Larguer les amarres




Le voyage commença en janvier 2012 avec un petit papier portant la mention « PSA ». S’en suivit une expédition de plus de 5 ans en territoire inamical où les vagues portaient des noms dénués de poésie tel que Biopsie, Scintigraphie, Scanner, Traitement hormonal, Radiothérapie ou encore Chimiothérapie.

Comme tout bon aventurier qui se respecte, le voyageur a tenu le cap contre vents et marées. Les vagues ne venant jamais seules, le navigateur intrépide fit face à des tempêtes, la pire de toutes s’appela Douleur : elle était de celles qui déchirent les voiles et fendent les coques des esquifs trop audacieux. Mais le voyageur se montra toujours entêté, et malgré les grimaces, ria au nez des typhons et surmonta les vagues.

Clémente, la mer lui offrit des horizons nouveaux et chaleureux : Belle Île, l’Espagne, le Tarn, la Sicile… De plus il n’était pas seul. Il croisa de nombreux navigateurs dans son sillage, se réchauffant à leur rencontre. Et il y avait les escales au Foyer où des visages familiers et accueillants l’encourageaient dans son aventure. A tous, il apportait lui-même du réconfort et du soutien dans les moments difficiles. Ainsi revigoré, le cœur chargé de courage, le navigateur reprenait son fastidieux voyage.

En 5 ans, le bateau devint de plus en plus frêle et le voyageur de plus en plus fatigué. Il maintint le cap jusqu’à toucher terre. La sournoise Douleur tenta de l’atteindre une ultime fois mais il se réfugia dans les bras de son Aimée et la rêverie prit le dessus sur la souffrance.

La nuit dernière, les Perséides illuminaient le ciel, le navigateur s’accrocha à une étoile filante et appareilla.

La mer laissa place à la Voie lactée pour le plus serein des voyages.

Avec tout notre amour.


~ ~ ~

Jean-Marc nous a quitté le 12 août 2017 vers 21h40, entouré de son épouse et de ses enfants. 
Il ne souffrait plus et s’est éteint dans un souffle.

Merci à tous d’avoir suivi son voyage, merci pour vos commentaires et vos messages, il les appréciait énormément.


Le catalogue des douleurs.

26 Juillet 2017

Hill en traduction intégrale signifie colline, alors, du haut de mon Hill Rom, nom du lit sur lequel je passe le plus clair de mon temps en ce moment je vais essayer de vous expliquer certaines notions de douleurs qui pour les médecins dans leur interprétation sont importante.

C’est un peu comme dans la fameuse pièce avec Louis Jouvet qui interprétait le rôle du Dr. Knock et avait une réplique qui disait : "ça vous gratouille ou ça vous chatouille".

La précision du ressenti de la douleur a ça d’important que, selon un détail insignifiant, elle va permettre au médecin de définir la molécule précise qui soulagera vos souffrances.

Si je ressors de ce séjour d’hospitalisation vers la fin de semaine, ce sera au moins avec le bénéfice de la compréhension de cette notion.

Je suis rentré ici en gémissant sur ma douleur et en disant à l’interne de service : "j’ai mal".
Avec une telle précision, je ne m’étonne pas après réflexion de l’imprécision de son intervention. J’ai conservé cette douleur tout le week-end, jusqu’au moment où une autre interne a bien voulu passer le temps qu’il fallait pour structurer mes propos.

J’ai parlé brièvement hier de mes différentes douleurs que j’avais classé en trois catégories, et qui vous le lirez plus loin peuvent se diviser en quatre. Là, vous êtes gâté, parce que deux articles en deux jours après un mois de silence relève de l’exploit.

Nous avons donc identifié quatre types de douleurs.

La douleur pathologique, elle est dite chronique, lorsque la sensation douloureuse excède trois mois et devient récurrente. C’est par définition, la douleur créée par votre maladie. Dans notre cas ce sont les douleurs liées aux métastases osseuses qui s’estompent par des injections de Morphine à plus ou moins forte dose. La solution à un stade très avancé comme le mien est la pompe à morphine qui permet au médecin de régler un dosage récurent et permet au patient d’ajouter des injections supplémentaires en fonction de ses besoins et de son ressenti. Sur le principe, il ne faut pas attendre que la douleur s’installe pour lancer une dose de plus (appelé Bolus), il faut anticiper cette douleur et lancer l’injection le plus tôt.

La douleur musculaire, ou myalgie est une souffrance physique désagréable et pénible située au niveau des muscles striés. Dans le cas d’un cancer à un stade avancé, il y a très souvent un phénomène de perte de masse musculaire. Le muscle est un organe qui assure les mouvements de chaque partie de notre corps. Les muscles striés ou squelettiques qui s’insèrent sur les os et la peau, sont ceux qui vont créer ce type de douleur, à cause de leur dégradation, ils ne pourront assurer les mouvements quotidiens sans forcer au point de générer des douleurs (crampes et courbatures). Les médicaments antalgiques, ibuprofène, na proxène ou le paracétamol peuvent être efficace. Ici, ils utilisent la molécule thiocolchicoside qui est un dérivé semi-synthétique de la colchicine, il est utilisé comme médicament myorelaxant, sous les noms commerciaux Coltramyl et Miorel, par exemple.

Les douleurs inflammatoires, qui recouvrent toutes les douleurs associées aux phénomènes d’inflammation (il s’agit souvent de douleurs articulaires). Les mécanismes de ces douleurs sont encore mal connus. La molécule la plus efficace pour lutter contre ces douleurs est le kétoprophène. Cette molécule est particulièrement agressive pour les troubles digestifs (ulcères, hémorragies, surtout chez les personnes âgées), maux de ventre, nausées, vomissements, diarrhées, gaz, constipation, exacerbation de pathologies telles que la maladie de Crohn ou la rectocolite hémorragique. Il est donc primordial d’associer la prise de ces médicament à de l'oméprazole qui est une substance de la famille des inhibiteurs de la pompe à protons qui réduit la sécrétion acide de l'estomac.

Les douleurs neuropathiques (ou encore appelées douleurs neurogènes) sont considérées comme des douleurs chroniques. Elles sont provoquées par la lésion ou l'irritation d'une structure nerveuse centrale ou périphérique, ou un dysfonctionnement. La douleur est épuisante... mais elle empêche également de se reposer. Dans le cas présent ceux sont les douleurs que génèrent mes œdèmes, douleurs qui vont des picotements jusqu’aux sensations de brulures. Quand les pieds sont enflés au maximum de la tension de l’épiderme, la perception de marcher sur des braises est assez proche de la réalité.

Voilà un petit résumé du cocktail de douleurs qui m’accompagne ou plutôt qui m’ont accompagné avant la prise en charge par l’ICM.

Tout n’est pas réglé de façon optimale, il faut se donner du temps pour définir les posologies. Personne ne réagira de la même façon et bien évidement il ne faut pas négliger les effets secondaires.

La morphine ne résout pas tous les maux.

25 Juillet 2017

Dans les précédents messages, j’exprimai au travers de mon parcours de soins palliatifs, la gestion de la douleur en m’appuyant essentiellement sur les douleurs pathologiques liées à la maladie et plus particulièrement aux métastases qui à ce stade sont bien présentes.

La pompe à morphine est d’un grand confort et permet, au fur et à mesure que la souffrance devient plus intrusive et fréquente, d’ajuster les dosages et donc de répondre rapidement à ce besoin de confort.

Au bout de quelques semaines, je me suis rendu compte que certaines douleurs persistaient, même avec une forte dose de morphine. En effet, il y a plusieurs origines de douleurs dont un grand nombre ne sont pas résolues avec de la morphine.

Pour faire court, j’ai identifié 3 types de douleurs. La douleur pathologique, liée à la maladie, la douleur neuropathique et enfin l’inflammatoire. A chaque douleur sa molécule.

Cette constatation s’est faite comme par hasard un vendredi soir, lors d’une crise qui m’obligea à contacter l’hôpital pour une prise en charge. Et avec un peu de chance sur la disponibilité des lits, nous voilà reparti pour un petit séjour au sein de l’établissement de lutte contre le cancer de Montpellier.
J'ai eu des pics de douleurs à cause des œdèmes aux jambes qui aux dires des médecins ne sont pas dans la liste des problèmes que l’on peut résoudre. Enfin pour ce que j’ai compris, il faut faire avec…

Pris en charge par une interne qui m'a changé de molécules et donc arrêté la pca avec la morphine.
J'ai mis un bout de temps à comprendre que ce changement n'apportait rien en amélioration de douleurs

En insistant un peu, j'ai obtenu qu'on me remette la pca avec la morphine et que les autres douleurs neuropathiques ou inflammatoires soient traités de façon ciblé.

Pour le moment je reste hospitalisé en observation pour stabiliser tout ça. Je reprends ma position de patient dans tous les sens du terme. C’est un point particulièrement sensible que ce statut de patient qui entraine avec lui tous les accompagnants dans cette situation.

Je passe le plus clair de mon temps à répondre "je ne sais pas", à chaque interlocuteur qui prend de mes nouvelles ou veut simplement des informations, pour savoir, pour ne plus douter de ces non-dits, pour garder cette confiance envers ces toubibs qui ont plus de regards incertains que de réponses fermes.

Il est possible aussi de pousser cette patience jusqu’à faire abstraction des non-dits, et s’en tenir à espérer que ce qui a été dit soit tenu. Je devrais avoir des séances de kiné, je n’en entends plus parler et n’ai vu personne. Je devrais bénéficier de séance d’hypnose avec une personne que j’ai croisé une fois au sein de l’hôpital et qui pour le moment a disparu. Il faudrait peut-être que je note ou que j’enregistre tout ce que me proposent ces internes pour exiger ensuite de les obtenir.

C’est peut-être la colère qui s’exprime, mais force est de constater que tout fonctionne avec un manque cruel de synchronisation et une réactivité qui ne colle pas aux définitions que j’attache à ces mots.

Je reste convaincu que la médecine peut encore m’aider à améliorer le confort quotidien et me prolonger un peu cette vie que je sens de plus en plus incertaine avec leur façon de faire qui est celle de personnes qui baissent les bras.

La pompe à morphine, le boulet du galérien.

21 juin 2017

Cette journée du 21 juin, fête de la musique devrait être un symbole de bonheur et de convivialité, pour ce qui me concerne, c’est plutôt mes premiers coups de rames dans cette galère qu’est le quotidien d’une pompe à morphine.

Fini la liberté. C’est entravé par des fers que je dois avancer dans ce voyage qui a pris une direction que j’espérais ne jamais avoir à vous décrire sur ce blog.

Il aura fallu passer par des jours d’hospitalisation et des tests progressifs pour déterminer la concentration des injections automatiques et des bolus (injections volontaires). Ce premier cap franchi, les douleurs sont très atténuées voir, inexistantes. C’est un luxe énorme d’effacer comme avec une baguette magique les souffrances qui rendent la vie impossible, développent des fatigues inimaginables et détruisent toutes maitrises de son corps, de son esprit et de ses espoirs.

Le luxe va s’arrêter avec ce confort, parce que rien ne sera plus comme avant. Pour le reste, chacun aura surement sa perception plus ou moins tolérante vis-à-vis du quotidien avec une pompe.
Une pompe à morphine est un ordinateur d’environ 1kg et d’un volume comparable à un paquet promo de 4 tablettes de chocolat à cuisiner. Si j’avais eu le choix, j’aurai pris le chocolat, même sans la promo.

Cette pompe est programmée pour doser de façon optimale la morphine avec une marge contrôlée que chaque patient va s’injecter lui-même en fonction de ses douleurs. Cette programmation ne peut être modifiée que par le corps médical, de sorte qu’aucune overdose ne soit possible.

