Espérance de vie avec le cancer de la prostate

27 déc 2013

Sources
Les statistiques sur l'espérance de vie avec le cancer de la prostate sont des estimations très générales qui doivent être interprétées avec prudence. Puisqu’elles sont fondées sur l’expérience de groupes de personnes, elles ne permettent pas de prévoir les chances de survie d’une personne en particulier. C’est la raison pour laquelle vos toubibs répondront rarement à vos interrogations sur le sujet.
Il existe pourtant certains points de référence pour évaluer les risques, même si ces derniers peuvent varier en fonction de la personne. Une étude sur la survie relative à 5 ans a été publiée au Canada, je vous en livre quelques bribes…
La prise en compte du stade du cancer est le point crucial sur le diagnostic vital. Le tableau ci-dessous sera beaucoup plus explicite que n’importe quel baratin.

Stade
TNM
Explication

I
T1, T2a
N0
M0
Tumeur atteignant la moitié d’un lobe ou moins.
II
T2b, T2c
N0
M0
Tumeur atteignant plus de la moitié d’un lobe, mais est limitée à la prostate.
III
T3
N0
M0
Propagation de la tumeur hors de la capsule de la prostate, au col de la vessie ou aux vésicules séminales.
IV
T4
N0
M0
Tumeur fixée à des structures avoisinantes comme le rectum ou la paroi pelvienne.

tout T
N1
M0
Propagation de la tumeur aux ganglions lymphatiques régionaux.

tout T
tout N
M1
Propagation de la tumeur vers des emplacements éloignés comme un poumon ou le foie.

Pour faire court, Les deux premiers stades, pris à temps avec un suivi médical rigoureux ne vont rien changé à votre espérance de vie, avec un traitement hormonal, éventuellement une intervention chirurgicale vous aurez les mêmes chances que n’importe quel personne pour la suite de votre existence et vous mourrez surement d’autre chose.
Le T3 et le T4 sont des stades plus préoccupants et vont demander des traitements plus lourds comme la chimiothérapie ou dans certains cas la radiothérapie. Là aussi sans propagation à distance le taux de survie relative après 5 ans est tout à fait réaliste.
Les choses se compliquent avec les stades N1 et M1(propagation à distance, N1 métastases aux ganglions lymphatiques, M1 métastases éloignées, os, poumon, foie…). Il n’y a pas de degrés au-dessus, pas de stade T5, et pourtant en tant que malade à ce stade ( T4 N1 M1) je peux vous garantir qu’il y a des étapes dans ce stade.
Ces étapes dépendent souvent de votre aptitude à assimiler les dernières molécules découvertes par les labos. De ce côté,  je vous garantis que compte tenu de l’intérêt économique du résultat de ces recherches, ils ne se ménagent pas…
Si l’on se base sur les tests de survie effectués par les labos qui développent la chimie que l’on ingurgite à ce stade, 18 mois est le taux médian. Qui dit médiane, laisse à penser qu’il y a deux extrémités à cette moyenne et que la survie au-delà de 5 ans est encore envisageable dans environ 31% des cas.

Stade
Taux de survie relative après 5 ans
stades I et II
100 %
stades III et IV sans propagation à distance
100 %
stade IV avec propagation à distance
31 %

Mon voyage avec ce foutu cancer a débuté il y a 24 mois, j’étais déjà à ce stade à l’annonce du diagnostic et je me souviens de la tête du toubib qui m’avait pris en charge à l’époque. Aujourd’hui, je n’irais pas jusqu’à vous dire que je pète la forme, mais à grand renfort de médocs, en ce moment depuis 4 mois Xtendi (Enzalutamide) je vais plutôt bien, je vis presque normalement avec les aléas spécifiques à cette maladie (gènes urinaires, fatigue, début d’invalidité dû aux problèmes lymphatiques, pertes de mémoire et difficultés de concentration, insomnie, moment de déprime…) mais ça ne m’empêche pas de vivre au quotidien, de rire avec mes proches et même de faire des projets ne serait-ce que pour défier le temps.

