Le parcours du combattant

19 mars 2016

L’eau ruisselle à l’horizontal sur les baies vitrées de ce TGV qui nous emmène sur Paris. Nous quittons notre Sud pluvieux pour la capitale ensoleillée. Marc mon frère de combat, notre hôte et notre guide dans cette étape nous attendra gare de Lyon. J’ai enfin obtenu un rendez-vous de consultation sur Villejuif à L’institut Gustave Roussy. Accompagné de ma moitié, nous ne sommes pas seuls dans ce périple. Depuis l’annonce de ce rendez-vous sur l’IGR dans un dernier post, les messages privés de soutien et d’encouragement ne cessent de tomber. C‘est la plus grande satisfaction que je tire de ce blog, le bonheur de partager les bons et les mauvais moments, la force de ces relations virtuelles qui pour certaines sont devenues concrètes.

Il y a bien longtemps que je ne suis monté dans un train. Du temps de mon activité professionnelle, c’était avion ou voiture. Le train a son avantage qui est d’arrêter le temps et de laisser la rêverie vagabonder au gré des paysages. Nous passons à près de 300 km/h de la pluie à la neige pour retrouver 5 minutes plus tard une campagne verdoyante sous le soleil. Les voyages en train me rappellent mon enfance et les départs en vacances. Nous étions huit voyageurs dans un compartiment à scruter les paysages en noir et blanc qui se trouvaient encadrés sur les cloisons. Le paysage, le vrai, défilais lentement derrière la vitre où il ne fallait pas se pencher. Nous faisions le même voyage tous les ans et il n’y avait pas beaucoup de surprises ou de changements.

Les douleurs aigues dans le bassin et la poitrine me rappellent que ce trajet n’a pas vocation touristique. La densité des habitations annonce l’arrivée prochaine sur la capitale. Nous changeons d’univers pour nous retrouver dans une fourmilière qui nous donne le vertige. Marc nous accueille au pied de la gare, nous passons par le studio qu’il nous a préparé pour notre séjour, une pause repas et nous partons de suite pour l’IGR de Villejuif. Ici chaque membre du personnel soignant ou non est volontaire et ce petit détail change tout sur la qualité de l’accueil. Plan Vigipirate renforcé, la sécurité est de rigueur et le contrôle de nos sacs est effectué avant de pénétrer dans le hall. Les formalités administratives se font rapidement avec le sourire des intervenants, Marc, notre guide particulier qui en connait tous les recoins joue son rôle d’accompagnateur avec une grande maîtrise. Nous avons bien 1 heure d’avance sur le rendez-vous au moment où nous entrons dans l’espace d’attente et à notre grande surprise, à peine 5 minutes après notre arrivée, un homme en blouse blanche appelle mon nom et vient nous saluer. C’est le médecin qui se déplace pour venir chercher ses patients et les guider jusqu’à son lieu de consultation.

L’accueil est chaleureux, d’un simple échange de regard avec ma moitié, nous avons compris qu’ici la maladie, le malade et son univers font partie prenante des entretiens avec l’équipe médicale. Nous sommes entre humains. Le médecin commence par me faire un point sur mon dossier, et me demandes quelques informations personnelles sur mon ressenti et mon vécu de chaque étape que j’ai traversé. Le Professeur Fizazi responsable du service urologie a également étudié de façon approfondie mon cas et c’est en concertation avec mon interlocuteur qu’ils ont décidé de ne pas m’intégrer de suite sur un essai clinique.

Les explications sont argumentées et claires. Il y a encore peu de temps les essais cliniques en phase 1 (juste après les tests sur les animaux) pouvaient être proposés sur condition de compatibilité et d’état de santé du patient et en fonction du nombre de place attribués à cet essai. Sans plus approfondir, les résultats favorables étaient de l’ordre de 10 à 15 %. Les conditions d’attribution sont aujourd’hui beaucoup plus drastiques et le pourcentage de réussite sur ces médicaments innovants sont maintenant de l’ordre de 70 %. Je ne rentre pas pour le moment dans cette possibilité d’attribution et comme me l’avait précisé l’oncologue de Montpellier, seul les médicaments que j’ai déjà côtoyé sur ces 4 années peuvent encore me porter plus loin. Il n’est pourtant pas obligatoire de reprendre une chimio que j’ai interrompu il y a 4 mois. L’oncologue de l’IGR préconise de reprendre le traitement par voie orale avec du Xtandi sur une période de trois mois ; suite à quoi il sera toujours possible de reprendre une chimio si mon état de santé le nécessite.