La connexion entre la pompe et votre petit corps de malade, se fait par intraveineuse, de préférence directement sur le Portacath. L’entretien de la pompe, les changements de pansements, d’aiguille et de tubulures doivent se faire au minimum sur une base hebdomadaire.

Là, pour être clair, c’est l’hôpital qui s’installe chez vous. Une armoire verticale de 5 tiroirs qui contient l’ensemble des costumes stériles, des désinfectants, des aiguilles, des produits pour effectuer les mélanges de recharge de la pompe, tout ce qu’il faut pour intervenir rapidement 24/24 en cas de problèmes d’infections ou simplement de changement de cartouche.

Oubliez vos projets de voyage, vous ne partirez pas quel que soit la destination avec votre meuble à tiroirs et ne trouverez pas nécessairement sur place une infirmière agréée pour ce type d’intervention 24/24. Parce qu’en dehors d’une programmation hebdomadaire des interventions, il y a aussi bien entendu tous les imprévus. Ça fait maintenant 24h que je suis rentré au domicile avec cette pompe et j’en suis déjà à deux interventions dont une urgente qui a nécessité le changement complet des connexions.

J’insiste sur ce 24/24, ce qui signifie qu’une panne ou une casse matériel peut survenir à chaque instant. Les liaisons entre les tubulures peuvent subir des détériorations ou simplement une occlusion qui demandera l’intervention d’une infirmière rapidement.

Dernier point et il n’est pas des moindres, il va falloir vivre au quotidien avec votre pompe, vous déplacer dans le domicile, trouver un moyen de porter cette pompe sur vous, en bandoulière, autour de la ceinture, sur l’épaule…

Cette notion peut vous paraitre ridicule par rapport au confort apporté par la perte de douleur, mais elle n’est pas simple à gérer. Où allez-vous mettre la pompe près de vous pour dormir, arriverez-vous à dormir sans trop vous retourner. Comment gérer ces pansements qui se décollent à cause de vos suées nocturnes. Il y a des interdits à ne pas contourner, vous ne pouvez plus soulever au-delà d’un certain poids des objets, vous ne pouvez faire aucun effort avec vos bras au-dessus de vos épaules. Toutes ces recommandations sont en place pour éviter des problèmes avec l’aiguille connectée sur votre implant et, éviter des infections dues aux pansements qui se décollerait.

Nous venons de passer un nouveau cap, qu’il faut digérer, et ce n’est pas simple du tout. Nous portons tous nos espoirs sur l’hypothétique possibilité d’intégrer un essai clinique rapidement.

Ça fait mal de mourir.

15 juin 2017

Ce billet est en épisodes, il est actualisé tous les jours le temps de mon hospitalisation.

L’arrivée dans ce monde est douloureuse. Une douleur qui génère des joies, des pleurs, une souffrance qui donne la vie avec pour certaines femmes des déchirures qu’elles garderont toute leur vie. Au moment de mourir, ces petits êtres qui avaient subi leurs parts de douleurs en quittant ce liquide chaud et réconfortant pour gonfler leurs petits poumons avec cet oxygène brulant retrouvent quel que soit leur âge cette douleur plus ou moins longue, plus ou moins acceptée ou soudaine, annonciatrice d’une fin proche.

Dans le cas des "longues maladies", la douleur est évaluée, catégorisée, et dans les meilleurs cas, prise en compte par une équipe médicale. L’analyse, passe par des phases d’ajustements, de réglages qui ne peuvent pas se résumer à l’expression de cette évaluation de 1 à 10 sur une échelle fictive qui en fait, compte bien plus de barreaux que la médecine veut en utiliser.

L’homme ne sait pas anticiper la douleur et le médecin ne prévient en général que trop tard des effets pervers de certains traitements. Alors, un jour, le plus naturellement du monde vient cette douleurs, d’abord à peine perceptible et souvent interprété comme une gêne dû aux traitements. C’est à ce moment-là qu’il faut agir et demander de suite l’intervention de spécialistes. Personne ne le fait, personne n’ose déranger le corps médical pour "un petit bobo". Ce petit bobo va très vite s’installer, prendre ses aises et vous pourrir la vie au point que lorsque vous chercherez à exprimer avec votre langage ces maux, vous ne serez plus les décrire correctement en oubliant en plus certains détails qui n’en sont plus.

J’ai déjà fait preuve de ce manque de jugement et, bien entendue, comme il n’y a pas de limites à la connerie, je me retrouve pour la troisième fois en quelques semaines dans une chambre d’hôpital, à regarder non sans perplexité le support de perfusions qui me sont destinées pour les quelques jours à venir.

J’ai comme à mon habitude usé de ma force de persuasion pour faire comprendre aux toubibs qui faisait tout pour me soulager, la semaine dernière, qu’un traitement par voie orale serait plus aisé pour moi, vu que je bouge encore pas mal quand justement je n’ai pas mal. Bref, après m’être bien concerté, j’avais tenté d’éviter la mise en place d’une pompe à morphine pour garder de la liberté de mouvement. J’ai été suffisamment présomptueux pour croire qu’avec ce nouveau dosage, tout allait se passer au mieux pour moi et mes douleurs.

Aujourd’hui, je sais que je ne peux plus échapper à une pompe à morphine et que de plus il est peut être envisageable d’utiliser une autre molécule avec la morphine, molécule qui aurait moins d’effets dévastateurs sur la gestion de mes tripes.

Trois jours, c’est le délai que me propose l’algologue pour synchroniser tout ça sur la base d’une pompe à morphine individuelle. Je vais essayer de vous faire vivre cette expérience au travers de mes petits billets que vous pourrez lire au fil du temps qui passe si lentement ici.

Augmenter la douleur pour moins souffrir.

16 juin 2017

La première nuit s’est passée comme toutes les premières nuits que j’ai vécu ici. J’en suis à la troisième tentative et à chaque fois je revis ce même cauchemar. Inlassablement, je reprends tout à zéro le descriptif de mes douleurs et de mon ressenti. Inlassablement, mais néanmoins de plus en plus fatigué, je parle de ma perception des antalgiques et des anti-inflammatoires. J’essaye de faire comprendre ma détermination à bien distinguer les deux et, à travailler sur l’origine de la douleur en différenciant les causes et les effets.

Tout comme la chimio agit globalement sur les cellules cancéreuses, la morphine agit globalement sur la douleur. Les causes de cette douleur dans mon cas précis ne sont pas prises en compte et forcent donc l’utilisation massive de morphine sans apporter de confort optimal sur la gestion quotidienne de cette douleur. Nous reviendrons plus tard sur cette méthode "globale" de la gestion de la douleur.
Afin de régler au plus juste la pompe à morphine, il faut dans un premier temps traduire le dosage qui était administré en cachets et dosage par injection intraveineuse. Ça, ce sont les explications des douleurs de la nuit précédente. Pour ajuster la posologie, il est impératif de commencer au niveau le plus faible pour le remonter graduellement. Ensuite, il faudra faire de même entre le minuteur du pied à perfusion  et la pompe miniaturisée.

La pompe à morphine a été installée en début d’après-midi avec quelques sommaires explications sur son fonctionnement. J’ai eu finalement la visite du staff de l’algologie avec laquelle je "travaille" depuis un moment et nous avons tout naturellement abordé le sujet des anti-inflammatoires, de leurs dosages et de leurs limites.

La pompe effectue une distribution régulière de morphine et permet de gérer des "Bolus" pour ajuster le traitement en cas de forte douleur. En médecine et en pharmacie, le terme "Bolus" ou bol désigne une dose de médicament ou de produit de contraste que l'on doit administrer au complet d'un seul coup. La pompe est bloquée pour ne pas faire de mauvaises manipulations mais permet de gérer ces  "Bolus" au mieux pour le confort. La dose maxi est une fois toute les 20 minutes.

En accompagnement il y a tous les matins une bonne dose de cortisone, du paracétamol  et de l’ibuprofène (anti inflammatoire non stéroïdien). Le tout est cumulable et permet à chaque patient d’ajuster en fonction de ses besoins tout en étant maitrisé par l’équipe médicale.

Bien géré, c’est la porte ouverte vers de futurs projets.

Oui, je sais, entre deux douleurs je me vois déjà pousser des ailes. Il faut vivre la douleur pour se rendre compte de l’impact que ça peut avoir sur le moral. C’est un peu comme Dr. Jekyll et M. Hide, le passage entre les deux se nomme douleur.

 Maitrise de la douleur, le Pass de la liberté.

17 juin 2017


Ça n’est que le début d’une longue collaboration entre ma pompe à Morphine et moi, patient discipliné, du moins je l’espère. Il va falloir s’apprivoiser et respecter les exigences de l’autre. Ne pas abuser de produits sans une réflexion sur les conditions de son utilisation. La zapette qui me distribue la morphine n’est pas la solution à tous les problèmes.

C’est toute la subtilité des réglages de concentration sur le produit qui se trouve en réserve dans la cuve de la pompe. Pour l’installation définitive de la pompe à Morphine il faudra choisir la méthode de connexion avec mon petit corps. Deux solutions s’offrent à moi : la connexion directe via la chambre implantée pour les chimio (Portacath) ou, une connexion via un cathéter en sous cutanée dans la cuisse ou le gras du bide. Les deux ont leurs avantages et leurs inconvénients.
Elles doivent être changées toutes les semaines avec l’intervention d’une infirmière. La version avec la chambre a de gros risques d’infections de par la manipulation fréquente du changement d’aiguilles. La version sous cutanée, présente des risques de douleurs lors des injections de Bolus selon la concentration du produit.

Il est donc très important de prendre le temps de réflexion pour démarrer sereinement le suivi au domicile. Une fois bien réglée, la pompe apporte un confort et une autonomie que j’imaginai plus contraignante, nous vous le confirmerons j’espère avec le temps. J’ai bien l’intention de tester la capacité d’autonomie en bougeant suffisamment pour me faire plaisir et en continuant à monter des projets de voyages avec ma moitié.

La maitrise de la douleur est là pour améliorer le confort du malade et qui dit confort, dit mobilité. Ça ne va rien changer sur ma survie par rapport à cette échéance incertaine, mais ça va me donner les ailes que je ne pouvais plus déployer pour continuer mes rêves. Et puis j’en reste convaincu, ça va contribuer très largement à l’épanouissement et donc au moral, kérosène de la résistance dans mon cas.

La douleur des souvenirs

18 juin 2017

Aujourd’hui, dimanche ordinaire dans les couloirs de l’hôpital. Un silence assourdissant qui laisse planer quelques râles de douleurs derrière des portes anonymes. Ce jour, c’est également la fête des pères qui a, avant tout, une grosse connotation commerciale. Quand on est derrière une de ces portes, il n’y a plus de connotations commerciales qui prennent le dessus, mais surtout une belle crise de manque pour ceux qui n’auront pas de visites et de nostalgie pour les autres.

Dans une chambre d’hôpital c’est un euphémisme de dire que le temps est suspendu et que cette distorsion des minutes prête à réflexion qui, dans le cas d’un malade du cancer hospitalisé, sont rarement optimistes. Alors la petite tête fabrique le pire de ces pensées.

La mort accompagne systématiquement les réflexions des malades. Qui dit réflexion, dit nostalgie et le prétexte de la fête des pères peut induire la peur de la séparation. J’en suis presque à ma trentième fête des pères et ce n’est pas le cendrier en plâtre avec sa déco personnalisé qui vont me manquer, mais bien ces secondes furtives que mes deux Stroumphs me réservent pour moi seul.

