24 nov 2013
Comme un grand nombre
de malade du cancer, je suis particulièrement bien soutenu par mes proches, et
pourtant je suis seul, enfin presque…
Quand j’ai eu l’envie
d’écrire ce blog, le choix du titre m’a paru évident. Voyage avec mon cancer, tout
simplement comme je l’ai expliqué à maintes reprises, cette maladie est d’une
telle intrusion psychique qu’elle peut presque être identifiée comme une
personne à part entière, à la seule différence qu’elle reste impalpable et
totalement incontrôlable.
Le cancer de la
prostate est principalement soigné par de l’hormonothérapie, qui va
considérablement bousculer l’équilibre de façon très globale et dans certains
cas provoquer de réelles dépressions, donc autant dire que la moyenne des cas
aboutit à un authentique développement de l’imaginaire, légèrement douteux.
Qui pourrait
supporter de changer physiquement et psychiquement de façon aussi imprévisible.
Le traitement de ce cancer est associé à d’autres molécules utilisées en chimio
tel que le Taxotère ou encore plus récente le Zytiga ou l’Enzalutamide. Tous
ces médocs ont des effets secondaires sur les neurones ainsi que sur sur les capacités
de concentration, les accès de nervosité et associés avec de la cortisone des conséquences
sur l’embonpoint très perceptibles.
Depuis tout petit je
suis insomniaque et ne dors en moyenne que trois à quatre heures par nuit,
maintenant dès que j’ai tendance à m’endormir, mon cancer me réveille pour bien
marquer sa présence. Je ne parle pas des douleurs qui pour le moment sont très
bien jugulées par la cohorte de médocs que j’ingurgite, je parle très
concrètement du dialogue avec mon cancer qui s’installe dès que tout est calme
sous notre toit.
Pour être plus clair,
c’est comme si au moment de vous endormir, à l’instant de profiter d’une bonne
nuit de repos, un importun frappait à votre porte avec insistance, sans interruption,
comme une urgence. Alors on répond et le tête-à-tête s’installe.
Je parle plus avec
mon cancer qu’avec mes médecins, quand j’écris que « je parle » le
terme n’est pas exact, c’est une conversation mais un conciliabule ou chaque
interlocuteur émane du même corps. Je suis lui et moi alternativement.
Si vous cherchez sur
Internet il y a des théories sur la gestion de son corps en parlant avec ses cellules,
il ne s’agit pas du tout de ça. Ce dont je veux vous parler, c’est de cette
réelle schizophrénie qui s’installe tous les soirs dans notre chambre. Là, nous
sommes au cœur du sujet où je vous disais que vivre avec un cancer en couple
était l’équivalent d’une vie partagée à trois.
Dans ces échanges,
personne ne domine, bien qu’il y ait des tentatives un peu trop violentes de sa
part. Pour ce qui me concerne j’en suis plus au niveau de la négociation, à
quoi bon précipiter les choses puisque à la fin il va gagner.
Je pense pourtant dominer
un minimum ce conflit d’intérêt. Pour le moment je finis presque toujours par
gagner mes trois heures minimales de sommeil et j’ai sincèrement l’impression d’en
apprendre plus que ce que je peux lui laisser.
Ce serait trop simple
de l’écouter et de me laisser porter, de ne pas résister, de capituler… Je n’ai
pas fini ce que je dois ou ce que je suis en train de faire, même avec ma
situation d'handicap pour me déplacer à loisir ou simplement plier les jambes
pour ramasser quelque chose par terre, je lui montre que je peux le faire, ça
me coute, mais je le fais.
Mes concessions ont
déjà été suffisantes de mon point de vue. Je suis passé de l’actif au contemplatif,
du dynamique au bedonnant, je passe mon temps à chercher ce qui est sous mes
yeux pour le perdre à nouveau dans les minutes qui suivent. Mais je ne lâcherai
pas si facilement mon analyse, mon impertinence et ma capacité de répondre.
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