Je me consume de l’intérieur

31 juillet 2016

Deux mois que je n’ai plus de traitements et que les effets secondaires continuent de me ronger. Je me consume de l’intérieur, l’impression d’avoir le ventre plein d’acide. Les aigreurs sont permanentes mais s’intensifient dès que je consomme ne serait-ce qu’un verre d’eau. Chaque matin, je me vide comme un touriste qui revient d’un pays exotique et qui aurait bu de l’eau là où il en trouvait. La fatigue s’intensifie et il m’est très difficile de ne pas lâcher prise pour profiter d’une sieste qu’elle que soit l’heure.

Je n’ai plus de douleurs causées par le cancer. Je ne prends plus de morphine. J’ai simplement cette vague d’acide qui me pourrit la vie et me ruine mes nuits.

Je ne sais pas si cette âcre sensation est consécutive aux effets secondaires des chimios mal supportées ou si je me la fabrique moi-même avec la dose de stress qui m’accompagne. L’été est la période de la trêve pour tous et la guerre des tranchées pour moi. Je ne peux pas profiter du beau temps, il fait trop chaud pour que je supporte le contact avec les rayons du soleil. Je ne peux pas partir vers une région plus clémente puisque je dois rester disponible pour une éventuelle réponse du corps médical. Je n’arrive pas à relancer les contacts avec les toubibs et l’essai clinique tant attendu tarde à venir. Je suis en fin de droit d’indemnité journalière avec le RSI,  je vais passer en invalidité avec une misère comme indemnité, mes revenus vont surement se diviser par deux d’ici 1 mois. Cerise sur le gâteau, je viens d’avoir un contrôle inopiné à domicile de la CAF qui chasse les fraudeurs aux allocations. Ils ont décelé une erreur dans leurs services et je vais peut-être en payer les conséquences.

Ça pourrait être pire, je pourrais être malade…

La patience du patient, une vue de l’esprit

21 juillet 2016

Il y a 4 ans jour pour jour, le samedi 21 juin 2012, je revenais de vacances à Belle Ile en Mer pour entamer une série de cures de chimiothérapie sous Taxotère, afin d’enrayer la progression de mon cancer de la prostate décelé à un stade très alarmant à 54 ans. Le moral n’était pas au beau fixe et c’est à ce moment-là que j’ai décidé de faire ce blog et d’essayer d’écrire ce que je vivais, comme un compte à rebours.

Avec plus de 150 000 visites sur cette période, mes mots ne seront jamais assez fort pour vous remercier de l’intérêt que vous avez porté aux informations sur ce cancer, à mes récits, mes colères…

Depuis 1 mois je n’ai pas rédigé la moindre ligne sur le blog. Je suis dans une période d’attente et n’ai pas grand-chose à exprimer si ce n’est mon impatience sur des réponses que je devrais avoir depuis bien des jours et qui malheureusement ne viennent pas. La boite aux lettres est vide les mails absents et le téléphone ne sonne pas.

Moi, je patiente, mais mon cancer, celui qui vit en moi, qui se nourrit de mes cellules, qui me ronge et qui n’a plus de traitement pour juguler sa progression. Ce cancer qui est sourd et qui n’a pas entendu les médecins qui lui demandent de patienter (moi non plus d’ailleurs je ne les ai pas entendus). Ce cancer qui jusqu’à maintenant a su refuser tout traitement et a été plus fort que mes toubibs, lui, il ne patiente pas.

Le gros problème dans le fait de patienter, c’est qu’au bout d’un moment il faut bien se raccrocher à quelque chose. Quand c’est l’incertitude qui prend place à cause d’une certaine désinvolture dans les mots utilisés ou d’un mensonge pour gagner du temps, la patience se transforme vite en colère.

Petit retour sur la chronologie des faits.

Le 6 juin, ma cure de chimio est repoussée à cause de mon état de fatigue trop important et des risques sur les effets secondaires. Le 13 du même mois, elle est définitivement annulée. La chimio m’a donné plus d’effets secondaires que de bénéfices.
Le 23 juin après des examens sanguins puis scintigraphie osseuse et scanner, je rencontre l’oncologue à l’ICM de Montpellier qui à la vue de la progression des métastases osseuses et de mon état général m’informe qu’il n’a plus de traitement conventionnel à me proposer. Il faut essayer de m’inclure dans un essai clinique. Je signe mon accord pour une inscription sur la base de données de Canceropole grand sud-ouest. D’après l’oncologue, les propositions peuvent venir sous 48 heures plus une dizaine de jours pour organiser le traitement. S’il n’y a pas de retour rapide, c’est lui qui me contactera pour reprendre un traitement historique en attendant. 1 mois plus tard, aujourd’hui, je n’ai pas eu la moindre information à ce sujet
J’ai pris également l’initiative en accord avec l’oncologue de L’ICM de Montpellier de relancer l’IGR de Villejuif que j’avais consulté durant le premier trimestre 2016. L’oncologue de l’IGR me contacte rapidement et me demande des examens complémentaires afin d’affiner le choix de l’essai clinique qui sera proposé. Je transmets ces analyses sous 24 heures et attends le retour qui n’est toujours pas venu à ce jour. Mon dossier est au service des médicaments innovants mais surement au fond de la pile dans le couloir ou l’ascenseur...

Alors voilà, je patiente, ma moitié patiente, ma famille patiente. C’est l’été, nous pourrions profiter de ce moment privilégié pour nous détendre, mais non, il faut que nous patientons, que nous restions à la disposition de ces médecins qui ne s’occupent toujours pas des malades mais uniquement de la maladie, de ces toubibs qui ne prennent pas en compte les autres personnes qui vivent avec le malade et pour qui leur propre vie est suspendue.

Je patiente mais mon cancer ne patiente pas.

18:20
Parfois il suffit d'écrire ou de penser fort pour que ce que l'on attend finisse par arriver. C’est le cas aujourd’hui, puisque je viens d’avoir une réponse de l’IGR de Villejuif, négative malheureusement. Il n’y a pas de programme dans lequel je peux être inclus pour le moment. Peut être à la rentrée en immunothérapie, mais rien n’est sûr.
En attendant, je me dirige surement vers une nouvelle séance de torture avec une chimio quelconque.

21 :30
Il est très difficile de ne pas se prendre la tête après ce genre d’annonce. Je n’ai plus de médocs conventionnels qui peuvent m’aider et j’ai la porte fermée sur les essais cliniques. Est-ce que la priorité est de répondre favorablement à une proposition de torture de chimio ou de prévoir des moments de plaisir…
En bref, est ce que je dois me préparer au pire.