Voilà, c’était la séquence nostalgie. Ici le dimanche il ne se passe rien, je n’ai plus de douleurs ou si peu qu’elles sont rapidement maitrisées. Je devrais savoir dans le tout début de semaine, à quel moment je pourrais sortir. C’est le médecin qui décide en fonction de l’état général. Je suis rentré dans ce service pour un problème de disfonctionnement de la maitrise de la douleur, mais même une fois corrigé ce problème, une simple colique pourrait retarder ce départ. Je suis à la lette près les recommandations des médecins et infirmières, mais ne peux savoir ce qu’il y a dans leurs critères d’analyse. L’information passe peu dans ce service, par exemple je ne connais pas les résultats d’examens sanguin pratiqués à mon arrivé…

Avec beaucoup de patience, j’attends ce feu vert qui déclenchera la mise en place de la pompe définitive du prestataire extérieur et du suivi au domicile.

La douleur de voir les autres souffrir

19 juin 2017

Journée d’annonce de liberté. Le transfert de la gestion des prises de morphine se sont bien passé. Demain matin une collaboratrice du prestataire de la pompe à morphine va venir me changer la pompe actuelle par une toute neuve avec la formation de la gestion à mon niveau. Cela signifie que la sortie est programmée pour demain en début d’après-midi. Dès la seconde moitié de journée, un rendez-vous est organisé à mon domicile avec mon interlocutrice du prestataire, ma propre infirmière à domicile et moi-même évidement. Le but de cette réunion et de faire le transfert de compétence et l’accréditation de mon infirmière pour la gestion hebdomadaire de cette version d’antidouleur.

Ici la douleur est le commun de chaque chambre et je n’ai pas le monopole de la souffrance, loin de là. J’ai pu bénéficier de la chambre double en y résidant en solo pendant 48h après le départ de mon voisin de chambre précédent. Ce dernier souffrait d’une annonce un peu brutale qu’on venait de lui apprendre deux ou trois jours auparavant. Je suis toujours très perplexe sur cette annonce et mon expérience personnelle n’est pas plus délicate que celle qu’il m’a raconté. Ce pauvre jeune grand-père, souffrait d’un cancer aux intestins qui n’avait pas pu être correctement soigné à cause d’un cancer aux poumons dont il venait de se remettre après une opération. Suite à quelques examens complémentaire qui avaient pour but de donner le feu vert pour l’intervention sur les intestins, le projet avait été abandonné à cause de l’énorme tumeur au foie qu’il venait de découvrir. Je ne vais pas plus loin sur ce sujet ce soir, si ce n’est la promesse d’un futur billet lié à cette rencontre et à la façon dont elle a été traité lors de mon partage de chambre par un personnel débordé qui par manque de synchronisation, laisse parfois les couloirs vides avec des patients qui attendent  1 heure avant d’être pris en charge.

Ce soir un nouveau voisin de chambre vient de prendre possession des lieux, et là encore, il y a déjà de quoi en faire un billet à part entière. Dans un service de soins palliatifs, il est déjà hors normes de voir des chambre doubles, mais quand on voit un homme fatigué par une intervention chirurgicale, épuisé et en fin de vie, demander la possibilité de résider en chambre seule et se voir refusé cet "avantage", on a le droit d’être très en colère.

Je ne lâche pas cette exaspération sur les soignants qui font ce qu’ils peuvent avec les moyens qu’on leur donne. Je suis outré par cette gestion de la maladie et de l’humain. Alors, certes, il y a régulièrement en chambre, soignants de tous poils à la disposition de ce pauvre homme et ils font le maximum pour juguler ses douleurs et essayer de lui faire passer une bonne nuit. Je crains que ce ne soit pas le cas.

J’échange la douleur contre un boulet à trainer à vie
 
20 juin 2017

Il est programmé que cette journée soit la dernière de mon séjour au sein du service palliatif contre la douleur de l’ICM.

Comme chaque matin, le réveil vers 7h30 est brutal avec la porte qui s’ouvre sur le brouhaha du couloir et une femme de service qui d’une voix stridente et tonique nous propose le petit déj. A peine le plateau servi sur la table à roulette, un aide-soignant rentre sans plus de ménagement pour prendre la tension et la température de chaque patient. Le tout est accompagné par une série de questions sur le degré de douleur et sur la qualité du sommeil. A ce stade, si vous n’êtes pas réveillé, c’est qu’il y a un gros problème puisque même un paresseux partirait en courant pour échapper à cette agression matinale.
Ensuite, c’est la routine quotidienne, petit déj accompagné des infos à la télé, toilette et ablutions matinale, en sortant de la salle de bain prise des médocs sous la surveillance de l’infirmière avec en arrière-plan la femme de ménage qui s’occupe de votre lit. C’est la salle des pas perdus de la gare St Lazare cette chambre.

Le silence et le calme reviennent à la même vitesse que le capharnaüm qui l’a précédé nous avait agressé. Chaque patient va recevoir les soins qui correspondent à sa pathologie. Pour ma part j’attends la visite de l’intervenante pour me brancher la pompe à morphine.

L’intervenante extérieure est très efficace, la pompe a été rapidement installée et là, c’est le début du désespoir, vivre avec ce boulet le restant de mes jours me parait à l’avance une galère. La liberté a un prix et cette fois ci il est particulièrement lourd.

Au-delà du sacrifice de ce poids à trainer en bandoulière 24 heures sur 24 il y a aussi pour mon cas l’obligation de branchement sur la chambre implanté avec tous les risques d’infection que ça comporte mais également cette tuyauterie plastique installée directement sur le thorax.

Voilà, fin des épisodes sur cette hospitalisation, la suite fera l’objet de billets séparés et affichés à la une du blog.

Ajouter du temps de vie

05 juin 2017

Tous les malades qui se retrouvent en phase terminale ne pensent qu’à deux choses : diminuer, voir faire disparaitre la douleur et gagner du temps pour repousser le plus loin possible l’inacceptable.

S’occuper de la qualité de vie des patients n’est souvent pris en compte qu’au moment de l’entrée de ce dernier dans le stade palliatif. C’est seulement la plupart du temps à ce moment là que la prise en compte des souffrances physiques et psychiques est gérée par une équipe de spécialistes qui en relation avec le patient est sensée: user de pédagogie pour inciter le malade à auto gérer ses pics de douleurs, et d’autre part ajuster les traitements selon la progression du cancer.

Avant ce stade, la maladie est traitée de façon ponctuelle et chaque spécialiste traite son sujet sans trop se pencher sur les dommages collatéraux. Au bout de 5 ans de traitements divers, je me retrouve avec des dérèglements fonctionnels qui ne facilitent pas la vie au quotidien. Le foie et le pancréas sont complètement saturés et maintenant il faut remettre en ordre tous ces maux pour agir efficacement contre la douleur. La médecine fonctionnelle est bien trop marginalisée dès le départ des traitements. Dans les soins palliatifs qui me sont dispensés, il y a le Kiné qui travaille également en ostéopathie et qui lui, prend en compte ces relations fonctionnelles.

Un petit exemple bien concret : J’ai eu de fortes douleurs lombaires au point de ne plus pouvoir me coucher sur le dos sans avoir l’impression d’être sur une planche de fakir. La médecine traditionnelle m’a proposé des anti-inflammatoires qui  ont déplacé ces douleurs sur de nouveaux problèmes gastriques. Je n’avais plus mal au dos, mais bon…

La médecine fonctionnelle va chercher la raison du mon mal de dos qui provient des dérèglements cumulés de 5 ans de chimio sur les intestins qui par voie de conséquence ont saturé les filtres que sont le pancréas et le foie. Nous allons donc purger ce pancréas qui empêche le foie de faire son travail de filtre correctement et qui de fait va générer de l’acidité dans les intestins qui eux même par effet de saturation vont créer des douleurs lombaires. C’est une démarche plus longue, qui passe par des massages et pas ou peu de médicaments, mais qui est d’une efficacité redoutable.

Tout ceci pourrait être anticipé, et ces douleurs lombaires ne devraient en fait jamais apparaitre. C’est dans cet esprit d’anticipation que depuis le début de ce voyage je vous ai souvent parlé de dialogue avec mes cellules et d’écoute de son corps pour bien exprimer auprès des soignants les besoins. Mais celui qui croit donner le bon conseil ne les applique pas à la lettre pour lui-même.

Une fois de plus je me suis fait prendre à mon propre piège. A force de patienter en se disant ce n’est qu’une alerte, il suffit d’attendre le prochain rendez-vous dans une semaine pour demander conseil.
Je m’étais juré de ne plus tester les urgences en week-end prolongé, j’ai donné à pâques, et je viens de réitérer à la pentecôte. Je suis de nouveau hospitalisé depuis hier pour une mauvaise gestion de mes antidouleurs.

Depuis une bonne semaine, je sentais bien ce corps me torturer doucement. Dimanche, impossible de tenir plus longtemps, c’est plié en deux que ma moitié m’a déposé à l’hôpital pour ajuster mes doses d’antalgiques. Avant d’agir concrètement, l'interne de garde à l’écoute de mon récit a décidé d’approfondir les examens, et là, ce n’était plus qu’un ajustement de morphine à envisager. Le bilan sanguin a fait ressortir une belle anémie avec obligation de transfusion sanguine dès ce matin pour commencer. Demain échographie et Doppler pour vérifier qu’une phlébite n’est pas en préparation.

Pour la suite, c’est mon oncologue qui me donnera le programme. Des ganglions sont apparus sur le crane et autours de l’oreille côté gauche. Toujours côté gauche, le ganglion inguinale qui était présent au premier diagnostic il y a 5 ans est particulièrement enflé et bloque le drainage de la jambe gauche.

Les troubles du quotidien sont tout sauf anecdotiques, ils ont un retentissement sur la qualité de vie des patients et bien plus encore. Je ne cesserai de le répéter, faites intervenir au plus vite un médecin au moindre signe de faiblesse. Ce temps gagné sur la douleur sera autant de temps gagné sur la durée de vie et le confort du malade. Il ne faut jamais laisser la douleur s’installer.

Gâteau Choco-Noisette || Chocolate-hazelnut cake (VEGAN)

Il n'y a pas de mal à se faire du bien.

Selon cet adage, je vous conseille très vivement de vous abonner à cette chaine youtube qui nous promet des moments de délices.



Pour commencer, rien de tel qu'un bon gâteau au chocolat.


Le bout du chemin

24 mai 2017

Ce titre n’a pas vocation à vous faire pleurer, c’est simplement une étape de plus dans ce long processus qu’est, ce que l’on nomme le palliatif. La première fois que j’ai utilisé ce mot pour parler de mes soins remonte à août 2013. Ce que je n’avais pas compris à cette époque-là, ou tout simplement dénié, c’est que le traitement palliatif avait commencé dès le premier diagnostic suite au contrôle PSA, un an plus tôt.

Quand on est diagnostiqué pour un cancer de la prostate, métastasé avec un score de Gleason de 9, la traduction intégrale est que l’agressivité du cancer est telle que le compte à rebours est déjà lancé. Un seul petit chiffre, fait la différence, le score de Gleason.

Ensuite selon la résistance de chacun, les choses vont aller plus ou moins rapidement. Mon moral, vos soutiens, la qualité des soins ont fait que 5 années se sont passées. En 5 ans nous finissons par oublier le diagnostic initial, ou là encore à le dénier.

La médecine dans ce domaine comme dans bien d’autres, a malheureusement ses limites et vient le jour où le corps résiste moins, fatigué par l’agressivité des traitements qui ne sont surement pas dans tous les cas le plus adaptés et qui par effet d’accumulation finissent d’affaiblir le malade. Le corps ne réagit plus aux traitements et là, on ressort le terme palliatif, qui dans ce contexte précis, prend toute sa signification.

La dose de fatigue est telle, que la réflexion et l’analyse ne s’amorce plus, le sang affiche des déséquilibres qui vont engendrer rapidement des anémies et des faiblesses immunitaires. Le foie est à la limite de la grève, le pancréas reste solidaire du foie et l’ensemble de la carcasse est sur le point de s’écrouler.