Mon visage est déformé par la cortisone

26 déc 2013

Comme beaucoup de « Mecs », je n’ai jamais été un accro de coquetterie et mon apparence physique m’importait peu, jusqu’au jour où j’ai commencé à avoir du mal à me reconnaître dans le miroir.

Je vous entends d’ici, « ce n’est pas grave, ça ne se voit presque pas… ». Ouai, c’est ça, essayez de prendre ma place. Grossir de façon globale n’est déjà pas très agréable quand on est habitué à son corps plutôt svelte. Ce n’est même pas un problème d’ego, c’est un simple problème de ressenti de tous les jours. La découverte des embarras qui viennent avec le poids.

Les essoufflements, la transpiration pour le moindre effort et je ne vous parle pas des difficultés pour vous habiller, à moins que vous aillez les moyens de renouveler votre penderie.

Mais le pire n’est pas d’accepter ces « à côté », le pire c’est le visage. C’est votre image que vous avez inconsciemment construit avec le temps qui vous file entre les doigts. Le traitement hormonal et la chimio avaient eu raison de ma moustache, maintenant la cortisone me déforme le visage.

Les déformations sont d’autant plus traumatisantes qu’elles ne sont pas symétriques. C’est un fait, personne n’a le visage parfaitement symétrique, tout le monde connaît le test qui consiste à partir d’une photo de face, de couper l’image par son centre vertical et de dupliquer chaque côté avec un effet miroir. Vous obtenez ainsi un visage construit avec vos deux faces droites et un autre avec vos deux faces gauches. Des jumeaux à n’en pas douter, mais des clones avec leurs différences.

Depuis mon adolescence j’ai toujours été « maigre, je n’étais pas mince, j’étais maigre. Avec l’âge j’avais pris un peu de poids et de muscle, ce qui me donnait un aspect mince, j’avais atteint « la norme » mais le visage était resté émacié. Vieux souvenir à mettre aux oubliettes.

Le soir de Noël, avec un peu d’excès et une bonne dose de rigolade j’ai atteint un point de « boufitude » qui a inquiété mes proches, lesquels généralement ne disent rien et là, d’un coup me demandaient si ça allait, comme si mon aspect annonçait un proche syncope. Je suis depuis 2 ans le centre de préoccupations de ma fratrie, mais ce soir-là, en bout de table, ils ne risquaient pas de me perdre de vue, un peu comme le phare de la pointe du Raz.

Malheureusement, ce message n’a pas de chute, il faut simplement que j’accepte cette condition, mon rôle de patient, accepter tout ce qui vient et ne rien dire. Les douleurs ne sont pas toutes maitrisables, chacun prend ce qu’il peut sur sa personne pour faire son chemin avec la maladie sans que ça tourne à l’obsession. Il y a des étapes qui sont un peu plus dur que d’autres à franchir.

La disparition d’un compagnon de douleur

23 déc 2013

Oui, je sais je vais encore, une fois de plus, plomber l’ambiance et de plus la veille de Noël.

En parallèle des messages publiés sur ce blog j’ai développé quelques relations par courrier privé avec un nombre restreint de lecteurs. La qualité de ces échanges a très rapidement créé une forme de dépendance, un attachement particulier à ces personnes et à leurs histoires.
Il est très important pour moi de ne pas rester isolé à se morfondre sur mon propre cas et de valider à travers ces échanges une partie de mes allégations qui ne sont pas toujours complaisantes, que ce soit pour le corps médical ou pour la perception des autres de cette maladie.

Quand je parle d’attachement particulier, c’est un peu flou à définir, je n’ai jamais rencontré ces personnes, pourtant, je connais leurs douleurs, je partage leurs expériences, comme à la lecture d’un bon roman, j’arrive à leurs mettre un visage et ils m’accompagnent dans mon voyage.

