La pharmacie de mon cancer de la prostate

07 février 2014

Hier était le jour de la visite trimestriel à mon oncologue, 10 minutes pour faire le point sur mon état, et sur l’inventaire et le renouvèlement ou pas de mes médocs.

La visite a quelque chose de surréaliste, j’entends mon toubib à l’extérieur commenter sa dernière intervention sur un autre malade à proximité de la pièce où une infirmière m’a précédemment accompagné, il fait le yoyo entre deux à trois salles de consultations dans le même couloir en évitant les collisions avec ses confrères qui font la même chose. Lorsque j’ai fait mes études, un principe de base sur la circulation des flux dans une production efficace consistait à organiser un circuit sans obstacles donc sans croisements, ici, ce n’est pas encore acquis.

Le toubib rentre dans la salle avec un jeune interne, « comment allez-vous M. Tête de turc ?  Ben, pas trop fort, sinon je ne serai pas là. »
C’est conventionnel de demander des nouvelles mais un peu lourd à mon sens. Ensuite tout va très vite, il regarde le contrôle sanguin de la veille, ça ne s’aggrave pas, ça ne régresse pas non plus, donc c’est que tout va bien.
Ha ! J’oubliai, l’examen, il ne faut surtout pas oublier un petit coup de stéthoscope pour vérifier que je suis bien vivant, la tension a été prise il y a trois mois, on verra surement la prochaine fois.
Je lui explique mes problèmes d’œdèmes, de fatigue, de pertes de mémoire, de douleurs, de doutes et d’inquiétude. Je gagne un médoc de plus sur l’ordonnance, au revoir et à dans trois mois.
Je dois être hypocondriaque, pourquoi s’inquiéter quand on a un cancer et que l’on est en traitement palliatif.

Un petit tour au secrétariat pour planifier le prochain rendez-vous, là aussi l’efficacité prime avant tout, un quart d’heure d’attente pour se trouver devant un bureau de secrétaire à deux tête, l’une qui pose des questions l’autre qui note les réponses, et voilà mon carnet de rendez-vous est complété.

Il ne me reste plus qu’à faire le point sur mon stock de pharmacie qui me tient en vie sauf accident imprévu pour les trois mois à venir.

Eligard, Traitement hormonal de base du cancer de la prostate. Pour faire court, castration chimique pour couper les vivres à cette glande trop perturbée. Comme un grand nombre de malade, je suis hormono-résistant ce qui signifie que seul ce traitement n’agit pas, d’où le fait de continuer à le prendre en l’associant aux autres traitements.
Les effets secondaires, rétention hydrique, œdèmes, bouffées de chaleur, flush, impuissance sexuelle.

Après l’échec de la chimio, suivie de l’échec du Zytiga, je suis aujourd’hui sous Enzalutamide, nom commercial Xtendi. C’est un anti-androgène non stéroïdien. Il s'agit d'un inhibiteur des récepteurs aux androgènes. Les effets secondaires, chutes, fractures osseuses, hallucinations, anxiété, sécheresse cutanée, démangeaisons, tension artérielle élevée, faible quantité de globules blancs, troubles de la mémoire, difficultés à penser de façon claire.
En dehors de tout ça dont je porte une bonne partie, ça à l’air de fonctionner plutôt pas mal, ce qui signifie comme le dit mon toubib plus haut que ça ne progresse plus.

A ce stade, j’ai déjà le bid à l’envers, une mémoire plus que défaillante et l’aspect du bibendum d’une grande marque de pneus, je pisse rarement et peu avec des douleurs. Les métastases se promènent tranquillement sur les ganglions et sur les os.

Alors il y a la pléiade de médocs pour corriger ces effets secondaires.

Omeprazole, pour détruire les secrétions acides de l’estomac. Zoxan pour contrer l’hypertrophie de la prostate, pour améliorer la « dynamique urinaire, un peu comme un massage salvateur de cette glande pour la décontracter avec évidement encore d’autres effets secondaires, fatigue, chute, pression artérielle, œdèmes, tiens encore œdèmes. Je vais finir par rouler au lieu de marcher.
Solupred, corticoïde anti-inflammatoire pour calmer ces inflammations internes avec comme effets secondaires, rétention d’eau, pour aider un peu les œdèmes à s’arrondir, trouble de l’humeur, surement pour m’aider à retrouver la mémoire, trouble du sommeil et fragilité osseuse. Sur ce dernier, j’ai tout pris…

Xgeva pour prévenir des problèmes osseux associé à du calcium.

Et le petit dernier qui a pour but de faire dégonfler bibendum. Lasilix un diurétique à action puissante et rapide, utilisé normalement dans le traitement de l’hypertension artérielle et des œdèmes. Effets secondaires risque d’hypotension de la pression artérielle, obligation de surveiller sa tension de près et risque de fatigue intense.

Voilà, je crois n’avoir rien oublié du savant cocktail. Les indispensables et les compléments pour corriger un peu les dégâts provoqués sur la bête. Il ne me reste plus qu’à penser à les prendre en restant zen, et pour la fatigue qui se cumule, comme mon boulot, première victime de mon cancer, est mort, je peux dormir 18 heures comme les chats si je veux.

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