Toutes les journées sont bercées par des hauts et des bas au rythme de la morphine. Je mange, je dors, je ris, je pleure, je n’ai plus de douleurs, je m’évapore…

Ce qui ne tue pas ne rend pas plus fort

5 mai 2017

Ce titre est la base même de l’étude sociologique qu’a rédigé Ruwen Ogien Dans son dernier livre, "Mes Milles et Une Nuits". Ce livre sera également son dernier message, celui qu’il nous a livré avant de nous quitter hier le 4 mai 2017.

Nous étions  devant le petit écran, à regarder l’émission "la grande librairie" qui quelques semaines auparavant nous avait fait découvrir ce Philosophe, défenseur d’une conception "Minimaliste" de l’éthique, quand l’animateur de l’émission nous a annoncé sa mort.

Comme beaucoup de malade je passe un temps incroyable dans la lecture, et comme beaucoup d’accompagnants, ma moitié n’est pas en reste sur ce type d’exercice. Il y a l’évasion avec de bons romans, il y a la recherche avec la documentation scientifique de plus en plus abordable pour des néophytes, et il y a les essais philosophiques ou sociologiques, directement liés à son statut de malade qui aident à comprendre et souvent à accepter l’inacceptable.

Je me suis terriblement reconnu dans le parcours de cet homme et dans ses relations avec la médecine. Le livre m’a tant ouvert l’esprit sur cette relation ambigüe entre soignants et très patients. Mes réactions épidermiques, voir mon intolérance avec ces toubibs sont en fait tout à fait naturelles et justifiées. Ma lutte effrénée pour ne plus entendre les réflexions du type "Bon Courage", "il faut être fort" l’est également…

Tout redevient normal et clair. La maladie comme drame et comme comédie. Nous sommes dans l’inacceptable depuis 5 ans et il est particulièrement important de pouvoir partager car heureusement ou malheureusement il nous arrive de rester optimiste.

La métamorphose de la douleur, une semaine aux urgences

22 avril 2017

Avant de développer ce récit, je tiens à préciser certains points. J’ai passé un bon bout de temps à essayer de calibrer mes doses de morphine associées au paracétamol pour enrayer les douleurs qui d’après les professionnels de santé s’étant penchés sur mon petit corps, provenaient de l’irradiation de métastases sur des vertèbres, et plus précisément sur une cervicale et sur une lombaire. 

A ce moment, je ne savais pas que je n’étais qu’au début d’une semaine de merde comme on en a peu dans sa vie.

J’ai effectué des vas et viens en VSL entre mon domicile et le centre ICM de radiothérapie toute la semaine du 10 au 14 pour des rendez-vous en fin de journée, rarement avant 18 :00. Un des chauffeurs, Christian pour ne pas le nommer m’a été d’une aide morale hors du commun. Il y a des femmes et des hommes autours de chacun d’entre nous qui donnent tout ce qu’ils ont et même ce qu’ils n’ont pas pour le bien être des autres, celui-là fait partie de ces personnes qui spontanément ne pensent qu’à la qualité des échanges entre les êtres humains.

Le sujet principal hors mis les anecdotes, est la conséquence dramatique d’un manque de communication entre les différents services d’un centre anti cancer. Je ne remets pas en cause la compétence de chacun des intervenants, mais leur méthode peut-être un peu trop mécanique et cloisonnée d’aborder la maladie sans vraiment prendre en compte le patient et les accompagnants qui de fait ne sont que rarement écoutés.

Je suis rentré en urgence douleur le vendredi 14 vers 23h. C’est un choix que nous avons fait seuls, puisque en dehors du Samu, il n’y a plus de service à domicile avec nos pauvres médecins tant débordés par leurs clients, heu… pardon leurs patients.

Les relations que mon médecin référent qui suit la famille depuis son installation, il a trente ans, sont au point mort. Il reçoit par courrier tous les comptes rendus des différents intervenants spécialistes, les archive dans son ordi, et basta…
Pas un coup de fil, rien de rien. Il apprendra surement ma fin dans la revue nécro du journal du coin.

L’impact de la morphine en cachet sur la douleur est indéniable mais les effets secondaires sur une forme de paralysie intestinale ne le sont pas moins. Ce sont ces derniers qui agissaient sur l’ensemble de mon bas ventre et qui irradiaient l’ensemble du bassin. Un grand nombre de toubibs après les explications désordonnées et bousculées par ses souffrances de patients vont très rapidement interpréter "une constipation" comme une conséquence du traitement des douleurs dorsales. Ces douleurs seront donc traitées en priorité, par une augmentation de la posologie associée à des antis inflammatoires, qui ne vont pas accentuer la constipation et devrait diminuer la douleur.

C’est sur ce principe de soins adaptés à un jugement partial que je viens de passer le weekend de Pâques aux urgences douleurs, plié en deux à hurler et sans le moindre moment de récupération qu’aurait pu m’octroyer un instant de sommeil. Je m’étais pourtant bien briffé sur le fait de ne jamais avoir de crises quel quelles soient un jour férié ou un week-end, alors les deux réunis…

Aux centre hospitalier, je suis rapidement pris en charge et les fioles de couleurs diverses se multiplient sur le pied à sérum avec toute la plomberie composée par les perfuseurs, les régulateurs, les réglettes et j’en passe. Les doses de morphines toujours plus importantes. Jusqu’à lundi soir pour gagner du temps. Le week-end il n’y a pas d’imagerie médicale. Lundi de Pâques dans l’après-midi, une interne a bien voulu prendre le temps d’écouter ma version de patient, celle d’un malade qui s’entraine depuis 5 ans à dialoguer avec ses cellules et sait grâce à ces années de recul, que ses intestins posent problèmes. A notre grande surprise, cette jeune femme m’a rapidement proposé de traiter au mieux cette gêne pour l’éliminer.

A ce moment, j’étais en pleine occlusion intestinale, victime des suites liées à cette panne de transit. Mon appétit était faible, voir, inexistant, ce qui n’empêchait pas l’hôpital de me procurer un plateau complet à chaque heure de repas. La solution proposée par l’interne n’est pas des plus cool mais la perspective de diminuer les douleurs est particulièrement motivée. Il faut commencer par poser une sonde naso gastrique qui permettra d’évacuer rapidement le trop-plein de l’estomac et d’éviter ainsi d’en ajouter sur ce ventre si endolori. Le tout avec une bonne diète et des perfusions pour compenser.  La surcharge intestinale disparait au rythme ou la poche de la sonde se rempli ; le scanner du lendemain permettra d’y voir plus clair. Et puis, pour un super-héros, le fait d’avoir un tuyau qui sort de la narine, passant derrière l’oreille, en évacuant un liquide vert presque fluo s’écoulant dans une poche n’est qu’un détail de finition de l’atelier design.

La diminution de la pression intestinale a permis à plusieurs reprises dans la nuit de se soulager comme on dit poliment chez les pètes en l’air. Le besoin en morphine est donc plus faible et comme par miracle je me sens beaucoup moins enclin à bougonner. Dans ce service, les infirmières et leurs collaborateurs au sens plus large ne sont pas en reste sur l’empathie et la plaisanterie, il est plutôt agréable de jouer des mots pour passer le temps. Figurez-vous que chaque journée fait largement plus de 24h, que chaque minute est une éternité pour un malade et que la souffrance augmente considérablement ce temps.

Bref, mardi matin, les résultats sont là et l’interne a si bien réussi son coup, qu’à la vue des résultats du scanner et de mon état, les autres internes, nutritionnistes ou spécialistes en tous genres ont défilés les uns après les autres pour me donner leur point de vue avant que la chef de service n’organise dans ma chambre une réunion plénière avec pas moins  de huit personnes sans me compter

A L’heure où je rédige ces lignes, la suite du programme complet ne m’a pas été communiquée. Sur le principe, ils me gardent jusqu’à la fin de semaine. Je vais surement avoir l’installation définitive d’une pompe à morphine mobile, afin de gérer au mieux les douleurs. La base de calcul de la posologie prescrite étant calculée sur l’expérience de cette semaine.

Je ne vous cache pas la joie de me retrouver avec un nouveau morceau qui dépasse de mon corps. Electronique cette fois-ci, avec de petits voyants lumineux, mais pour le moins pas très naturel. Le design commence à sérieusement se dégrader. Si ça continue, mon histoire, nous serons plus proches d’une version de Mad Max que d’un épisode de super-héros

C’est con à dire comme ça, mais il vaut mieux prévoir un travail soigné au départ qu’une retouche à la vas comme j’te pousse en retard. Je suis légèrement maniaque et j’ai toujours été très attaché à mon confort. Je crois que je suis un petit bourgeois dans l’âme, j’adore mon bien-être.

Je tiens à vous préciser que ces écrits sont effectués sous morphine et il est peut-être difficile vu de l’extérieur d’en retirer une certaine logique, voir, même d’y mettre un soupçon de cohésion. Pourtant il y a plein d’informations qui, une fois triées, seront la base d’un bon petit message sur différents sujets. Le passage par les urgences dans le cas d’une "longue maladie" est toujours traumatisant pour l’ensemble des personnes qui côtoient le patient et bien entendu pour le malade lui-même. Rédiger au fil de mes aventures et de ce voyage mes impressions me permet de passer plus facilement cette étape et au final il n’est pas impossible que je vous livre ce texte brut de fonderie.

Ce matin, dès l’arrivée des internes, l’accord de ces derniers pour retirer la sonde naso gastrique a été validé. Il y a des fois, de petits détails qui vous illuminent la journée, un miracle, un rayon de soleil,  un de ces trucs hors norme qui passait par la narine pour se loger au fond de l’estomac et qui d’un coup disparait en laissant la voie respiratoire reprendre ses fonctions naturelles. Rapidement suite à cette intervention, une nutritionniste est passée me voir pour mon programme alimentaire sur les jours à venir de façon à lier confort et pathologie ou l’inverse. Nous arrivons aujourd’hui à des résultats surprenants grâce à la maitrise de l’alimentation. Bon, ok, je vous l’accorde, dans le cas présent, le tous est un peu "liquide" et bouillit. Bienvenue dans l’univers de la purée et de la compote.

Une visite en enchaine une autre. Dans ce couloir, quand vous en sortez sur vos jambes, vous faites presque partie des stars du service. J’exagère un peu et suis légèrement de mauvaise foi, mais à quoi ça sert de retrouver la forme s’il faut rester en permanence convenable. Cette fois ci, c’est l’infirmière Algologue, la spécialiste en douleur qui vient pour faire le point sur mes prises de médicaments et aussi me proposer des séances d’hypnose pour faciliter et anticiper les "pics" de douleur où très souvent la dose de morphine ne va plus agir. Nous avons réussi à différencier les maux entre l’estomac et les lombaires, nous n’allons pas céder devant la facilité que nous offre les antalgiques. Il y a des solutions alternatives ou du moins complémentaires qui permettent de ne pas surcharger un corps de molécules chimiques ou toxiques.

Petit à petit la vie reprend son cours. Les doigts courent de plus en plus vite sur le clavier et les idées fusent. Je me surprends de nouveau à reprendre ma voie claire et déterminée dans les échanges en confrontation ou au téléphone. Cette fameuse dynamique qui fait que personne ne me prend réellement au sérieux quand j’annonce mon état de santé. Mon intolérance et mon despotisme gagnent du terrain  nous sommes en bonne voie.