Le Papa de C nous a quitté il y a moins de 10 jours, j’ai du mal à trouver les mots pour exprimer ma douleur. Comment peut-on pleurer quelqu’un que l’on ne connaissait pas autrement qu’avec les récits communiqués par sa fille. Chaque personne qui disparaît à cause de cette maladie bouscule ma perception sur des lendemains si incertains. J’ai tellement de points commun avec ces anonymes…
Les larmes sont bien entendu attachées à la disparition d’un être humain, mais au-delà elles sont également l’expression d’un échec contre une maladie où avec l’aide des meilleurs médocs, des dernières molécules que nous ingurgitons, quelques fois avant même qu’elles ne soient dans le « commerce », l’issue reste la même et le cancer est plus fort.
Alors oui, quand un de mes compagnons de douleur nous quitte, je pleure la personne que je ne connaissais pas et je tremble de tout mon corps en pensant au lendemain.

Il est faux de penser que j’ai du courage, ce n’est qu’un masque. Je peux rire et plaisanter, je réponds souvent de façon très désinvolte et favorable quand on demande de mes nouvelles, simplement par reflex, alors que chaque jour une part de mon autonomie ou de mes capacités au sens large disparait, et ça j’ai encore suffisamment de lucidité pour m’en rendre compte.

Cette maladie a la particularité de contourner les barrières qu’on lui oppose et doucement, insidieusement, sans prévenir vous découvrez à l’occasion d’un contrôle qu’elle n’est plus là où vous l’attendiez, elle s’est installée dans un coin plus propice à son développement et il faut revoir tout le protocole, quand il reste des solutions dans la pharmacie.

Le Papa de C avait 64 ans, au détail près, il avait subi le même enchainement de différents traitements, hormonothérapie, chimio, Zytiga... Il avait un rêve, celui de voler, pour les lecteurs assidus ça doit vous rappeler un certain passage du blog, sa fille lui a offert peu de temps avant sa disparition un baptême de l’air en montgolfière, je suis certain qu’il est parti avec ce souvenir en tête alors, bon vent Papa de C.

La vie suspendue à Xtandi.

19 déc 2013

Depuis 4 mois, avec le dernier traitement hormonal que mon oncologue m’a prescrit, mon état est plutôt stationnaire. Pas d’amélioration, ça, c’est un peu trop dans le monde des rêves, mais pour le moins, pas de détérioration non plus, enfin rien de palpable.

J’ai pris l’habitude d’avoir quotidiennement des douleurs aux jambes et d’être obligé de limiter mes déplacement, je prends également sur moi quand j’ai des crampes d’estomac surement liées à l’impact des cachets que j’ingurgite, quant à la fatigue, elle est devenue chronique et de fait ne m’inquiète plus tant que ça.

Comment peut-on passer du statut de combattant à celui de résigné. Comment peut-on se faire doucement anesthésié par ces toubibs qui ne disent rien au point que vous ne voulez presque plus entendre.

J’ai la chance d’avoir un minimum de confort dans ce voyage avec mon cancer, n’ayant que très peu de souffrance, ce qui n’est pas le cas de tous les malades. Les seules douleurs qu’il faut gérer sont morales, en partie par l’atteinte de l’incompréhension des organismes financiers qui me pourrissent la vie. Mais là encore, il faut relativiser, j’ai un toit, le frigo est plein et s’il se vide j’ai encore la capacité de le remplir, je suis bien entouré par ma famille…

Je ne grossis plus, j’aurai même tendance à perdre du poids, en même temps que je continue d’enfler et de conserver ces flushs aux joues, bientôt de « tête de turc » mon alias va se changer en « pomme d’api » et je perds de plus en plus de capacité d’analyse et de réflexion.
Quand je prends le volant pour conduire mon fils à la fac ou simplement aller faire des courses, autant de parcours qui ne changent pas depuis longtemps, je me trompe régulièrement à la sortie d’un rond-point ou au détour d’un carrefour. Quand je participe à une conversation, j’ai des moments de silence où je cherche mes mots. J’ai toujours monopolisé la cuisine pour faire déguster toute la famille avec mes créations ou mes interprétations de recettes, je fais de plus en plus de repas insipides, trop cuits, ratés.

