Trois ans de publication

Trois ans et plus de 100 000 connexions sur mes écrits, mes sauts d'humeur et mes délires.
Merci mes lecteurs chéris. Que cette aventure dure encore longtemps, vous n'y êtes pas pour rien.

Cancer, la fatigue plus forte que tout

29 août 2015

La fatigue liée au cancer est complètement invalidante. De simples activités comme participer à une discussion, lire, prendre une décision, monter un escalier, s’habiller, etc...
deviennent de vraies épreuves.

Une mauvaise fatigue c’est celle qui vous accompagne dès le matin après une nuit bien trop courte. Vous vous levez plus par lassitude d’être au lit sans dormir que par envie de faire quoi que ce soit.

La fatigue est un des symptômes les plus fréquents chez les malades du cancer. Ses traitements que ce soit chimio, rayons ou médicaments, contribuent très largement à ce sentiment d’être vidé. Lorsque l’on est en bonne santé, la fatigue est un phénomène normal à la fin d’une journée de travail ou après une activité physique ou intellectuelle. Si elle est parfois gênante, elle a peu de répercussions dans la vie quotidienne. Une nuit de sommeil permet le plus souvent de récupérer.

Une fatigue liée à un cancer est nettement plus importante. Elle n’est pas ou peu soulagée par le sommeil. Cela va au-delà d’un simple sentiment de fatigue permanente.

Une grande fatigue sans effort particulier ou un affaiblissement général de l’organisme (appelés aussi asthénie) éprouvés par une personne atteinte d’un cancer sont très différents de ceux d’une personne en bonne santé.
Cette fatigue est souvent proche d’un état dépressif. Je me suis longtemps senti plus fort et comme beaucoup d’entre nous la dépression était quelque chose pour les faibles. Alors il faut croire que je suis très faible.
Les toubibs ne cherchent d’ailleurs pas à soulager le malade de sa fatigue en dehors de leur orientation vers un psy. Jamais un seul de ces pros de la santé ne m’a proposé de médicaments ou de vitamines pour contrer cette fatigue.

J’ai subi une première série de chimio il y a maintenant 3 ans. J’ai suivi tous les protocoles de traitements que mes toubibs avaient dans leurs sacs et je suis sur la fin d’une nouvelle série de 10 cures de chimio. Je passe mon temps entre deux cures (toutes les trois semaines) à gérer les effets secondaires comme par exemple la baisse vertigineuse d’immunité.

Nous arrivons au bout de ces trois ans à entre-apercevoir un léger mieux. Les métastases régressent. Mais c’est un peu comme au lendemain d’une guerre, autour de vous tout est dévasté, tout est en ruine, vous êtes vivant mais vous avez perdu beaucoup de choses auxquelles vous teniez. Vous êtes vivant, encore abasourdi par les résonances des bombardements. En fait, vous n’êtes plus trop sûr d’être vivant.

Pour continuer à avancer, il va falloir traverser le champ de mine qui se profile devant vous.

Une matinée en hospitalisation de jour

21 août 2015

Il est 8:30 nous nous garons à l'ombre des pins maritimes de l'institut du cancer de Montpellier. Dans une demi-heure j'ai rendez-vous pour ma huitième cure de chimio sous Vejtana.

C'est devenu une routine, un automatisme. En bon patient docile, je passe la porte, glisse ma carte Vital dans la fente de la borne pour demander mon ticket numéroté, puis vais m'asseoir toujours aussi docilement dans la salle d'attente.
Malgré l'horaire matinal de ce rendez-vous, la salle est déjà bien remplie. De la bourgeoise guindée au baba-cool au sourire béat en passant par le petit vieux tout sec, ici toutes les couches de la société se côtoient.

Je reconnais certains visages. Le délai entre chaque cure est identique pour tous. Comme d'habitude je constate la peur au ventre les dégradations physiques d'un certain nombre de patients. À ma gauche une femme bien trop jeune pour être là a perdu du poids par rapport à sa dernière visite, plus loin une autre malade a laissé sa prestance dans sa salle de bain ce matin et la compose difficilement derrière sa perruque. Chaque visite en ces lieux nous plonge un peu plus dans l'horreur du couloir de la mort. C'est en côtoyant le désespoir que l'on finit par développer ses propres espérances.