Je vous réserve un futur chapitre dédié à l’impact de la morphine sur les rêves et sur une forme de schizophrénie somnolente. Depuis que nous sommes hospitalisé dans ce service sous pompe à morphine, isolés dans une chambre individuelle avec comme seule vue les carrés du faux plafond, l’alarme incendie et le trapèze de force pour m’aider à propulser mon corps en position verticale. Je ne suis pas seul, non, non, vous avez bien lu, dans cette chambre individuelle, je ne suis pas seul. Je viens de passer tous ces jours avec ma bien aimée aux petits soins sous notre tente de toile rouge qui ondule au gré du vent que je ressens comme une douce caresse sur ma peau. Mais en fait, quand je me retourne vers elle, ma moitié n’est plus là, je suis dans la chambre, seul cette fois, et comme je l’ai déjà précisé plus haut Je ne supporte pas le manque de confort, alors de là à coucher sous une tentes dans une chambre en dur, il faut un peu de persévérance dans le délire. Nous reviendrons sur ces moments un peu plus tard. Je vous jure que j’ai échangé des propos avec ma moitié sous la tente, et heureusement qu’elle était présente pour m’apaiser.

Nous sommes maintenant le jeudi 20 avril, j’entame depuis hier ma soixantième année. Je vais avoir un cadeau auquel je ne m’attendais pas. Exit la pompe à morphine, trop lourd à gérer à mon stade et même si la dose prescrite pour limiter mes souffrances est énorme, il y a d’autres solutions. Je vais être traité par patch de 100 mg d’une durée de 72 heures. Je pourrais compléter selon les besoins en cachets, baptisés ici "Bonus". Je vais pouvoir gérer mes déplacements et mon petit confort au mieux. Les effets secondaires seront les mêmes mais, j’ai eu une sérieuse formation sur la gestion de mon transit.

Un seul cadeau pour un anniversaire si lourdement négocié ne suffisait pas, en début d’après-midi,  la spécialiste antidouleur vient me rencontrer et me proposer, si j’ai le temps, de commencer nos premières expériences d’hypnose antidouleur. Du temps, je n’ai que ça en magasin, il suffit de se servir de suite et ni une ni deux nous voilà parti pour une expérience très enrichissante qui méritera également un chapitre minimum pour vous faire partager ce que j’en ai retiré.

Je sais, c’est un peu cruel de lancer un sujet et de le couper au moment où le dénouement allait prendre le dessus, mais mon texte est déjà trop long.

Enfin, pour finir sur une note optimiste puisque nous sommes dans ce registre depuis quelques phrases, il ne reste plus qu’à ajuster la permutation du début de gestion par patch avec la fin d’intraveineuses de morphine. J’ai contacté mon oncologue par mail, un étage plus bas du même centre hospitalier et la synchronisation des services s’est mise en route sans cahots. Une petite visite de ce dernier avec ses ordonnances pour la suite du voyage me donne le ticket de sortie rapide. Il n’est pas impossible que je me pose chez moi dès samedi.

Le voyage continu, beaucoup plus dépendant d’une rigueur de gestion du quotidien, mais il continu et je ne suis pas attaché à un fil. Un peu de temps pour reprendre du tonus et nous pourrons surement faire aboutir des projets qui de plus en plus ne ressemblaient qu’à de simples cartes postales. Libre dès ce week-end,  je voterai pour une révolution citoyenne de partage de tolérance et de solidarité.

C’est quand que je n’aurai plus mal

7 avril 2017

L’association Internationale d’Etude de la Douleur (International Association for the Study of Pain – IASP) définit la douleur comme « une sensation et une expérience émotionnelle désagréable en réponse à une atteinte tissulaire réelle ou potentielle ou décrites en ces termes ».

Il est possible de distinguer trois grands types de douleur selon leur profil évolutif : douleur aiguë, douleur procédurale et douleur chronique.

La douleur Aiguë : La douleur aiguë est liée à une atteinte tissulaire brutale (traumatisme, lésion inflammatoire, distension d’un viscère…).

La douleur procédurale : C’est la douleur induite par les soins (ponction, pansement, prise de sang, mobilisation du patient…).

La douleur chronique : La Haute Autorité de Santé définit la douleur chronique comme un syndrome multidimensionnel exprimé par la personne qui en est atteinte. Il y a douleur chronique, quelles que soient sa topographie et son intensité, lorsque la douleur présente plusieurs caractéristiques.

Le tout se résumant pour les toubibs dans une échelle de 1 à 10. Si sur ces derniers jours la question m’avait été posée j’aurai répondu que ma douleur chronique et procédurale semblait particulièrement aiguë aux alentours de 12.

Je suis particulièrement méticuleux sur le respect des procédures conseillées par le corps médical pour gérer mes douleurs, en respectant les horaires et les posologies des prises de médocs et pourtant. Ou je suis particulièrement sensible, ce qui par rapport à mon expérience sur les années passées est peu probable, ou les toubibs se sont trompés dans la dose induite, parce que ça ne marche pas.
Le gros problème dans la gestion de la douleur avec un cancer et bien de distinguer les différentes douleurs, car il y a le cancer à proprement parlé mais il y a surtout les effets secondaires, et c’est justement ça qui me fait souffrir le plus.

Comme les pros de la médecine sont là pour soigner ou du moins juguler mon cancer, ils ne voient pas le second effet qui lui n’est pas des plus cool.

Pour ce qui est des douleurs liées directement au cancer, la prise toute les 12 heures de morphine associée avec du paracétamol suffit. J’ai des douleurs des deux cotés à l’aine, à cause des ganglions, et d’autres douleurs aux métastases osseuses qui elles, sont réparties un peu partout sur le corps. Le plus délicat pour ces dernières est la voute crânienne qui provoque des souffrances proches d’une bosse ou d’un bleu, mais multipliée par le nombre de tache osseuses. Tout cela réagit assez bien aux antalgiques quotidiens.

Les douleurs induites par les effets secondaires des antalgiques et particulièrement de la morphine sont liées à la constipation. C’est le mot utilisé par les toubibs, mais en fait il ne s’agit pas de constipation, il s’agit de paralysie du système intestinal. Plus de spasme, plus d’envie, plus de possibilités de "pousser", plus rien. Rien ne sort, pas même un petit pet.

Quand les douleurs deviennent trop aiguë, elles se propagent sur le bas du dos et provoquent des courbatures sur l’ensemble du corps et là, les antalgiques ne servent à rien si ce n’est de vous mettre la tête à l’envers. La pauvre tête qui déjà ne tourne plus très rond à cause des petits tracas du moment.

J’ai pris la décision d’utiliser d’un peu de pédagogie pour tenter d’expliquer aux toubibs mes ressentis bien profonds. Maintenant, il va falloir trouver un interlocuteur, parce que nous sommes en période de congé et qu’ils sont tous partis. Dans le domaine du cancer, ça ne se bouscule pas pour prendre en remplacement le patient d’un vacancier. Alors je joue de ma plus grande amabilité et de mon charme irrésistible avec les secrétaires pour passer les barrages.

Ma moitié, mon amour m’a fait une potion de sorcière avec de la poudre de chlorure de magnésium. C’est infect, mais ça marche mieux que les médocs qui m’ont été donnés par les toubibs comme le Movicol ou d’autres poudres de perlimpinpin. Deux jours de traitement et hop, disparu les problèmes d’intestin, de dos, de courbature…

Lundi prochain, je vais faire connaissance avec la radiothérapie qui je n’en doute pas va me gâter avec son lot d’effets secondaire. Nous verrons bien la suite et je ne désespère pas de croiser un médecin d’ici là.

J'ai commencé à mourir le jour où on m'a annoncé mon cancer

27 mars 2017

Sans prendre de gants, sans plus de manières, juste avec un regard qui en disait long, c’est dans le reflet des yeux de l’oncologue qui m’annonçait ma fin proche que je me suis perçu déjà mort.
L’annonce de la gravité et de l’agressivité de la maladie m’a tué l’espace d’un instant et quelques secondes après, je rentrai en résistance.

Dans ce cas, la résistance n’est pas du dénie mais n’est pas non plus une force qui vous galvanise comme Saint Michel et son bouclier contre le dragon maléfique. Cette résistance est un concentré d’espoir et de foi en soit pour faire passer la vie avant le découragement. L’amour de la vie devient plus fort que la maladie et permet ainsi de traverser des écueils.

Et puis, un jour l’écueil se transforme en océan démonté par les vents et les courants contraires, qu’il faut pénétrer pour tenter de le traverser. Le simple fait de rentrer dans ces eaux tumultueuses rend vulnérable parce qu’on n’est pas certain de pouvoir passer sur l’autre rive.

J’en suis là, et j’ai besoin de prendre le temps d’analyser la meilleure solution pour continuer le voyage.  Il y a des décisions qui ne sont pas évidentes. J’ai besoin d’un soutien extérieur qui tarde un peu à se mettre en place mais, ça va venir comme tout arrive.

Si on en revient aux métaphores marines que j’affectionne tant, la première traversée de cette tempête a gravement endommagé la coque qui prend un peu l’eau et les voiles qui ne sont, pour la plupart, plus inutilisables. Le bateau gite légèrement et n’avance plus. Mais cette course n’est pas une épreuve en solitaire, nous allons réparer ces avaries et reprendre le large.

L’épilogue de mon cancer

22 mars 2017

L'épilogue est la dernière partie, la fin d'une histoire, ou plus précisément, ce qui termine, conclut une action longue et embrouillée.

Pour la durée, je laisse chacun juge de son point de vue, pour ce qui est de la complexité et de la contradiction des nombreux écrits, en cinq années, il y en a eu des situations qui y ont contribué très largement. Les nouvelles étaient souvent inattendues et parfois s’opposaient aux propos d’un ou deux messages précédents. C’est le rythme du cancer qui nous amène de la colère à l’espoir et inversement qui en est responsable. Il n’est pas toujours simple de prendre le recul nécessaire pour éviter de rédiger une partie qui à terme s’avérera fausse ou incomplète.

Ce message ne sera pas le seul de cet épilogue. C’est une conclusion qui comportera encore des colères même si de ce côté-là, elles sont de plus en plus atténuées, mais petit à petit, la matière à vous raconter mon parcours va manquer et l’intérêt s’amenuiser.

Ma dernière séance de chimio a été refusée et il n’y en aura pas d’autres. Le corps ne le supporte plus. Jeudi 16 mars, lors de ma consultation avec l’oncologue, il m’a été précisé que nous allons nous concentrer sur la gestion de la douleur.
Quelques séries de radiothérapie osseuses, principalement sur les vertèbres, sont prévues pour atténuer ces effets dévastateurs de souffrance.

J’ai également été formé à gérer au mieux mes prises d’antalgiques et plus particulièrement de morphine.

L’oncologue de l’ICM, qui me suit depuis ce temps, m’a invité à reprendre contact avec Gustave Roussy à Villejuif au cas où il y aurait un essai clinique, mais là mes cocos, il ne faut pas trop rêver ou croire au Père Noël. Pourquoi fuir la réalité de la situation, pourquoi nier l’évidence. En tant que médecin chercheur, il est autant au courant que Gustave Roussy des possibilités qui s’offrent à mon cas.

Il m’a très bien fait comprendre qu’il n’y avait plus rien dans la pharmacie à mon stade et que dans l’état de ses connaissances, il ne pouvait plus me proposer de traitement.

Je suis arrivé au moment où on déborde d’empathie et de prévenance vis-à-vis de ma petite personne. La nouvelle équipe qui va me prendre en charge est particulièrement chaleureuse. On m’a de nouveau chaudement conseillé de consulter un de leur psy, et cette fois, j’ai accepté.

Pour ce qui est de l’espérance de vie, je crois que si nous parlons d’année il n’y aura pas de S à ce mot, et pour la suite, personne ne peut ou ne veut se prononcer.

Le moral reste bon. Je m’étais préparé à ce type d’annonce depuis le début. Maintenant il me faut un peu de recul et d’organisation pour vivre pleinement cette période avec mes très proches.

Je ne veux pas de vos réactions du type "courage…, il y a surement une solution…, la recherche avance très vite…, etc"
Restez simplement vous-même. Je n’ai pas besoin d’être rassuré.

