant le même métier que moi. Au-delà de ces considérations, je ne veux surtout pas faire passer le message qui vous inciterait à ne pas faire vos recherches sur Internet. La perception des informations doit être guidée par l’analyse des informations et comme toutes bonnes analyses de texte "journalistique" il faut essayer de recouper les renseignements afin de donner de la crédibilité aux propos.
Fort de cette expérience et constatant les faibles contenus issus de patients, j’ai décidé de rédiger mon blog axé sur le quotidien de la vie d’un malade du cancer de la prostate et bien entendu sur les informations vérifiées que je pouvais glaner sur la toile. 5 ans après, je n’ai pas la prétention de me classer dans ce que l’on nomme "patients experts" mais je suis assez fier de l’écho de ce blog qui vient d’enregistrer plus de 210 000 visites avec une moyenne aux alentours de 500 entrées quotidiennes en ce moment. J’ai analysé cette fréquentation importante qui au final dénote sur certains points.
J’ai utilisé ce blog et je l’utilise encore aujourd’hui comme un exutoire. Ayant énormément d’aprioris sur les psys, les échanges qui ont été issus de ces écrits sont très importants pour moi et pour ma propre analyse. J’ai également utilisé ces messages pour passer un peu de dérision sans pour autant vouloir mettre en place des dérives d’informations. Là, j’ai eu une très grosse surprise en constatant par exemple, que le message qui était en quatrième position sur l’échelle du succès des consultations, était celui qui parle de la position assise pour uriner quand on est un homme, ce qui limiterait les risques de cancer de la prostate. Cette information bien évidement jamais médicalement vérifiée est avant tout une boutade mais néanmoins suscite encore un vif intérêt.
En troisième position le message sur la médecine Ayurvédique qui lui m’a inondé de demande de coordonnées pour partir en Inde, alors qu’il est précisé dans l’article que cette méthode ne doit pas se dissocier de la médecine traditionnelle et est, avant tout, un complément psychologique uniquement. Mettre en accord le corps et l’esprit et " purifier " son organisme avec une vie saine ne peut évidemment pas faire de mal, bien au contraire.
La deuxième place est pour les explications sur le médicament Xgeva qui visiblement est souvent administré avec une zone d’ombre autours de ses effets secondaires ou autres.
Pour la première place et, là, personne ne sera surpris, c’est l’article sur l’espérance de vie d’un malade dans les différents cas de cancer de la prostate.
Que retirer de ces analyses ?
La première constatation n’est pas très glorieuse sur l’impact de ce blog qui comme bien d’autres retire une part de son succès de futilités. Ces chimères qui génèrent tant de connexions sur le net n’ouvrent aucun débat et ne portent que très peu de messages. La deuxième constatation est plus encourageante et correspond à la multitude d’échanges que ce blog a provoqué. Un grand nombre de patients et d’accompagnants sont à la recherche d’informations à cause du manque d’écoute et du silence pesant qu’ils rencontrent dans leurs parcours et leurs consultations.
Je ne fais pas une crise paranoïaque en vous mettant ce sujet en exergue, une émission sur France Inter le 16 janvier était présentée avec l’introduction suivante :
"Médecins, infirmiers, écoutez vos patients. 23 secondes. C’est le temps moyen laissé à un patient en début de consultation pour raconter ses symptômes… De plus en plus de patient se plaignent de ne pas être assez écouté. Avec le reproche récurrent d’un manque d’empathie de la part des médecins. Nous verrons ce matin pourquoi de nombreux praticiens n’écoutent pas ou n’écoutent plus, pris dans la spirale du rendement. Nous verrons pourquoi l’écoute médicale reste fondamentale pour soigner. Le processus de guérison débute bien souvent par une écoute attentive, pour délivrer le bon diagnostic, améliorer l’observance des traitements ou encore apaiser les malades. Quelles sont les pistes pour renouer un dialogue constructif entre patient et soignant, dans le cadre notamment d’une médecine dite narrative ? Votre médecin généraliste vous écoute-t-il suffisamment ? Avez-vous l’impression d’être écouté à l’hôpital ?"
Tous les patients qui ont écouté cette émission, voudraient avoir comme médecins les intervenants de ce débat. J’écris débat, mais en fait il s’agissait plutôt d’un exposé des bonnes pratiques en opposition avec ce que vivent la majorité des malades. Une longue liste de bonnes intentions. Il existe des médecins qui écoutent mais ce n’est pas une démarche universelle, il n’y a pas de formation dans les facultés sur la bienveillance du médecin pour ses patient. Les pressions et contraintes mènent à ne plus distinguer le patient alors que les malades et les accompagnants ont un savoir fondamental dont les médecins devraient tenir compte. Internet est une voie qui va conduire le patient à interpeller le médecin en se mettant au niveau du sachant au sachant sur bien des points des traitements et des symptômes. Nombre de toubibs refusent cette façon d’aborder le sujet.
La médecine narrative ou médecine fondée sur le récit du patient constitue une pratique médicale centrée sur le patient. Elle permet au médecin d'accéder à l'expérience vécue par leurs patients qui aujourd’hui me parait incontournable des liens avec les informations quémandées sur Internet. Mes propos ont surement amené certains patients à demander à leur toubib, pourquoi ne m’avez-vous pas parlé des effets secondaires du Xgeva ou de certaines réactions peu communes aux traitements de chimiothérapie.
L’empathie qui devrait fonctionner à double sens entre le patient et le médecin ne peut se mettre en place qu’avec une reconnaissance de ce que l’autre éprouve, c’est avant tout une qualité d’écoute avec des questions ouvertes qui permettraient d’élucider les problèmes ou les angoisses, même si l’origine de ces questions provient d’Internet.
Je pense être plus pertinent et plus ouvert dans mes interrogations vis-à-vis de mes soignants parce que je suis informé, et je suis plus combatif parce que bien de mes questions ont aujourd’hui une réponse, même si cette réponse est « je ne sais pas, je ne peux pas me prononcer aujourd’hui en l’état des connaissances et des développements de la recherche »
Le plan cancer 2014 mentionne au point 4.4 titré : Améliorer la formation des médecins cancérologues. Cette formation devra inclure les compétences transversales comme la communication avec le malade et son entourage.
Demain, au menu comme toutes les 3 semaines, c’est chimio. Ça commence par un petit exercice de communication entre toubib et patient. J’ai beaucoup de chance, ça ne se passe pas du tout comme ça dans bien des centres de soins. Une généraliste va entendre la longue liste de mes souffrances, va rigoler de mes plaisanteries à deux balles et va signer le dosage pour mon injection après avoir vérifié mon poids et mes analyses sanguins. Elle me saluera et me dira "bon courage".
Voilà, fin de la communication.
Carnet de bord d'un voyage que je n'ai pas choisi avec un cancer de la prostate. J’ai 53 ans, pas de gènes urinaires, pas de douleurs, pas d’antécédents familiaux, pas de symptômes de fatigue, pas de perte de poids. Sur les conseils de mon médecin traitant je fais un examen sanguin. Résultat, cancer de la prostate métastasé... Début du voyage avec mon cancer le 25 janvier 2012.
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