D’ici trois mois ou peut-être un peu plus les molécules des médicaments utilisés en immunothérapie pour le cancer de la prostate auront évolué et étant enregistré sur l’IGR de Villejuif je pourrai en bénéficier. D’après mon hôte médical, il n’est d’ailleurs pas impossible que ce traitement soit disponible également sur Montpellier avec qui ils ont l’intention de collaborer sur cet essai thérapeutique très prometteur.

Un résumé de cet entretien et des propositions de traitements va être communiqué à mon oncologue de Montpellier ainsi qu’à mon médecin traitant. La consultation est terminée, nous nous saluons avec la certitude de se revoir dans quelques mois. Avant de me lâcher la main, le médecin me précise que je suis « en bonne santé » pour ce que j’ai.
J’apprécie à sa juste valeur cet encouragement à continuer cette lutte.

En sollicitant cette rencontre, je voulais simplement avoir un autre avis à un moment charnière de ma maladie et je m’attendais bien entendu à la confirmation de traitement du fait que j’ai épuisé la pharmacie. Mais la cerise sur le gâteau est quand même la liberté que je vais gagner sur trois mois sans chimio et bien entendu ce qui me donne des ailes, l’espoir de priorité sur une immunothérapie.

C’est tout sourire que nous avons quitté l’institut Gustave Roussy. La soirée chez Marc fut conviviale et décontracté et il y a bien longtemps que je n’avais pas aussi bien dormi.

Avec ma moitié nous avons réservé notre lendemain pour une vraie journée de tourisme et notre dernière soirée en sortie Paris by Night


2 commentaires :

  1. Jeudi, Tête de Turc était à la capitale avec son épouse.

    C’est jeudi que j’ai eu plaisir à venir accueillir à PARIS Tête de Turc et son épouse, au sortir de la Gare de Lyon, en provenance de MONTPELLIER.
    Tête de Turc se présentait en urgence aux fins de consulter un oncologue de l’Institut Gustave Roussy de Villejuif pour un second avis.

    Nos échanges ont été riches. Nous sommes en effet dans le besoin d’un soutien réciproque puisque, après avoir vécu la tempête sur une galère sans voile ni gouvernail… nous voici tout deux dans le même océan à nager dans d’énormes creux sans aucun rivage en vue. Le risque imminent c’est d’être submergé par une vague ou par une mauvaise tasse. J’ai beau être titulaire d’un diplôme d’état du 1er degré des métiers nautiques je demeure aussi vulnérable qu’un non nageur accroché à une brindille pour tenter de garder la tête hors de l’eau.

    Durant ces deux jours mon épouse et moi-même avons, en leurs compagnies, visité quelques sites de la capitale, mais également partagé les blagues les sourires les plaisirs de la bonne table (et croyez moi tête de turc semble être un expert sur ce dernier plan). Pour autant parfois, sur cette table nous y déposions nos souffrances respectives et nos espoirs aussi…

    J’ai aimé retrouver dans les yeux de son épouse le même regard de passion, d’espoir et d’amour pour son homme que celui que ma « chinoise » me porte par moment… Ce regard qui nous fait nous dépasser pour durer, endurer et continuer le combat.
    J’ai eu plaisir à partager et donner aussi. Il est surprenant de constater que nos propres croix, si lourdes à porter, gomment nos différences et nous conduisent à marcher sur le même chemin dans les pas l’un de l’autre.

    Merci à toi tête de Turc
    Merci à ton épouse aussi pour votre visite réconfortante.
    Nous avons durant 48H fait un pied de nez à notre maladie grâce à cette ambiance joyeuse qui est le fruit des paroles bienveillantes, et des qualités humaines du Docteur DI PALMA de l'Institut Gustave Roussy.
    Je sais que ton entretien médical t’a regonflé à bloc et que sous peu j’aurai plaisir à lire sur ton blog, ton/tes combats que tu mènes avec l’encre de ta plume.
    Bonne route à toi bon chemin.
    Très fraternellement et heureux de t'avoir reçu, je te dis à bientôt.