S’il y a une solution, elle viendra naturellement, pour le reste comme je l’ai rédigé maintes fois, ça n’a rien à voir avec le courage.

Les modifications du corps

10 mars 2017

25° en fin de matinée, des fleurs sur les amandiers, les abricotiers et autres fruits du soleil, les premiers papillons qui virevoltent entre les jonquilles et les premiers iris qui pointent leur nez. Y’a Pas de doute, il se passe quelque chose.

Rien de tel pour avoir envie de bouger et de remettre en état le jardin et ses agréments. J’ai commencé par la restauration des chaises longues, c’est important les chaises longues pour vaquer à une de mes activités préférée, le farniente.

Mais voilà, si la motivation est bien là, le physique pêche un peu par sa déchéance. Au bout d’une heure de petits mouvements doux pour rafraichir la première chaise, malgré la maitrise des antalgiques, les courbatures prennent le dessus.

On dit que le cancer ronge, je crois que cette expression est particulièrement adaptée contrairement à bien d’autres sur le même sujet.

Le cancer de la prostate est particulièrement intrusif sur le plan de la perception de son corps. Dès le début du premier traitement de base, avec l’hormonothérapie, la notion de libido disparait puis s’installe rapidement une signification sociale du corps, la représentation que l’on veut faire de soi aux autres. Je ne voulais pas parler de mon cancer au début de peur de rebuter mes contacts professionnels et de perdre mon entreprise. Dans mon esprit, tout passait par l’aspect physique.
Et puis un jour la fatigue ne pouvait plus se cacher, ma nouvelle coupe de cheveux ne rentrait pas dans des critères de mode et j’ai bien été obligé de capituler sur ce plan.

Ensuite, rapidement, très rapidement viennent les effets secondaires et les douleurs qui ont un impact destructeur sur le corps. Certain médicament vont vous faire enfler comme une baudruche, d’autres vous amaigrir ou vous déformer par des postures liées aux souffrances. La couleur de la peau se modifie, les cheveux repoussent différemment et vos muscles fondent.

Je ne peux plus me bouger comme avant, je ne peux plus pratiquer de sports, je suis dépendant des autres pour déplacer un objet lourd. L’orgueil est atteint, je grimace, je me plains.

Je ne reconnais plus le mec sur la glace dans la salle de bain, et là, je ne parle que du visage parce que le reflet de l’être dans son ensemble, je ne le regarde plus.

Mon corps, celui que je ne supporte plus est devenu la représentation de mon passager clandestin, Il prend tant de place que je finis par m’effacer.

J’ai raté mes examens

9 mars 2017

Une fois n’est pas coutume, j’ai encore raté mes examens. J’ai pourtant tout fait comme on m’a dit, j’ai pris tous les cachets et les ampoules, j’ai appliqué à la lettre toutes les consignes de ceux qui savent, mais rien n’y fait. PSA + 30% en 1 mois malgré les injections de chimio et les semaines de torture pour s’en remettre.

Ce matin je suis censé faire le beau qui résiste devant la toubib avant mon injection de chimio. Je crois que ça ne va pas se passer de cette façon.

Fini la chimio, je n’en veux plus. Faire ce parcours plus longtemps avec plus de souffrance ou moins longtemps avec plus de sérénité, mon choix est fait.

10 :00, nous prenons la voiture pour nous diriger vers l’ICM de Montpellier. Il fait beau. Avec un peu de chance au lieu de m’allonger pour cette perfusion je vais peut-être pouvoir profiter de la nature.
Nous rentrons dans le cabinet de la toubib qui me voyant un peu gris me demande des explications. Je lui détaille mes ressentis de la pointe des orteils jusqu’au sommet du crâne et là, je vois que son teint ressemble du coup un peu au mien.

Je ne vais pas avoir besoin de refuser la chimio, c’est elle qui annule. Elle saute sur son téléphone et ni une ni deux, me prend un rendez-vous antidouleur dans les minutes qui suivent le bureau voisin. Elle annule le bilan d’avril et cale tout y compris le rdv avec l’onco en début de semaine prochaine.

Je ne sais pas ce qui me pousse à vous dire ça, mais j’ai comme l’impression que d’un coup, il y a urgence.

Nous enchainons donc directement dans le bureau d’à côté avec une allergologue qui gère les douleurs des patients. Le contact est très sympathique et les échanges spontanés. Nous analysons ensemble mes douleurs et les localisons le plus précisément possible. Avec l’aide d’une infirmière, pour la première fois je reçois un cours de gestion de mes antalgiques pour optimiser mon confort.

Suite aux examens d’imagerie, scanner et scintigraphie de début de semaine prochaine elle organise un rendez-vous multidisciplinaire pour éventuellement envisager de la radiothérapie sur les points osseux les plus sensibles. Le résultat de leur réunion me sera exposé le lendemain lors de mon rendez-vous avec l’oncologue.

Si c’est pas de l’efficacité ça, je veux bien que l’on m’explique ce qu’il faudrait faire pour mettre plus de confiance entre le corps médical et le patient. C’est fou ce que l’efficacité de certains fait changer l’avis d’autres.

Je ne suis surement pas au mieux de ma forme mais la prise en charge est exceptionnelle.
Dans l’après-midi, je vais passer à la pharmacie avec mes ordonnances et ensuite, je devrais rapidement et simplement gérer mes douleurs, mes problèmes gastriques et mon sommeil.

Bougez-vous les malades

8 mars 2017

Bougez-vous le cul et faites entendre haut et fort votre point de vue sur la situation déplorable des soignants et des infirmières.
Demain la qualité de vos soins sera de pire en pire et vous n'aurez plus les moyens de faire changer les choses. C'est maintenant, avant les élections qu'il faut agir. Nous sommes de plus en plus nombreux en souffrance et les soignants de moins en moins avec des conditions de vie qui font peur.
La qualité de soins ça fait partie de vos droits, votre soutien aux soignants ça fait partie de vos devoirs.


Fatigue & Cancer

7 mars 2017

Comment décrire la paralysie qui s'empare des patients atteints d’un cancer ou sous traitement contre le cancer.

La fatigue liée au cancer se caractérise par une fatigue continue, impossible à surmonter, qui laisse un sentiment de total épuisement, d’un point de vue émotionnel, psychique et physique.

Cette sensation d’épuisement n’est pas directement liée à une activité ou un effort. Une nuit de sommeil ou du repos se révèlent souvent inefficaces et, la fatigue perdure.

La fatigue est une sensation subjective ; on ne peut la comparer à la fatigue ou à l’état de quelqu’un d’autre ou la résumer en un mot. J’irai même jusqu’à préciser que ce mot "fatigue", dans ce cas particulier, ne convient pas. Nous sommes plus proches de l’harassement de l’anéantissement. Ces mots ne seront pas pris en compte par le corps médical, ils font peur, sont violents et n’entrent pas dans un discours d’infantilisation qui est souvent celui des médecins.

Les causes sont multiples. Avant même l’annonce du diagnostic d’un cancer, la fatigue est présente et souvent considérée comme un signe de la maladie. Ensuite, tous les traitements sans exceptions pour vous soigner vont appuyer ce phénomène. Hormonothérapie, radiothérapie, chimiothérapie, et vont distribuer leurs lots d’effets secondaires, nausées, vomissements, troubles du rythme cardiaque, fièvre, douleurs musculaires et articulatoires, des troubles hormonaux, des bourdonnements d’oreille, des picotements, des problèmes de vue, de peau, de dents…

Et puis il y a la douleur. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point la souffrance accentue la fatigue.
Tout ce qui concerne la vie d’un cancéreux, sans distinction va créer des liaisons irréversibles, des déséquilibres fonctionnels et une perte d’immunité accompagnée au bout d’un certain temps, d’une anémie. Il faut bien comprendre que dans la majorité des cas les moyens utilisés sont proche d’une guerre nucléaire contre un ennemi à stratégie évolutive. Alors, les dommages collatéraux…

Comme on se retrouve un peu seul devant ce constat, dans un premier temps on songe à apprivoiser cette fatigue en limitant certaines activités. Cette réaction n’arrange rien, bien au contraire, il faudrait dans la mesure du possible garder une activité physique, même si ce n’est qu’une promenade quotidienne. Mais c’est en fait beaucoup plus simple à exposer qu’à réaliser.

Il n’existe pas de médicaments contre la fatigue ou mes toubibs ne les connaissent pas. Leur solution passe par le psy, comme si la fatigue était une vue de l’esprit.

Allez, je vous laisse pour cette fois, je vais essayer de me reposer.

Ma ronron thérapie

6 mars 2017

Ce matin je téléphone au cabinet de mon médecin traitant pour prendre rendez-vous afin de traiter mon problème de douleurs. Ce n’est pas possible de me fixer une rencontre programmée, il y a trop de monde. Je peux, si je veux, venir dans l’après-midi faire la queue dans la salle d’attente pour les consultations sans rendez-vous, vous savez le genre de truc où on peut s’échanger nos microbes, regarder les gamins s’énerver, croiser de vieilles connaissances qui à haute voix vont te demander comment tu vas, tout surpris de te voir par rapport aux bruits qui courent dans la campagne environnante. Passer je ne sais combien de temps sur ces chaises inconfortables au lieu de faire une sieste pour récupérer des nuits comme celle que je viens de passer.

Ce n’est pas grave, Docteur, je passerai une autre fois, peut-être, si je ne vous dérange pas…

Il ne me reste pas trop de morphine, alors je vais économiser cette dernière plaquette en attendant que l’autre puisse me donner un rancard. Après tout, je suis un peu habitué à la douleur, alors je peux bien patienter encore.

En dehors des médications, heureusement, je peux bénéficier d’une autre solution, mes chats et plus particulièrement le petit dernier, Orson un petit noir de 8 mois. Ce chaton avait été abandonné dans une forêt avec ses frères et sœurs quelques jours après leur naissance. Nous avons été famille d’accueil pour eux et nourris au biberon nous avons pu en sauver trois. Deux ont été adoptés et nous avons gardé celui-là.

Dans la famille nous sommes très chats, nous n’avons jamais vécu sans et ne l’imaginons même pas. Ce petit dernier a la particularité d’être très généreux en câlin. Au beau milieu de la nuit, je laisse échapper quelques gémissements à cause de la douleur. Sans plus attendre, le chat se positionne près de mon épaule, allonge ses pattes de velours sur mon thorax et love sa petite tête dans mon coup en ronronnant comme un diesel tout neuf.

Je ne peux que difficilement vous décrire les bienfaits de cette expérience, tant les bénéfices sont puissants. C’est plus efficace que n’importe quel cacheton  de la pharmacie pour la diminution du stress, la maitrise de son rythme cardiaque, le contrôle de sa respiration et l’action instantanée sur un effet de décontraction musculaire.

Le taux d’adrénaline diminue, ce qui agit directement sur la relaxation. Le sommeil prend le dessus.
Ce n’est pas ma première expérience du genre. Ce chaton se positionne à proximité, dès que je passe en mode repos. Du fauteuil à la banquette ou sur le lit, dès que je choisi un lieu pour me reposer ou me détendre, il vient, m’interroge du regard et avec mon assentiment s’allonge sur moi pour me transmettre ses vibrations et j’en suis convaincu me renforcer mon système immunitaire.

Le ronronnement de ces félins s’étale sur une fréquence de 25 à 50 hertz. La même "fenêtre sonore" que des médecins orthopédistes utilisent pour traiter des fractures mal consolidées ou des arthroses dégénératives. Vous pouvez en savoir un peu plus sur ce thème en lisant l’ouvrage de Véronique Aïache sur ces chats qui nous guérissent…

Entre non-dits et mensonges, on va chercher ses réponses ailleurs

5 mars 2017

Je suis en train de traverser une période particulièrement difficile avec une aggravation très nette de mon état général, une fatigue croissante, des douleurs de plus en plus aigües, une perte de poids en peu de temps et pour couronner le tout les conséquences d’une chimio qui ne change rien à mon état mais aurait plutôt tendance à l’accentuer.