J’ai passé toute ma vie à être hyperactif, à faire plusieurs choses en même temps, à lire plusieurs bouquins sur une même période avec des sujets différents. Je ne lis plus, je bricole un peu et je m’emmerde…

Le blog reste le seul exutoire où à force de concentration j’arrive à sortir ce que je ne peux garder, mais l’expression devient de plus en plus difficile à maitriser et la régularité incertaine.

Nous rentrons dans la période hivernale, dehors il pleut, dans quelques jours nous auront des gelées matinale puis du froid intense. Je haie cette période où je ne peux même pas profiter de la nature.

J’attends, je ne sais pas quoi mais j’attends placidement, de consultation en consultation, d’analyse en analyse, je pointe les résultats et j’attends. L’alarme de mon téléphone vient de sonner, c’est l’heure de mes médocs, sans cette alarme qui me rappelle trois fois par jours, j’oublierai même cette obligation qui me tient en vie.

Je vous laisse, il faut que j’aille prendre ces foutus médocs qui me tordent le bide.

Vendredi 13, jour de bonne ou mauvaise fortune…

13 déc 2013

La seule personne qui ait réussi à tout faire pour Vendredi c’est Robinson Crusoë.
Mon voyage est comme interrompu depuis un moment. Je suis comme lui, un peu isolé avec l’eau qui monte dangereusement et mon espace vital qui devient de plus en plus restreint. J’espère reprendre la mer au plus vite, mais il me faut reconstruire mon embarcation, continuer à espérer.

Autant vous dire que ce n’est pas aujourd’hui que j’attends la solution à mes problèmes. Je ne suis pas superstitieux pour deux ronds mais, force est de constater qu’il ne manque plus qu’une tuile de notre toit me tombe sur le crâne.

Hier, j’avais rendez-vous avec l’avocat conseil de la ligue du cancer. Mes conseils lui ont été d’une grande utilité. Ça ne faisait pas 1 minute que j’expliquai mes déboires avec le RSI pour qu’elle me propose une solution, que cette avocate bénévole pour la ligue s’inquiétait de son propre sort avec la même caisse RSI.
« Ho, mon dieu, il va falloir que je vérifie qu’ils n’aient pas fait la même erreur sur mon compte, ce n’est vraiment pas normal votre histoire »
Qu’elle buse !
Bref, je continue à me battre tout seul contre cette administration et avec un peu plus de soutien contre la banque et l’assurance, Merci Yohann, même s’il n’y a pas de retour de votre contact, j’apprécie énormément votre geste.

Que pourrait-il bien se passer ce vendredi 13 pour ma bonne fortune ?

J’attends un coup de fil de mon garagiste qui doit réparer ma voiture fortement endommagé par une collision avec un sanglier il y a trois semaines.

J’attends l’hypothétique dossier de l’assurance que seul mon banquier a vu partir mais que la poste n’a jamais pu enregistrer et du coup encore moins distribuer.

J’attends une réponse à mon courrier de réclamation auprès de la caisse RSI qui visiblement n’est pas perturbée par la gravité de la situation qu’ils sont en train de générer.

J’attends tellement de chose de la part du banquier qui par son abus de position dominante a créé de toute pièce le découvert qu’il me reproche, que je ne peux même pas espérer quoi que ce soit de ce côté-là.

J’attends les résultats du dernier examen sanguin qui va peut-être confirmer la tendance du précédent, la hausse du PSA, ce qui signifierait la fin du traitement avec l’enzalutamide en cours et des perspectives beaucoup moins réjouissantes sur les autres solutions à venir.

Que pourrait-il bien se passer ce vendredi 13 pour ma mauvaise fortune ?

Je ne préfère pas y penser, je vais finir par faire une déprime ou un truc du genre. Allez, vivement demain et au diable les superstitions.