Mon cancer au quotidien

11 mars 2016

Je me lève ou plutôt, j’ai l’impression de me relever, comme si j’avais été agressé, un coup de matraque derrière la nuque. C’est mon ressenti chaque matin après mes trois heures de sommeil lourd, consécutifs à une nuit passée dans la contemplation du plafond de la chambre à ruminer les secondes qui s’étirent.

Il est presque dix heures et le soleil est déjà bien haut. Je n’ai pas été réveillé par les bruits discrets de la vie quotidienne de ceux qui m’entourent. Nous ne sommes pas sur le même fuseau horaire et nos insomnies ne se chevauchent pas.

Un rapide passage dans la salle d’eau, devant le miroir qui me confirme une fois de plus que je ne suis plus moi-même. Entre le ressenti et le réel, chaque jour creuse l’écart. Il y a quatre ans le cancer commençait à m’accompagner, aujourd’hui, c’est moi qui l’accompagne. Jamais plus rien ne sera comme avant et mes désirs d’évasion restent en suspens au bon vouloir des traitements.

Quatre années à passer de chimio en traitements hormonal pour repasser par la chimio avec ses effets secondaires qui ont ruiné ma défense immunitaire. La fatigue est devenue une norme, les bouffées de chaleur un détail, le dessèchement de la peau une simple constatation, la coiffure est en vrac et les dents qui me lâchent ne font que compléter un tableau qui devient de plus en plus terne. Je ne peux plus rien avaler sans avoir de problèmes de digestion, mes déplacements sont limités au bon vouloir de mes œdèmes, ma capacité intellectuelle et ma concentration ne tiennent plus qu’à un fil. La seule maitrise qu’il me reste, est la patience et de préférence en silence pour ne brusquer personne.

Les journées sont aussi longues que les nuits. Midi et l’heure du repas à deux arrive facilement sans attendre, avec mon épouse nos horaires reprennent un chemin cohérent. Un bref regard vers les actualités pour rester collé à ce monde et ensuite vient le moment de la recherche d’activité sans gout aucun pour un choix déterminé. Sortir dehors avec le froid qui est encore présent ne me motive pas vraiment. Je suis devenu très sensible aux basses températures. Il est bien loin le temps où je pratiquai l’escalade hivernale sur les hauteurs de Chamonix. Le refuge à cette incapacité à se trouver une occupation est le plus souvent la lecture quand j’ai suffisamment de concentration disponible, autrement c’est devant un écran que je me vautre sur le canapé pour regarder un film dont je serai totalement incapable de raconter l’histoire 5 minutes après la fin.

Doucement, très doucement l’après-midi s’efface pour laisser place à la fin de journée. C’est peut-être là que je me retrouve encore le mieux. Je plonge dans les réserves pour trouver une recette à concocter, des restes à accommoder ou simplement une sauce à élaborer pour ne pas laisser les pâtes ou le riz seuls dans l’assiette. J’éprouve un plaisir indéniable à arranger des mets et à dresser des plats aussi bons que beaux.

Passé ce moment de plaisir autour de la table, la soirée est déjà bien avancée et je reprends le rythme alterné entre le bouquin et l’écran en essayant de maitriser mes problèmes digestifs. Un dernier tour par la salle de bain sans regarder celui qui me fait face et je me couche sans conviction. Je suis fatigué mais le sommeil vient rarement. Une fois de plus, le téléphone n’aura pas sonné de la journée, les mails se font rares et dans l’attente je patiente en silence.

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