Bien entendu, comme à mon habitude, je ne cache rien à mes toubibs qui restent sourds à mon exposé. C’est comme si l’aggravation ne les surprenait pas, d’ailleurs ils ne parlent pas d’aggravation. C’est seulement mon interprétation en lisant les comptes rendus des imageries scan et scintigraphie qui traduit ces extensions de métastases comme une aggravation. La fatigue est imputée au cumul des chimios, les douleurs sont normales, mais on ne me dit pas comment les gérer, la perte de poids proviendrait d’une fonte musculaire, alors que ce problème de perte de muscles existe depuis 5 ans. Pour les effets secondaires, depuis ce temps je devrais être rodé.

Mes journées deviennent un calvaire. J’administre au mieux la situation avec la morphine et d’autres antalgiques en essayant de garder des doses minimes pour éviter les effets secondaires de ces cachets miraculeux que personne ne m’a appris à gérer.

En octobre 2015, mon oncologue sur une de mes questions existentielle m’avait répondu, "Je ne parierai pas sur vous à 5 ans". Le risque de se tromper était minimum du fait que 4 ans avant on me donnait encore moins. Aujourd’hui, je ne pose même pas la question, je voudrais simplement qu’il m’informe honnêtement de mon état.

La chimio à vie n’est pas la panacée, ça dure le temps d’une série de cure entre 6 et 12 séances toutes les trois semaines et ensuite, alors que ça n’a calmé la virulence de la tumeur que quelques semaines, ça stabilise au mieux le reste du temps et finalement avec une période de sevrage pour récupérer un peu, ça repart avec encore plus de brutalité. 

Vivre suspendu au chimios sans autres solutions me permet d’affirmer que mes toubibs ne peuvent pas grand-chose pour moi. Ça, je le sais depuis déjà un bon moment.

Ce que je voudrais, c’est des conseils, des petits trucs et astuces pour gérer la douleurs, pisser au mieux sans se contorsionner dans tous les sens en pleine nuit parce que j’ai attendu trop longtemps et que la pression bloque la miction. Ce qu’ils pourraient me dire, c’est comment gérer mes prises de morphine pour éviter des constipations d’enfer dans les 48h qui suivent. Ils devraient surement être suffisamment compétents pour me donner des conseils sur la nutrition pour éviter les nausées et les vomissements.

Mais surtout, ce qu’ils pourraient faire, c’est prendre en compte qu’avec le malade, il y a souvent une compagne dans la vie de ce dernier, des enfants, bref, des proches qui se prennent tout brutalement dans la gueule et qui depuis le temps ne peuvent plus la faire belle, leur figure qui de plus en plus se décompose en me regardant m’appuyer sur un meuble parce que le mal de dos ne me porte plus. En souffrant à chaque grimace qui se fige sur ma face au teint cireux.

Des proches qui ont besoin de se poser, de prendre l’air, de respirer, et de savoir...

Alors chacun y va de ses recherches sur le net, ou de ses comparaisons avec tel ou tel livre qui aborde le sujet. Chacun y va de son imagination et à me fréquenter quotidiennement, ce ne doit pas être des rêves les plus fous. Une tentative d’entretien a été rapidement abandonnée avec un psy qui ne dépassait pas l’écoute, l’important c’est d’évacuer ce que vous gardez en vous, qu’elle disait.

Savent-ils seulement ce que nous vivons au quotidien ? Se rendent-ils compte qu’il n’est pas évident d’entamer son deuil de son vivant ? Croient-ils que "l’épreuve va nous rendre plus fort" ?

J’ai plus appris sur la gestion de mon corps et sur des solutions à mes souffrances par mon Kiné et par le web. Mais ni mon kiné, ni le web ne me donnera de solutions pour apaiser ma moitié, pour l’aider à supporter ce silence et mes grimaces.

Georges nous a quitté

27 février 2017

Georges s’est éteint jeudi dernier comme une bougie à bout de souffle vidée de son énergie. Il n’est pas mort des suites d’une longue maladie, il est mort du cancer, ce mot qui répand la terreur.

Je suis malade, du même mal dont souffrait Georges et je peux vous traduire tout le quotidien des malades devenus esclaves de leur tumeur. Il n’y a pas de bénéfices intellectuels ou moraux dans la vie d’un patient. La souffrance ne rend pas plus fort elle vous rend de plus en plus faible.

Patient est bien le terme qui nous convient. Il faut patienter, attendre, toujours attendre. De résultats d’examens en consultations, le patient passe le temps qu’il lui reste à attendre une bonne nouvelle qui ne viendra jamais dans bien des cas. D’effets secondaires en nuits blanches, de douleurs en déni de son corps le cancer accompagne tous les instants d’un malade.

Vu de l’extérieur, nous combattons avec courage. Un correspondant Canadien également malade m’a communiqué un texte de Patrick Lagacé, journaliste. Je cite :
"Un combat présuppose un adversaire modérément identifiable et prévisible, ce qui n’est pas le cas du cancer.
Et pensez-y : c’est mettre une pression épouvantable sur les malades que de perpétuer, par notre choix des mots, le mythe du combat-contre-le-cancer. Dire à quelqu’un qu’il a gagné son combat contre le cancer me semble d’une violence  terrible : les gagnants ont généralement "bien" combattu, cela veut-il dire à contrario que ceux qui perdent ont "mal" combattu?
Bien sûr que non.
Si vous avez des proches qui sont morts du cancer, vous le savez aussi bien que moi : ils voulaient vivre, ils étaient dévorés autant par le cancer que par ce désir aussi vif et incandescent de vivre, désir qui animait pareillement ceux qui ont pu échapper aux pinces du crabe…"

 
Le combat s’il y en a un, c’est à vous de le mener. La fréquence des cancers pourrait augmenter de 50% dans le monde, avec 15 millions de nouveaux cas par an en 2020. Ce sont les données de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé).

C’est à vous de communiquer pour favoriser la prévention et revendiquer des moyens pour la recherche. Le vrai combat de l’humanité doit prendre fait et cause pour la défense de l’environnement et pour la lutte contre les cancers qui de plus en plus sont des conséquences des pesticides, des perturbateurs endocriniens et de la pollution.

Pour Georges, ce long chemin qu’est la vie d’un malade du cancer en était à sa neuvième année, 9 ans de souffrances progressives. Je suis sûr de moi en vous disant qu’il aurait voulu vous communiquer ce message d’espoir pour initier la prévention et la recherche.

Prenez soin de vous.

Une journée en chimio

16 février 2017

La journée qui va me pourrir la vie pendant les semaines à venir est là, devant moi. Comme à chaque fois, j’hésite avant de monter en voiture pour me rendre en hospitalisation de jour prendre ma dose de poison. Ce matin, comme un obstacle de plus, les médias s’en donne à cœur joie sur l’affaire du docétaxel, générique du Taxotere qui a provoqué plusieurs cas d’entérocolites fatales produit que j’ai le bonheur de tester il y a moins d’un an. Je n’avais pas besoin de ces commentaires pour entretenir mes doutes.

Une demi-heure de voiture avec le véhicule de ma moitié qui m’accompagne pour rejoindre l’ICM. Au retour je ne serai plus en état de conduire. Depuis peu, mes rendez-vous sont programmés en fin de matinée, un moment où le peu de chambres disponibles en ces lieux sont occupées. Je vais encore devoir défendre mon point de vue sur la réception des patients et solliciter le médecin pour obtenir une chambre. La solution alternative est le box, ni plus ni moins qu’une salle commune avec des fauteuils séparés par un rideau. Un chef d’œuvre d’intimité et une version future des soins à moindre coût.

Mais moi, Madame, Monsieur, je suis un aristocrate de la chimio, un esthète de la qualité des soins, un vrai cauchemar pour les administratifs qui organisent l’hôpital avec de moins en moins de personnel, de moins en moins d’infirmières. Personne ne me fera plier, je ne mettrai jamais les pieds dans une salle commune. C’est suite à deux expériences du genre que je me permets cette réflexion.

Les personnes qui vivent un cancer sont toujours atteintes de fatigue extrêmes, et sont souvent en baisse de défense immunitaire. La solution d’avenir serait la convivialité entre malade pour un libre échange des microbes ?

C’est quoi votre cancer à vous ? et en plus vous avez chopé la grippe ?
Ha, ce n’est pas très cool.
Moi, c’est moins grave, il parait que l’on peut s’en sortir, des fois…
Enfin je veux le croire…

Alors, ok, on va me donner une chambre, mais il faut attendre.

Retour dans la salle d’attente, les hôtesses d’accueil me connaissent bien, au bout de cinq ans de traitement, je suis encore là, un des seuls avec le carnet de suivi d’origine en couleur. Aujourd’hui, les patients ont des carnets bricolés avec de simples copies d’un livret original. Les plaquettes de l’ICM qui a changé de logo sont, elles, flambant neuves sur couché 300 gr avec vernis…

A midi trente, la salle d’attente se vide. On me propose un plateau repas froid avec une soupe aux légumes. Je m’installe avec deux, trois autres malades dans un coin et nous commençons à échanger nos points de vue sur la qualité de la nourriture et nous interrogeons plus précisément sur la méthode utilisée pour éliminer avec tant de perfection le goût des aliments et les rendre si insipides. C’est proche de la perfection.

Puis, naturellement nous échangeons sur notre maladie tout en gardant une part de pudeur et d’intime. La jeune femme à mes côtés, me demande le nombre de chimio que j’ai eu jusqu’à ce jour. Je lui explique qu’en cinq ans, j’en suis à ma quatrième série de cures et qu’au final je ne compte plus trop dans le détail. La pauvre est encore un peu plus apeurée, elle vient seulement d’entamer  sa troisième cure.

Quel con je fais à me la péter avec mes records.

Vers 14h, une infirmière tente de me convaincre de nouveau pour un box et finie un quart d’heure plus tard par m’indiquer une chambre disponible. On me connecte sur ma chambre implantée la dose de prémédication et la chimio, dans environ deux heures je pourrai rentrer chez moi.

C’est à ce moment que je commence à rédiger ce message jusqu’au moment où mes yeux se troublent et ma vue ne distingue plus suffisamment ce que je viens de taper. Je laisse  ce texte où il est et le reprendrai plus tard, la douceur des nuages m’appelle…

Il est bientôt 19h, nous sommes rentrés depuis deux heures et je refais surface.

Ce matin, j’ai eu une longue discussion avec la toubib qui me suit avant chaque chimio. J’ai insisté sur mon état de courbatures permanentes et sur cette fatigue très pesante qui de jour en jour me fait perdre pieds et ne me permet plus de réagir correctement, aussi bien sur le plan physique que mental. La constatation de saturation du corps par les chimios est évidente pour tout le monde, mais où se trouve la solution.
Sans chimio, pendant un certain temps, je vais pouvoir me reposer et regagner quelques forces, mais le voyageur clandestin va en faire de même. S’il n’y a pas de solution (essais cliniques) et il n’y en a pas en vue, il faudra surement reprendre la chimio. Je pensai que je pouvais peut être reprendre Xtandi, mais suite au premier échec au bout de 18 mois, c’est apparemment impossible. Je suis donc condamné pour le moment à la chimio à vie avec quelques poses pour mieux les supporter ensuite.

Là, brusquement je n’ai plus trop envie de vous faire rire avec ma perception du système.
La chimio utilisée dans le cas de cancer de la Prostate fait partie des médicaments cytotoxiques qui ciblent les mécanismes impliqués dans la multiplication cellulaire en général (et détruisent donc toutes les cellules en multiplication rapide, y compris des cellules saines, d’où parfois des effets secondaires).

