Entre deux cures de chimio

26 avril 2016

Pour un lendemain de cure de chimio, la nuit ne s’était pas trop mal passée. Quelques courbatures ont bien entrecoupées le sommeil, mais j’ai mémoire de moments plus pénibles dans des circonstances similaires. Un petit tour par la salle d'eau où j’avais l’habitude de commencer la journée en débroussaillant mes cheveux indisciplinés, aujourd’hui une simple caresse suffit à compléter ce réveil.

Le percolateur en marche commençait à répandre une bonne odeur et la matinée de fait s’annonçait moins morne que les jours précédents. Incroyable, le bienfait que peut produire ce breuvage brûlant. Chaque matin cet élixir m’aide à lâcher le passé pour le présent.Tout me semblait comme un départ nouveau ce matin. Il n’est pas simple d’accepter un changement physique aussi radical.
Aujourd’hui, je peaufine les détails du voyage en Sicile. Je me fais une check-list pour palier à mes pertes de mémoire et m’apprête à affronter ces trois jours d’effets secondaires qui seront vite effacés dès que j’aurai posé le pied dans l’avion. Un nouveau voyage enfin, vers une nouvelle île. Les îles ont un avantage sur les continents que je ne serais définir si ce n’est que l’esprit des habitants est enclin à plus de sérénité et d’authenticité. Le voyage me semble plus intense.

Le piège pour un malade est la routine quotidienne, l’obligation des traitements ne donne souvent pas le choix, mais dès que c’est possible l’issue de secours pour ne pas sombrer dans cette lassitude est de changer d’air. Les activités journalières, même bien aménagées ne remplaceront jamais la richesse de découvertes que procure un voyage. Le matin vous ne vous regardez plus dans la même glace, votre petit déjeuné, vos horaires, vos échanges sont différents et petit à petit vous vous détachez de vos soucies, même la maladie finie par presque s’effacer.

1 an de plus avec mon cancer

21 avril 2016

Il y a deux jours, j’ai soufflé les traditionnelles bougies qui marquent le passage dans le temps. Chaque année est devenue une victoire. A mon âge, un grand nombre de personnes préfèrent ne pas faire cas de ce chiffre symbolique qui augmente inexorablement, ce n’est pas mon cas, bien au contraire.

Je ne vais pas vous écrire de nouveau un sujet sur le temps mais il est indéniable que cela reste une hantise pour tous les malades du cancer. Ce mot reste synonyme de mort presque certaine ou du moins de sursit indéfini.

Un an de plus en pleine période de chimio et de douleurs. 1 an de plus avec ce compagnon de voyage qui s’installe et se propage régulièrement, malgré les différents traitements qui pour le moment ne servent qu’à repousser ce temps qui m’obsède.

C’est le moment de ne plus remettre au lendemain ce qui peut agrémenter le quotidien. Fin avril, départ pour la Sicile. Enfin un voyage, un vrai avec du dépaysement. Les voyages plus exotiques ou plus éloignés ne peuvent pas se programmer en période de chimio qui me laisse à peine 2 semaines de confort une fois les effets secondaires dissipés. Quand le projet de voyage devient une réalité, il est plus facile de se plier aux obligations du traitement, il est moins douloureux et adouci par l’esprit qui déjà vagabonde. Pour le moment je n'ai en tête que ce que j’ai lu sur les guides mais je nous imagine aisément au volant de notre Fiat 500 de location traverser les champs d’orangers pour découvrir cette nature atypique, la vallée des temples, de Palerme à Syracuse en passant par l’Etna , Taormina la perle de la culture sicilienne et le marché de Catane. Je ne vous parle pas de la gastronomie de l’île qui a la réputation d’être une des meilleures du monde.

Pour le moment ce ne sont que des images et des textes, mais ça fait déjà parti du voyage. S’il n’y a pas de désirs affutés, le plaisir perd un peu de sa saveur.

Taxotere, une semaine après l’injection

11 avril 2016

Samedi soir, nous avons fêté les 28 printemps de ma Princesse autour d’une bonne table, dans la bonne humeur et pour moi, sans douleurs. Le gong de la fin du premier round venait juste de sonner et je pouvais enfin sortir de ce ring qui m’avait contraint à prendre des coups pendant cette longue semaine.

Ayant déjà eu une expérience similaire avec le même poison il y a 4 ans, je pensai pouvoir anticiper ce mauvais moment et réagir avec ma panoplie de médoc pour contrer ces ruades de souffrance. Mais c’était sans compter que personne ne réagit de façon similaire avec une chimio, que même l’état de santé au moment du traitement va influencer vos réactions et, que vous ne le vivrez pas à l’identique.

Prenons le bon côté des choses et profitons de ces deux semaines avant ma nouvelle entrée sur ce ring.

En début d’après-midi hier, sous le soleil printanier et par une douce température, nous avons fait une belle balade en garrigue. La nature est en pleine effervescence ; pouvoir bénéficier de ce luxe à proximité est un réel bonheur. Il n’y a rien de meilleur pour vous remonter le moral que de papillonner entre les orchidées sauvages, le thym et le romarin en fleur, les cerisiers et pruneliers, les pieds de vignes qui débourrent à vue d’œil. Quelques kilomètres, accompagné de notre fidèle compagnon en totale liberté, on suffit à regonfler les batteries.

Je vais m’imposer un petit parcours quotidien avec le chien pour garder cette liberté sur les semaines à venir. La ballade en pleine nature est propice à la réflexion et à l’analyse, ces deux piles qui donne l’énergie pour combattre et rester debout.