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  2. Message d'un compagnon de douleur

    La lecture de votre message relatant votre passage à l’institut de VILLEJUIF laisse transparaître une remontée du moral qui fait du bien, et ce d’autant plus qu’il s’accompagnait d’un soleil radieux, nous permettant d’entrevoir le début du printemps !

    Il n’y a plus qu’à patienter, avec la pharmacie existante, pour nous permettre d’envisager espérer les bienfaits des nouvelles armes en préparation !

    Pour ma part, je me suis rendu compte à la lecture de votre message, que j’avais bien de la chance.

    Depuis que je suis traité par des oncologues, soit radiothérapeutes soit chimiothérapeutes, ce sont toujours les médecins qui sont venus nous chercher en salle d’attente, et qui en fin d’entretien nous raccompagnaient chez la secrétaire pour leur transmettre les consignes de prise de RV, d’organisation de scintigraphie, scanner ou autre. C’est peut être lié au service d’oncologie libérale qui me suit, mais je reconnais que cela fait du bien, et on finit par trouver cela tout à fait normal, sans pouvoir imaginer que tous les malades n’ont malheureusement pas la chance d’être traité avec le même égard, je dirai simplement être traité comme des hommes ou des femmes suivant des soins et non, comme cela semble encore être trop souvent le cas, comme de simples pions malades, qui n’ont d’autre choix que de patienter en salle d’attente qu’une secrétaire les appelle pour les introduire pour quelques minutes chez le « spécialiste » qui valide ou non les soins à dispenser, sans trop prendre le temps de se consacrer aux êtres humains, avec leurs attentes et angoisses ! et que l’on prend le soin de renvoyer chez la secrétaire avant qu’un véritable échange ou dialogue qui risquerait de nuire à la rentabilité du service ne s’instaure !

    Je peux aisément imaginer la scène, ayant, lors de l’une ou l’autre scintigraphie que j’ai accepté de passer dans un centre différent pour de questions de rapidité de rendez-vous, subit des traitements de ce genre, en restant incompréhensif devant une secrétaire ou assistante qui vous tends la main pour vous dire « au revoir, les résultats seront adressés à votre oncologue dans quelques jours » sans possibilité ne serait-ce que d’entrevoir le radiologue, afin qu’il puisse vous faire part des résultats de l’examen que vous venez de passer, et d’être contraint de menacer de ne pas quitter le service avant d’avoir pu voir un radiologue pour finalement se rendre compte que l’interne état bien présent dans le service mais qu’il avait trop de choses à faire pour vous consacrer ne serait-ce que 5 minutes !

    Il est vrai que cet entretien ne change rien au résultat, mais qu’il change tout à l’état d’esprit dans lequel on quitte le service, que les nouvelles soient bonnes ou le soient moins, dans la mesure ou on ne reste pas seul avec ses interrogations et ses doutes pendant quelques jours ou nuits, dans l’attente du rendez-vous suivant avec l’oncologue qui va enfin pouvoir vous donner connaissance du compte rendu et de l’évolution des points d’ancrage du « Compagnon de voyage »

    Il faut espérer que les mentalités évoluent et que tous les services prennent enfin conscience que derrière les malades il y a des êtres humains, des conjoints et des enfants, et qu’il faut nous traiter comme tel, et ce, tant pour notre moral que pour celui de nos familles qui sont suffisamment éprouvés pour ne pas leur imposer une telle indifférence.

    C’est donc, avec un nouveau regard que j’attendrai mon oncologue lors du prochain rendez-vous en appréciant comme il se doit un traitement qui semble bien privilégié, en ayant une pensée pour tous les compagnons d’infortune qui ne bénéficient pas d’un tel traitement.

    Maintenant que le moral est revenu, je ne peux que vous souhaiter bon courage et bonne route pour la suite du traitement.

    Jean-Michel

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