14 février 2014
Nous sommes tous
attachés à nos souvenirs comme à un trésor. Une infime partie de ces pensées en
constituent les pépites. L’histoire que je vais vous raconter fait partie de
ces moments inoubliables qui font corps à ma mémoire.
J’avais une vingtaine
d’année, un mois d’août en vacances avec mes amis qui apprenaient déjà à être
breton le temps d’un été au camping de la pointe de Gâvres, presqu’ile face à
Lorient. Jean-Claude m’avait tellement parlé de ce coin de paradis et de
l’atmosphère des lieux que je n’avais pas été long à convaincre quand il m’avait
proposé de venir les rejoindre pour partager ces moments délicieux.
Nous passions nos
journées comme de bons touristes entre la plage, les apéros, et la pêche aux
coques à marée basse les pieds dans la vase. Le matin nous passions sur la
place du village et assistions quelques fois à la levée du drapeau rouge dans
la cours d’un vieux loup de mer. Ce drapeau n’était en rien une indication de
baignade mais une réponse de camarade grincheux et asocial au curé qui face à
sa maison faisait régulièrement sonner les cloches, il y avait un peu de
l’ambiance de Don Camillo version bretz. J’aimai bien cette provocation et me reconnaissais
dans cet anticléricalisme affiché.
Jean-Claude qui était
venu plusieurs fois avait déjà avec un ami étendu le cercle de ses
connaissances, et c’est grâce à ces contacts qu’un jour, Yvon nous a proposé de
venir passer une nuit sur « La Belle Bretonne ».
Yvon était marin
pêcheur et vivait avec deux autres équipiers de sa pêche, pratiquée la nuit sur une pinasse sardinière « La Belle Bretonne ».
J’avais déjà navigué
sur des bateaux de plaisance mais jamais vécu une nuit sur un bateau de pêche à
dimension humaine d’environ 10 à 15 mètres qui souvent pratique la pêche côtière
en partant le soir pour rentrer au lever du soleil, ces bateaux d’artisans de la mer, outils d’un métier synonyme d’aventure
et permettant de faire un voyage dans le voyage.
C’est ok pour demain soir, nous fonçons nous équiper
à la coopérative des pêcheurs, parce que sur ce genre d’expédition, tu ne pars
pas avec un Kway et tes bottes de plage et le lendemain à 22 heures pétante,
nous sommes au rendez-vous sur le quai du port devant « La Belle Bretonne ».
Yvon nous présente le reste de l’équipage qui doit
bien se marrer de voir ces marins d’eau douce avec leur super équipement de
ciré jaune rutilant et sans odeur si ce n’est celle du plastique comme pour affronter
les grands larges. Le bateau quitte le port sur une mer d’huile et nous
arrivons au bout d’une demie heure sur la zone de pêche, là c’est un jeu entre
les écoutes sonar et les contacts radio avec les autres bateaux, un poker pas
très cool. Un premier filet est jeté et remonté sans grand-chose, puis un
deuxième et un troisième. Soudain, Yvon comme un chercheur d’or qui découvre sa
première pépite nous intime de nous écarter, les choses sérieuses vont
commencer, nous sommes cantonné à remplir la soute après la remonté des filets.
Remplir la soute est le cas d’une pêche d’ordinaire, cette nuit là nous avons
fait déborder « La Belle Bretonne » de sardine, il y en avait partout
même dans nos bottes. Puis le calme revient, le sourire de contentement d’un
travail bien fait sur les visages des marins pêcheurs qui nous ont acceptés à
bord nous permet d’avoir des échanges plus chaleureux. Il ne reste plus qu’à naviguer
vers la criée de Lorient pour tirer un maximum de profit de cette pêche.
« Un coup de gwin ruz, chti gars, c’est du
gazoil, du bon, 3 étoiles ». Il est 4 heure du matin c’est l’heure du casse-croute
fromage, charcuterie, accompagné d’un rosé ou de rouge qui fait des trous dans les
chaussettes.
Nous aidons la mise en caisse avec la glace avant de
débarquer sur les quais de la criée pour le mareyeur, et doucement rentrons au
port de Gâvres il est 7 heure du matin environ, fourbu, un peu ivre mais un
souvenir plein d’étoiles dans les yeux et le cœur.
Il y a quelques années, j’ai retrouvé « La
Belle Bretonne » à moitié en ruine à proximité du sens giratoire de l’entrée
de Gâvres. Depuis des jeunes un peu trop alcoolisés ont mis le feu à ce qu’il en
restait.
Comme tous les hommes j’ai toujours conservé ce côté
gamin qui s’émerveille devant les maquettes ou les modèles réduits en général
et c’est naturellement que je me suis mis au travail sur ce chantier naval pour
faire renaitre « La Belle Bretonne ». J’ai tout mon temps, la maladie
ne me permet plus de travailler, alors quitte à s’occuper autant puiser dans
cette mémoire quelque peu défaillante ce qu’il reste de pétillant pour faire
durer cette part d’aventure même si c’est au 1/20 ème.
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