Une journée en chimio

16 février 2017

La journée qui va me pourrir la vie pendant les semaines à venir est là, devant moi. Comme à chaque fois, j’hésite avant de monter en voiture pour me rendre en hospitalisation de jour prendre ma dose de poison. Ce matin, comme un obstacle de plus, les médias s’en donne à cœur joie sur l’affaire du docétaxel, générique du Taxotere qui a provoqué plusieurs cas d’entérocolites fatales produit que j’ai le bonheur de tester il y a moins d’un an. Je n’avais pas besoin de ces commentaires pour entretenir mes doutes.

Une demi-heure de voiture avec le véhicule de ma moitié qui m’accompagne pour rejoindre l’ICM. Au retour je ne serai plus en état de conduire. Depuis peu, mes rendez-vous sont programmés en fin de matinée, un moment où le peu de chambres disponibles en ces lieux sont occupées. Je vais encore devoir défendre mon point de vue sur la réception des patients et solliciter le médecin pour obtenir une chambre. La solution alternative est le box, ni plus ni moins qu’une salle commune avec des fauteuils séparés par un rideau. Un chef d’œuvre d’intimité et une version future des soins à moindre coût.

Mais moi, Madame, Monsieur, je suis un aristocrate de la chimio, un esthète de la qualité des soins, un vrai cauchemar pour les administratifs qui organisent l’hôpital avec de moins en moins de personnel, de moins en moins d’infirmières. Personne ne me fera plier, je ne mettrai jamais les pieds dans une salle commune. C’est suite à deux expériences du genre que je me permets cette réflexion.

Les personnes qui vivent un cancer sont toujours atteintes de fatigue extrêmes, et sont souvent en baisse de défense immunitaire. La solution d’avenir serait la convivialité entre malade pour un libre échange des microbes ?

C’est quoi votre cancer à vous ? et en plus vous avez chopé la grippe ?
Ha, ce n’est pas très cool.
Moi, c’est moins grave, il parait que l’on peut s’en sortir, des fois…
Enfin je veux le croire…

Alors, ok, on va me donner une chambre, mais il faut attendre.

Retour dans la salle d’attente, les hôtesses d’accueil me connaissent bien, au bout de cinq ans de traitement, je suis encore là, un des seuls avec le carnet de suivi d’origine en couleur. Aujourd’hui, les patients ont des carnets bricolés avec de simples copies d’un livret original. Les plaquettes de l’ICM qui a changé de logo sont, elles, flambant neuves sur couché 300 gr avec vernis…

A midi trente, la salle d’attente se vide. On me propose un plateau repas froid avec une soupe aux légumes. Je m’installe avec deux, trois autres malades dans un coin et nous commençons à échanger nos points de vue sur la qualité de la nourriture et nous interrogeons plus précisément sur la méthode utilisée pour éliminer avec tant de perfection le goût des aliments et les rendre si insipides. C’est proche de la perfection.

Puis, naturellement nous échangeons sur notre maladie tout en gardant une part de pudeur et d’intime. La jeune femme à mes côtés, me demande le nombre de chimio que j’ai eu jusqu’à ce jour. Je lui explique qu’en cinq ans, j’en suis à ma quatrième série de cures et qu’au final je ne compte plus trop dans le détail. La pauvre est encore un peu plus apeurée, elle vient seulement d’entamer  sa troisième cure.

Quel con je fais à me la péter avec mes records.

Vers 14h, une infirmière tente de me convaincre de nouveau pour un box et finie un quart d’heure plus tard par m’indiquer une chambre disponible. On me connecte sur ma chambre implantée la dose de prémédication et la chimio, dans environ deux heures je pourrai rentrer chez moi.

C’est à ce moment que je commence à rédiger ce message jusqu’au moment où mes yeux se troublent et ma vue ne distingue plus suffisamment ce que je viens de taper. Je laisse  ce texte où il est et le reprendrai plus tard, la douceur des nuages m’appelle…

Il est bientôt 19h, nous sommes rentrés depuis deux heures et je refais surface.

Ce matin, j’ai eu une longue discussion avec la toubib qui me suit avant chaque chimio. J’ai insisté sur mon état de courbatures permanentes et sur cette fatigue très pesante qui de jour en jour me fait perdre pieds et ne me permet plus de réagir correctement, aussi bien sur le plan physique que mental. La constatation de saturation du corps par les chimios est évidente pour tout le monde, mais où se trouve la solution.
Sans chimio, pendant un certain temps, je vais pouvoir me reposer et regagner quelques forces, mais le voyageur clandestin va en faire de même. S’il n’y a pas de solution (essais cliniques) et il n’y en a pas en vue, il faudra surement reprendre la chimio. Je pensai que je pouvais peut être reprendre Xtandi, mais suite au premier échec au bout de 18 mois, c’est apparemment impossible. Je suis donc condamné pour le moment à la chimio à vie avec quelques poses pour mieux les supporter ensuite.

Là, brusquement je n’ai plus trop envie de vous faire rire avec ma perception du système.
La chimio utilisée dans le cas de cancer de la Prostate fait partie des médicaments cytotoxiques qui ciblent les mécanismes impliqués dans la multiplication cellulaire en général (et détruisent donc toutes les cellules en multiplication rapide, y compris des cellules saines, d’où parfois des effets secondaires).

Depuis le début de mon parcours, je cherche à rentrer dans un système de thérapie ciblée, qui peut être également une chimio mais dans ce cas, un traitement qui s’attaquent aux mécanismes mêmes de l’oncogenèse avec une spécificité importante pour les cellules cancéreuses.

Nous allons peut-être coupé la poire en deux. Une chimio cytotoxiques (puisqu’il n’y a rien d’autre dans la pharmacie) dosée plus modérément et associée à une hormonothérapie ciblée contre la production de testostérones.

C’est un peu du bricolage mais il semble que de bons résultats en termes de confort sans propagation ont été enregistrés.

Un prochain point avec l’oncologue parait incontournable. La toubib de l’hospitalisation de jour va mettre le sujet en discussion à la prochaine réunion avec l’oncologue.

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