Les numéros s'égrènent dans le désordre avec le carillon sur l'écran mural. 16, bureau A1. C'est le passage de l'identification. Après avoir vérifié votre nom, prénom et poids, l'hôtesse d'accueil vous met un joli bracelet bleu en plastique avec votre identité hospitalière. Je me nomme M154014614.

Quelques minutes après c'est l'entretien de contrôle avec un médecin. Il va lancer la commande du poison qui va me pourrir la vie, jours et nuits, la semaine prochaine. Là vous pouvez tout demander, rien ne vous est refusé. De l'anti dépresseur au stimulant sexuel, du diurétique au laxatif, vous pouvez faire la liste des courses, les ordonnances frétillent. L'entretien est bref et se termine toujours par "Bon courage Monsieur..." pourquoi pas "Bonne chance..."

De retour pour quelques minutes dans la salle d'attente, je suis rapidement pris en charge par une infirmière. Elle m'indique le box 12 que je refuse. Oui, je suis un bourgeois du cancer, Madame, un aristo des globules blancs, je ne vais jamais en box, toujours en chambre. Les gestionnaires de l'hospitalisation de jour développent de plus en plus les soins en box, ni plus ni moins que des salles communes au mépris des risques pour un malade en déficience immunitaire. Un hôpital, au même titre que n’importe quelle industrie, doit créer de la rentabilité et du profit pour ses actionnaires.

Le confort d'une chambre n'est pas un luxe pour recevoir ce poison. L'infirmière met en place sur le Port-a-cath la perfusion. Dans une heure nous serons sur le retour, ma moitié au volant et moi à côté à guetter les premiers effets de mon shoot.

Dans 4 jours je serai au plus bas de ma défense immunitaire et là, je dois me cloitrer chez moi, ne pas recevoir, ne pas sortir et me faire moi-même mes piqures de Zarzio, molécule qui va activer la production d'anticorps via la moelle épinière à grand renfort de douleurs insupportables.

Puis vient le temps du répit, une petite semaine avant de gérer les problèmes gastriques et repartir à l’institut du cancer de Montpellier pour la nouvelle injection de poison. Ce poison qui d'après les derniers résultats est très actifs contre la propagation de mon compagnon de voyage.

Souffrir pour gagner du temps sur la bête et se donner de l'oxygène pour d’autres voyages, ceux que l'on choisit.

Je vous ai décrit cette journée et ses conséquences en la vivant en direct. Les anecdotes sont donc du vécu. Certes, les effets secondaires sont parfois moins intrusifs. Mais l'épisode de la perte immunitaire reste incontournable.

Après le réconfort, l'inconfort

5 août 2015

Je ne reviens pas sur ma satisfaction au regard des derniers résultats.
J'ai rapidement enchaîné sur une nouvelle série de cures de chimio avec du Jevtana. Cette nouvelle série va me conduire jusqu'à mi octobre avec l'espoir d'un résultat encore plus probant. La bonne nouvelle s'il y en a une sera à terme davoir gagné du temps sur le cancer. Cette promesse de réussite devrait me permettre de vivre sans soins particuliers hormis le traitement hormonal de base, avec une visite de contrôle chez l'oncologue tous les trois mois.

Là, je n'ose même plus utiliser le mot confort, tellement cet espoir de liberté est grand. Bien entendu cette période de calme ne durera qu'un temps et un jour, le cancer reprendra le dessus ;  d'ici là il y aura à n'en pas douter des nouveaux traitements dans leur pharmacie.
En attendant ce jour de liberté, il y a tout ce parcours à assumer, toutes ces souffrances à accepter, tout cet inconfort à supporter.

Chaque cure de chimio me rend plus vulnérable. Sur les jours qui suivent les injections de cette chimie, je collectionne les douleurs comme si mon corps bouillonnait de l'intérieur. Je suis à la fois exténué et complètement exalté.

Le sommeil que j'avais retrouvé c'est de nouveau évaporé. Je passe le plus clair de mes nuits à regarder le plafond.

Alors pour ne pas faire chavirer mes pensées, j'entame mes futurs voyages. Du haut du Machu Picchu, je scrute l'horizon et j'imagine des passerelles de nuages qui m'ouvrent des portes vers le Canada, l’Écosse...