Depuis le début de mon parcours, je cherche à rentrer dans un système de thérapie ciblée, qui peut être également une chimio mais dans ce cas, un traitement qui s’attaquent aux mécanismes mêmes de l’oncogenèse avec une spécificité importante pour les cellules cancéreuses.

Nous allons peut-être coupé la poire en deux. Une chimio cytotoxiques (puisqu’il n’y a rien d’autre dans la pharmacie) dosée plus modérément et associée à une hormonothérapie ciblée contre la production de testostérones.

C’est un peu du bricolage mais il semble que de bons résultats en termes de confort sans propagation ont été enregistrés.

Un prochain point avec l’oncologue parait incontournable. La toubib de l’hospitalisation de jour va mettre le sujet en discussion à la prochaine réunion avec l’oncologue.

Effets secondaires et homéopathie

15 février 2017

Avant chaque injection de chimio (comme demain pour moi), je suis invité à consulté un médecin du centre anti cancer avec qui nous faisons le point sur les trois dernières semaines. Mes commentaires sur la quantité de réactions négatives constatées à chaque entrevue sont souvent une longue liste de désagréments pour ne pas dire de souffrances. Jusqu’à présent, la toubib qui me suit essayait tant bien que mal de juguler ces effets par la prise d’autres médicaments qui m’apportaient leur lot de réaction plus que du confort.

La dernière entrevue nous a permis d’envisager la contre-offensive vis-à-vis des effets secondaires sous un autre angle. L’ICM de Montpellier a mis en place des consultations d’homéopathie avec un médecin doté d’une solide expérience avec des patients atteints de cancer.

Après un entretien d’une qualité rarement rencontré dans le milieu médical, le médecin m’a proposé un suivi sur 2 mois pour tester mes réactions à ses posologies. Un grand nombre d’effets secondaires vont être pris en compte suivi si succès par d’autres traitements de fond pour améliorer les capacités du foie, de la circulation sanguine, du moral et d’autres bobos qui bout à bout me pourrissent la vie.

Petit extrait du menu en cours d’essai :

Granions : décontractant musculaire
Gelsemium : contre l’anxiété
Rhus Toxicodendron : anti douleur
Kalium : traitement des inflammations de la muqueuse de l’estomac
Mercurius corrosivus : traitement des gonflements de la région épigastrique ou de douleurs brûlantes au niveau de l’estomac
Staphysagria : agit contre les inflammations urinaires dues au stress
Magnes : Pour éviter les calculs urinaires ou rénals

L’avantage de cette méthode est très simple, ça marche ou ça ne fait rien, mais en aucun cas cela risque de développer d’autres effets secondaires.
Endurer une chimiothérapie n’a rien d’anodin. Ces traitements utilisés de façon systématiques sont incontournables pour gagner du temps et parfois guérir le patient, les médecines douces, en complément, peuvent être intéressantes pour soulager les effets secondaires. Dans ce cadre, l’homéopathie a toute sa place pour améliorer la qualité de vie dans le cadre d’une thérapie globale.

Voulez-vous aider la recherche médicale ?

10 février 2017

Francine travaille pour Corporate translation et recherche des personnes atteintes d'un cancer afin de relire un texte médical de 3 000 mots. Cet entretien vise à évaluer la qualité de la version traduite d’un questionnaire médical et à estimer si ladite traduction reflète avec précision le ressenti des patients et l’impact que le cancer peut avoir sur eux.

La relecture est rémunérée. Francine aura besoin de quelques renseignements à votre sujet: nom, prénom, date de naissance, années d'étude, téléphone, email, heures auxquelles on peut vous joindre. Bien entendu le tout restant confidentiel

Participer à cet entretien peut vous aider à prendre davantage conscience de votre ressenti par rapport à votre maladie ou à vos symptômes. Si vous êtes lecteur de ce blog, je pense que c’est un peu le but de vos recherches. Les informations recueillies durant l’entretien aideront à parfaire les traductions. Le fait de répondre aux questions peut non seulement être intéressant mais cela peut également vous conduire à une réflexion sur des points importants liés à votre maladie. Votre participation à cette étude permettra aux chercheurs de parfaire la traduction du questionnaire, qui servira pour d’autres patients dans le futur.

Merci de contacter Francine à l’adresse suivante: frania.francois@gmail.com

Tête de turc à postulé pour participer à cette enquête ainsi que d’autres Blogger comme Didier.

Journée mondiale 2017 contre le cancer

4 février 2017

Aujourd’hui, journée dédiée au cancer. Demain peut-être celle du caniche abricot, un peu comme dans ce roman Globalia, bouquin d'anticipation développant une dystopie (ou contre-utopie) écrit par Jean-Christophe Rufin et publié en 2004.

A quoi servent ces journées, s’il n’y a pas de changement de comportement derrière, aussi bien dans les décisions et comportements de ces "dominants" que des dominés. Est-ce que je dois prendre faits et causes pour cet événement.

Perso, je vais me faire une journée en famille avec un petit resto le midi et surtout, surtout, ne pas penser au cancer. J’ai peut-être 364 jours en reste pour ça.

Le temps passe et le cancer qui squatte mon univers, prend de plus en plus de place. J’en suis arrivé au stade du doute et de l’angoisse. Je ne veux aucune compassion et surtout pas de pitié et encore moins des encouragements en me précisant que je suis fort. Je le répète une fois n’est pas coutume, je ne suis pas fort. J’ai une façon d’être qui laisse penser…

5 ans après le début de ce voyage en connaissance de cause, puisque pour être à ce stade c’est que le crabe avait niché bien avant ça, je suis dans une phase un peu délicate. Je traverse une période où le doute prend le dessus, où les douleurs sont omniprésentes, et où les résultats d’examens ne sont pas au top. Pour la première fois comme un signe de défaite, mes toubibs m’ont proposé une consultation chez un psy et pourquoi pas un autre examen chez un homéopathe.

Je sens un vide se creuser dans mon corps, je ne peux plus rien faire sans que ça aboutisse à du verre cassé ou de la perte de mémoire, la fatigue est pressante, les nuits interminables, le regard de ma moitié qui me voit grimacer me font culpabiliser et à la finalité je ne sais plus comment exprimer ce mal être.

Je me soigne à grand renfort de ronron-thérapie avec notre dernier chaton et mes vieilles chattes historiques, le chien, lui, ne dort plus sur sa couverture mais se love à mes coté directement sur les tommettes. Chacun peut interpréter ces changements comme il l’entend, mais cela reste pour le moins perturbant.

Peut-être que dans 5 ans je vous parlerais de nouveau de cette impression pessimiste et vous me traiterez d’usurpateur. Pour le moment la seule chose que je vois c’est que l’ensemble des traitements que je supporte ne font que m’apporter plus de temps et énormément plus de désagrément, mais en aucun cas ne vont contribuer à apporter une solution au-delà de quelques mois sans un autre traitement, toujours aussi intrusif.

Communiqué, Source : OMS

Chaque année le 4 février, pour la Journée mondiale contre le cancer, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et le Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC) soutiennent l’Union internationale contre le cancer (UICC) pour promouvoir les moyens de faire reculer la charge de morbidité imputable à cette maladie.


Le cancer est une cause majeure de mortalité dans le monde, responsable de 8,2 millions de décès par an. Cependant, nous savons que plus du tiers de ces décès peut être évité et que, détectés suffisamment tôt, de nombreux cancers peuvent être guéris. Le cancer ne connaît pas de frontière et il nous affecte tous, ou nous affectera, de façon directe ou indirecte au cours de notre vie…


Sous le slogan « Nous pouvons, je peux », la Journée internationale du cancer 2016-2018 étudiera comment chacun, en groupe ou individuellement, peut prendre part à la réduction du fardeau mondial du cancer.


Si je peux me permettre, je reprends la parole pour vous donner mon point de vue. Nous sommes dans un monde où les ONG sont en charge de la gestion des malheurs et de la misère du monde. Les gouvernements continuent de promouvoir la rentabilité et "la croissance". Donc nos oligarques qui dominent ce monde, préfèrent laisser libre court à Monsanto et d’autres apprenties sorciers qui empoisonnent la planète, plutôt que de construire un avenir pour leurs propres enfants.

Si nous laissons faire. Si vous laissez faire parce que je ne pourrais surement pas vous aider beaucoup, le monde de Globalia pourra devenir une réalité.

Ostéo-nécrose mandibulaire.

31 janvier 2017

Hier, pour changer un peu des visites chez l’oncologue ou en hospitalisation de jour pour les injections de chimio, j’étais invité pour une consultation au service d’odontologie de la faculté de soins dentaires de Montpellier afin d’effectuer un bilan sur les risques encourus par la poussée d’os dans ma mâchoire inférieure. Une ostéo-nécrose mandibulaire.

Ce phénomène est apparu il y a quelques années sur la liste des effets secondaires des biphosphonates, Zometa ou Xgeva, médicaments utilisés pour le traitement des métastases osseuses. Ce désagrément a été constaté dans environ 10% des cas de patients sous traitement et bien entendu, je ne l’ai pas raté. Pour rappel, je suis sous Xgeva depuis juillet 2013 à raison d’une injection par mois.

L’ostéo-nécrose peut être déclenchée suite à une extraction dentaire d’un patient sous traitement d’un de ces médicaments. C’est la raison pour laquelle un bilan dentaire est toujours indiqué avant de débuter ce médoc. Pour ce qui est de l’apparition sans intervention de chirurgie dentaire, il n’y a pas d’explications. Par contre on sait comment les choses peuvent évoluer avec environ 10 ans de recul et d’analyses.

Comme un fruit arrivé à maturité, l’excroissance osseuse va tomber au bout d’un "certain temps", et c’est là que les choses peuvent se compliquer s’il n’y a pas eu d’infection au préalable, ce qui est mon cas. J’ai la chance de ne pas avoir d’infection ou de douleurs, je ressens simplement une gêne importante. L’hygiène dentaire sans excès (ne tuez pas vos bactéries buccales avec trop de bains de bouche) est surement la solution préconisée pour éviter une infection.

Donc, au bout d’un "certain temps", les os indésirables se détachent. C’est d’après la description du Professeur qui m’a donné les explications le moment le plus délicat. Risques de douleurs, d’infections, de saignements…

Il ne faut pas hésiter à contacter un stomato rapidement pour une intervention qui consistera à retirer les os détachés pour ensuite traité rapidement la gencive qui se retrouvera à vif et ainsi éviter les complications.

Pour ce qui est du Xgeva, l’oncologue en constatant les effets a stoppé les injections. Les douleurs et la propagation des effets collatéraux n’ont pas attendu bien longtemps pour se faire ressentir. Malgré une bonne dose régulière d’antalgique je suis perclus de douleurs. Les effets secondaires des biphosphonates étant constatés, le professeur du service d’odontologie est d’avis de reprendre le traitement.

Dans mon précédent message, je pestai une fois n’est pas coutume contre le silence et les non-dits du corps médical. A la faculté de soins dentaires de Montpellier où j’ai été reçu par ce Professeur, je viens de vivre l’inverse. Jamais je n’ai rencontré un homme de médecine autant à l’écoute, prévenant et très limpide dans ses explications sur l’état des connaissances, ce qu’il sait, ce qu’il ne sait pas et sur le soutien qu’il peut m’apporter. Un homme qui répondait à toutes nos questions, celles de ma moitié et les miennes. Un homme capable de comprendre qu’il y a une vie à côté du cancer et qui s’y intéresse, un homme qui sans que je me plaigne, savait que ma dose de douleurs ne me prédisposait pas à partir par l’escalier pour trois étages vers la sortie et qui nous a accompagné jusque dans l’ascenseur des médecins en tapant son code privé pour nous permettre de l’utiliser.

Merci Monsieur pour ce moment d’échange et de confiance entre humains.