L’inconfort de la chimio

06 avril 2016

Je ne vais pas vous parler de la perte de cheveux qui est la première image que chacun retient de ce mot " chimio " qui fait autant peur que " Cancer " son associé. Je comprends le traumatisme que certaines personnes malades en gardent. La perte de féminité et la destruction de sa propre image.

La décomposition de sa propre représentation est bien plus intrusive et va très vite toucher le plus profond de son intimité, de son apparence, de son épanouissement.

La seule chance que peut avoir un patient traité en chimio, c’est de garder sa capacité d’analyse et de trouver en elle les forces qui vont permettre de lutter contre vents et marées et, qui vont très rapidement lui tomber dessus. Hors la simple prémédication pour éviter un choc trop violent sur les premières heures du traitement va purement et simplement anéantir cette aptitude de réflexion.

La cortisone couramment utilisée trois jours avant et trois jours après l’injection va diminuer les effets agressifs sur les terminaisons nerveuses mais va également dans un premier temps créer de graves difficultés pour  trouver le sommeil. Les patients atteints du cancer ont déjà un problème de fatigue chronique  et cette perte de repos va induire de sérieux problèmes de concentration, des vertiges, des céphalées, des problèmes gastriques et j’en passe…

Tout ce qu’il faut pour garder la forme et être plus combatif.

Ensuite vont venir les seconds effets, pas plus cools. Sudation excessive qui peut se produire à n’importe quel moment de la journée ou de la nuit et à coup sûr en fin de repas. Les douleurs, comme si des personnes extérieures jouaient aux fléchettes sur votre corps. Les spasmes ou tremblements qui peut-être sont imperceptibles vu de votre place mais sont ressentis dans l’être comme la vision d’un vieux atteint de Parkinson. Et enfin mais la liste n’est pas exhaustive, la perte de goût et d’odorat.

Avec tous ces manques, il faut vivre, garder le moral et aller de l’avant.

Cerise sur le gâteau, cette façon arbitraire et globale de traiter la maladie (parce qu’à ce niveau on ne parle plus du malade) va induire ou une détérioration dont le patient ne se remettra pas ou une amélioration qui l’empêchera d’avoir accès à un essai clinique qui ne peuvent intégrer que des malades en cours d’aggravations vérifiées. Donc à plus ou moins long terme une reprise de chimio. Je débute ma troisième série de chimio en 4 ans.

Et pourtant malgré toutes ses objections et constatations j’ai accepté ce traitement. Le cancer est une humiliation de son corps et de son intégrité, un déni de sa personne pour lutter contre l’inconnu, une frustration de la vie et des désirs.

Taxotere le Speed Drink de mon cancer

05 avril 2016

C’est reparti pour des cures de chimio avec Taxotere ce poison qui détruit le malade et permet parfois de gagner du temps sur l’agressivité de la maladie. Dans l’urgence, j’ai rendez-vous avec un remplaçant pour ne pas perdre du temps à attendre une disponibilité sur l’agenda du médecin qui me suit en chimio d’habitude.

La maladie accentue le doute sur la confiance que l’on peut donner à un inconnu et cette façon de plus en plus pressante de pratiquer la médecine en étant contraint de répondre à des soucis de rentabilité ne permet pas d’être plus serein. Mon rendez-vous a été fixé à la première heure ; en arrivant à l’hôpital de jour, la salle d’attente est déserte, des trois secrétaires d’accueil, une seule est à son poste et le silence est d’or dans les couloirs de consultations. J’engage ma carte vitale dans la borne et en retire un coupon avec le n° 6. C’est bien la première fois que je suis en dessous du 50.

A ma grande surprise, très rapidement un médecin vient à notre rencontre en me tendant la main pour m’accueillir. En dehors de mon passage à l’IGR, je n’avais jamais vécu cela. L’homme d’un âge où d’autres sont déjà à la retraite est d’une courtoisie et d’une amabilité qui efface rapidement mes doutes. Nous faisons le point sur mes douleurs et mes besoins, il me pose des questions sur ma vie avec la maladie et prend tout son temps pour me donner des explications sur le déroulé de cette nouvelle série de cures. Ses explorations sur mon ressenti vont jusqu’à me demander si les picotements ou fourmillements que l’on ressent sur toutes les terminaisons nerveuses dans les 4 jours qui suivent l’injection ne sont pas trop agressive pour moi. Au cas où ces douleurs seraient trop fortes, il peut me prescrire un médicament adapté.
J’ai depuis trois jours une prémédication de cortisone qui devrait atténuer ces effets, mais je prends note de sa proposition. Il y a 4 ans, lors de ma première série de chimio avec Taxotere, personne ne m’avait indiqué ces douleurs récurrentes qui sont le minimum ressenti dans ce traitement et encore moins donné d’anti douleurs ou de prémédications.
Le médecin nous raccompagne dans la salle d’attente ; nous sommes à peine assis qu’il revient nous chercher pour nous indiquer la chambre en nous saluant de son sourire rassurant.

Je suis très agréablement surpris et un peu intrigué par ce changement de comportement sur ma personne. Le récent coup de gueule dans ma lettre ouverte aurait-il eu un impact, ou ma progression dans ce parcours incertain arriverait il à un moment où la compréhension et l’accompagnement du patient sont de rigueur. Le deuxième cas restant for improbable. De nombreux contacts m'ont fait part de leur désappointement devant ce manque d'humanité que l'on peut rencontrer aussi bien en France qu'en Suisse ou en Belgique.

En fin de matinée, j’étais libre. Du haut de mon nuage j’avais un peu de mal à communiquer et bien entendu, la fatigue a pris le dessus.